Par Amar Rafa L'Emir Abdelkader, le fondateur de l'Etat algérien moderne, est aussi le précurseur de la mise en place du droit International humanitaire. A travers un décret, qu'il a pris en 1843, fixant les règles régissant le traitement des prisonniers de guerre, l'Emir a devancé Henry Dunant lequel, 10 ans plus tard, a fondé la Croix-Rouge et le droit humanitaire international moderne. Les participants au colloque l'«Emir Abdelkader et le droit international humanitaire», qui se tient sous le haut patronage du président Bouteflika, trois jours durant, au cercle de l'ANP de Beni Messous (Alger), notamment des experts et universitaires d'Algérie, de Suisse, de Grande-Bretagne et du Maroc, et des représentants des trois religions monothéistes, ont mis en exergue le rôle de l'Algérie et de l'Emir Abdelkader dans la mise en place du droit international humanitaire, en abordant les situations de protection de victimes de guerre et le renforcement de la protection juridique des personnes privées de libertés pendant les conflits, l'action du Cicr durant la Guerre de libération nationale, ainsi que d'autres sujets, qui sont plus que d'actualité aujourd'hui avec la multiplication des conflits armés dans le monde. Le président du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr), Peter Maurer, dans un hommage posthume à l'Emir Abdelkader, a indiqué que «sa contribution au développement de l'action humanitaire moderne a été considérable». Dans ce contexte, il a souligné que «non seulement il a été un précurseur incontesté des principes fondamentaux de cette action, en particulier grâce à son intervention courageuse pour la protection de civils innocents à Damas en 1860, mais il a su user de ses compétences militaires, diplomatiques et politiques pour mettre en œuvre cette action». Selon le président du Cicr, «l'Emir Abdelkader est reconnu comme un personnage remarquable tant pour son engagement politique en faveur de la nation algérienne, que pour son inspiration et sa contribution à la théologie soufie au Moyen-Orient». En mettant en relief les «liens intimes» entre le Cicr et l'Algérie, Peter Maurer a affirmé en outre que «sans l'Algérie, le Comité international de la Croix-Rouge et tout le mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge n'auraient peut-être jamais vu le jour». Il a expliqué, encore, que, même s'ils ne se sont jamais rencontrés, l'Emir Abdelkader et Henry Dunant partageaient une conviction commune : «Tout individu hors du combat -qu'il soit malade, blessé ou prisonnier ou autrement incapable de se défendre- doit être traité avec humanité et sans la moindre discrimination.» Et si la codification du droit international humanitaire moderne -également appelé «droit de la guerre» ou «droit des conflits armés»-, remonte à la première convention de Genève en 1864, l'Emir Abdelkader avait, bien des années auparavant, exigé qu'un traitement humain soit réservé aux prisonniers, a rappelé, Peter Maurer. En Algérie, aujourd'hui, une grande importance est accordée à la mise en œuvre du droit international humanitaire, a affirmé Peter Maurer, se disant «sûr que la commission nationale algérienne du droit international humanitaire, créée en 2007, assumera les responsabilités qui sont les siennes en matière de diffusion, de législation et de mise en œuvre du droit humanitaire». Et ce, avant de renouveler son soutien à cette commission. Lors de son discours inaugural, Mohamed Charfi, le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, en sa qualité de président de la commission nationale du droit international humanitaire, a rappelé que les règles du droit positif humanitaire ont été posées par l'Emir en la forme d'un décret, qu'il prit en 1843, régissant la situation des soldats de l'agression coloniale contre son pays. Il a relevé que, malgré sa position de résistant à l'agression étrangère, contre son pays, et «alors que ses troupes n'étaient formées que de résistants volontaires, la mission de défendre militairement son pays n'a pas écorché, chez l'Emir Abdelkader, son humanisme inné qui se nourrissait, disait-il, de sa culture et de sa religion musulmane», a indiqué M. Charfi. Il a estimé que «cette décision de l'Emir Abdelkader, unilatérale, inconditionnelle, non assortie de modalité, ni d'exigence de réciprocité, qui ne prévoit aucun fait justificatif, est l'expression d'un humanisme sublimé, exprimé alors que l'agression étrangère contre l'Algérie, son pays, durait depuis quinze ans déjà». Pour lui, encore, le décret de l'Emir Abdelkader devrait être retenu par l'histoire comme la première marche du droit international humanitaire, même si les écritures ont, jusque-là, conféré cette primeur à la convention de Paris de 1857 gagée car il est, par son caractère, multilatéral. Le ministre a rappelé, également que l'action humaniste de l'Emir Abdelkader s'était poursuivie même quant il n'avait plus aucune responsabilité officielle et qu'il vivait en exil. Il a cité alors le cas, lorsqu'il n'a pas hésité à défendre, au péril de sa vie et celle des siens, des milliers de chrétiens, lors des événements de Damas survenus en 1860, voués à une extermination, soulignant que cette action a valu à l'émir la reconnaissance des souverains de l'époque et notamment celle du pape Pie IX qui lui décerna une distinction de l'ordre papal. A. R.