Un rapport, rendu public, mercredi 29 mai, par la Banque africaine de développement (BAD) sur la fuite des capitaux en Afrique, fait ressortir que le montant des capitaux transférés de manière illicite, de 1980 à 2009, a atteint la somme astronomique de 173,711 milliards de dollars US pour l'Algérie. Selon la même source, notre pays vient en quatrième position des pays africains derrière, respectivement, le Nigeria (252,357 milliards), la Libye (222,875 milliards) et l'Afrique du Sud qui a perdu 183,794 milliards de dollars US. Différentes techniques sont utilisées par ceux qui veulent transférer des devises à l'étranger. Parmi les plus connues la surfacturation, le change parallèle et l'acquisition de logements à Dubaï ou en Europe à travers de petites annonces publiées sur la presse nationale. C'est pour remédier à cette situation qu'un groupe d'experts de haut niveau a été mis en place. Parmi ceux-ci, El Hadi Mekboul, directeur général du Ceneap. Dans une contribution intitulée «Pour une stratégie africaine audacieuse et urgente pour connaître, maîtriser et lutter contre ce phénomène en Afrique», en août 2012, il estime que «les trois formes et origines de transferts illicites sont la corruption (3 à 5%); la criminalité organisée (contrefaçons, contrebande, crimes, drogue (30 à 35%)) ; les activités commerciales des multinationales et l'évasion fiscale (60 à 65% du volume total)». Il poursuit en estimant qu'en matière de lutte contre la corruption, «Il est recommandé de définir et d'adopter des politiques nationales de lutte adaptées au contexte de chaque pays africain et de conforter les missions des institutions en charge du contrôle à tous les niveaux et leur volume d'activité en les dotant de moyens adéquats, d'un statut particulier pour leur personnel, de missions élargies et d'un accès libre à toutes les sources d'informations. En parallèle, par la généralisation de la déclaration solennelle de la part des dirigeants politiques et des gestionnaires au moment de leur prise de fonction, de leur engagement à combattre toute forme de corruption». Pour cet expert, «la lutte contre la contrebande et les réseaux criminels exige de véritables stratégies de lutte contre toutes les formes de trafics et le renforcement des actions de partenariat et d'information dans ce domaine. A cet effet, il faut dégager des fonds spéciaux au profit des institutions spécialisées et des organes de lutte afin de former des compétences techniques africaines et de développer des programmes de coopération, d'information, un cadre juridique, des dispositifs d'intervention et d'alerte pour empêcher les terroristes et les contrebandiers de circuler, de s'implanter et de réaliser leurs objectifs». Concernant les activités des multinationales, M. Mekboul estime qu'elles devront être «plus transparentes dans l'information sur leurs différents programmes et activités. Elles auront ainsi l'obligation de publier toutes les informations sur leur organisation, leurs paiements, leurs états financiers, leurs comptes sociaux et bilans financiers, ainsi que ceux de leurs filiales auprès des institutions nationales compétentes et agréées». En matière de maîtrise des importations et de transfert de devises vers l'étranger, «les Etats doivent répertorier les potentiels importateurs et suivre leurs activités par le renforcement du contrôle et du suivi des importations. Dans ce cadre, la mobilisation des services des impôts et des douanes en matière de lutte contre les transferts illégaux de devises et la création d'une base de données sur les transactions extérieures apparaissent comme des actions essentielles». Le même expert note qu'en matière de «lutte contre la corruption et les flux financiers illicites en provenance d'Afrique», il est nécessaire de renforcer les instruments existants à travers notamment la signature et la ratification de la convention des Nations unies sur la corruption et la mise en œuvre d'un programme de coopération avec les instances internationales spécialisées. L'évasion fiscale et la surfacturation commerciale constituent des pratiques illégales courantes que les pays africains devront contrôler et réduire par la mise en place de dispositifs de régulation, d'observation et de contrôle des échanges et des marchés par la création d'un observatoire du commerce extérieur et de structures techniques et administratives de supervision et de contrôle modernes. Concernant les programmes d'aide en direction de l'Afrique, ils devront bénéficier d'une attention particulière, de nouvelles initiatives pour prévenir et détecter les collusions et éviter les détournements à travers le recyclage et le blanchiment d'argent. «A cet effet, il est important de favoriser l'aide exclusivement avec les Etats, les institutions internationales et régionales et les fonds internationaux sur la base de programmes préalablement définis et par la mise en place de mécanismes et systèmes de contrôle et de suivi de l'affectation desprogrammes d'aide», souligne M. Mekboul. L'Algérie s'est pourtant dotée de tous les instruments possibles de lutte contre la corruption et l'évasion fiscale. Elle a signé, ratifié et transposé dans sa législation tout les traités internationaux liés à la fraude et l'évasion fiscale ainsi que la lutte contre le blanchiment. Le pays reste cependant touché par ce phénomène couteux en raison d'un engagement moyen de ceux qui sont en charge de lutter contre ce fléau. A. E.
Un panel de haut niveau pour lutter contre les FFI Etabli par la Commission économique pour l'Afrique, le Panel de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d'Afrique, a été inauguré le 5 Février 2012, à Johannesburg, Afrique du Sud. Le Panel de haut niveau sur les flux financiers illicites (FFI) est composé notamment de M. Segun Apata, M. Raymond Baker, Mme Zainab Elbakri, M. Abdalla Hamdok, Secrétaire exécutif adjoint et président du Comité technique de la CEA pour le programme FIF, M. Emmanuel Nnadozie, Chef du secrétariat de la commission technique pour le programme FIF et Mme Mojanku Gumbi, membre du secrétariat du Comité technique pour le programme FIF. Les consultations menées par le Panel de haut niveau jouent un rôle crucial dans la détermination des options et des recommandations politiques appropriées sur la façon de traiter efficacement le problème de la FFI et le rôle des différentes institutions interne, externe, étatiques et non-étatiques, les acteurs, organismes et parties prenantes dans la résolution du problème. On estime dans un rapport de la CEA que jusqu'à 50 milliards de dollars US s'écoulent de l'Afrique illicitement chaque année, ce qui représente environ le double du montant de l'aide que l'Afrique reçoit. Les flux financiers illicites étouffent le progrès socio-économique de l'Afrique, épuisent les ressources en devises limitées, réduisent les recettes fiscales du gouvernement, augmentent la corruption, aggravent la dette extérieure et augmentent la dépendance économique de l'Afrique.