Dans le cadre des rencontres littéraires organisées en marge de la 6e édition du Festival international de la littérature et du livre de jeunesse (Feliv-2013), qui se poursuit jusqu'au 22 juin prochain, principalement à l'esplanade de Ryadh El Feth, mais aussi à Tipasa et Tizi Ouzou, les visiteurs du Feliv ont pu assister, hier au chapiteau central de la manifestation, à une rencontre animée par le poète algérien Khaled Ben Saleh et le romancier irakien Muhsin Al Ramli, dédiée à la notion du conflits dans la littérature et notamment l'influence des conflits politiques sur l'écriture romanesque et poétique. A cet effet, Muhsin Al Ramli a évoqué l'influence de l'histoire tourmentée de sa terre natale, l'Irak, sujette depuis des millénaires à de perpétuels conflits, qui a inéluctablement façonnée la plume de sa propre écriture et celle de ses compatriotes. Il a cité à cet effet l'exemple de son propre roman les Jardins du président publié en 2012, où il relate d'une manière romancée les conflits qui ont meurtri son pays depuis une cinquantaine d'année. L'auteur Irakien a également souligné que la véritable littérature doit véhiculer des valeurs humanistes qui mettent en avant les tragédies et les inspirations individuelles. Ainsi, le véritable écrivain n'a pas besoin de grandes épopées, mais de sincérité dans l'écriture. Une œuvre puissante peut être incarnée par les récits d'un enfant qui grandit dans le contexte d'un conflit où sont posées les questions existentielles liées aux aspirations légitimes à l'accomplissement de l'être dans ses rêves d'amour et de liberté. A partir l'histoire de cet individu, l'écrivain peut offrir une œuvre palpitante à ses lecteurs à condition qu'il soit sincère. De même, le véritable écrivain est celui qui prête sa plume à ceux qui sont meurtris dans leur chair et leur âme par les conflits qui ensanglantent leur patrie. Ainsi, raconter les histoires des victimes est une manière de leur rendre hommage, en leur restituant leur humanité, leurs valeurs, leurs rêves et même leurs propres conflits intérieurs afin que les traumatismes soit transcendés en une œuvre esthétique et qu'ils ne soient pas réduits, tel qu'il le sont dans les médias, à de simples statistiques macabres. Muhsin Al Ramli a également souligné que les conflits qui secouent les peuples sont aussi des sources d'inspiration inépuisables pour les écrivains, à condition qu'ils prennent du recul. Une source d'inspiration qui se bonifie au fil des années, citant en exemple le nombre important de romans publiés aujourd'hui en Espagne, son pays d'adoption, sur la guerre civile qui a ensanglanté et divisé le pays dans les années trente. Quant au poète algérien Khaled Ben Saleh, signataire de deux recueils de poésie aux éditions algériennes Ikhtilaf, il a longuement insisté sur l'importance de donner une dimension humaniste à l'écriture en illustrant ses propos par sa propre expérience de poète. Il a également mis en relief le soutien de la poésie à la reconstruction des êtres traumatisés par les conflits qui les entourent, à l'instar de la Guerre de libération nationale ou, plus proche encore, la décennie sanglante où le rêve et les sentiments humains étaient fauchés par l'hydre terroriste, qui a plongé tout un peuple dans la terreur de crime barbares et d'assassinats gratuit. Au-delà de la glorification de la mort et des souffrances, il s'agit avant tout de restituer aux lecteurs leur faculté de rêver à travers une écriture irréelle tel un exutoire à l'innommable. Il a souligné à cet effet que «beaucoup de rêves sont dans l'adolescence. Mais la peur et la terreur de la mort gratuite ont engendré des rêves brisés. Cela a un impact direct sur l'écriture de la nouvelle génération. Ainsi, on ne peut parler d'amour si on n'aborde pas la souffrance de perdre l'être aimé». Il a souligné à cet effet, que la thématique de l'amour devient alors un exutoire car il s'agit de parler de sentiments et d'émotions nobles et sincères qui jaillissent de plus profond de l'être. Même si c'est un concept complexe qui est lui-même le fruit d'un conflit intérieur. Le poète algérien a également ajouté que ce qui se passe maintenant dans les pays arabes doit être une matière première pour l'écriture et une nouvelle vision de l'écriture. Il a conclu en estimant que «depuis le commencement de l'écriture, l'être humain écrit sur l'amour, sur la guerre, le rêve. Ces thématiques demeurent des sujets inépuisables, car il rêve sans cesse de nouvelles formes offrant ainsi des champs ouverts pour le dialogue et l'expression de l'humanisme à travers l'écriture». S. B.