Tout le monde le crie sur tous les toits : l'éducation artistique est capitale pour la construction de la personnalité des élèves, pour leur développement et leur épanouissement. Mais tout le monde reconnaît également : profondément minée par les innombrables problèmes que l'on sait, l'école algérienne n'arrive pas à développer cette éducation artistique, les matières artistiques - lorsqu'elles sont enseignées, ce qui n'est pas évident dans tous les établissements scolaires- ne sont pas considérées de la même manière que les mathématiques, les sciences ou les lettres. A ce niveau-là, à de très rares exceptions près, toute la famille de l'éducation (enseignants, parents et administration), considèrent la musique, le dessin ou la danse comme des matières de «seconde zone», à l'examen desquelles l'élève peut échouer sans que ça influe sur sa moyenne générale ou son niveau d'études. Ce qui, on le sait, n'est pas le cas des matières principales, celles qui «assurent» une carrière, un avenir, dans lesquelles les élèves sont sommés de travailler dur. D'ailleurs, arrivés au secondaire - et là encore, hormis de rares exceptions dont les parents ont jugé nécessaire de recourir au privé pour une formation artistique de leurs enfants-, l'écrasante majorité des élèves ne sait pas jouer d'un instrument de musique, ne maîtrise pas les techniques du dessin et connaît à peine la signification de «quatrième art». «A quoi ça sert ?» est le principal argument de ces lycéens qui, naturellement, adorent la musique et le cinéma. L'école et la majorité de la société algérienne n'étant pas réellement portées sur l'artistique, il est naturel de ne pas trouver de passerelles entre l'éducation nationale et la culture, entre l'école et le conservatoire, l'école et le théâtre ou l'école et le cinéma. Il y a quelques années, il arrivait que des pièces de théâtre, montées par des lycéens sous la supervision d'enseignants, soient retransmises par la télévision algérienne. Aujourd'hui, c'est à peine si l'initiative est tentée dans l'établissement scolaire même. «Il était question que la classe de ma fille monte une pièce de théâtre pour la fête de fin d'année. Mais, dès que l'examen est passé, tout le monde est sorti en congé et je n'en ai plus entendu parler !», témoigne, sans manifester de surprise, le père d'une élève de 5e année primaire, à Oran. «J'ai toujours su que la pratique artistique à l'école est une vue de l'esprit. Comme le sport, d'ailleurs», souligne-t-il en affirmant que, cette année, aucune séance d'éducation physique n'a été programmée pour la classe de sa fille. En butte à de nombreuses difficultés, les établissements culturels peuvent à peine assurer le minimum, soit un fonctionnement basique pour ne pas être contraints à la fermeture. Pas le temps, l'énergie ou l'envie de s'adonner à la prospection - tâche lourde, coûteuse et souvent ingrate- de ces petits génies qui pourraient faire les beaux jours de la culture algérienne. Comment, dans ce cas, espérer développer la pratique artistique et découvrir ces talents précoces que les crèches et les écoles primaires recèlent forcément ? «L'Education nationale doit d'abord résoudre ces problèmes et sortir de la crise dans laquelle elle se débat depuis de nombreuses années», estiment les observateurs, en rappelant les multiples grèves qui secouent le secteur depuis une décennie sans que des solutions soient encore trouvées. Ce n'est qu'après un «retour à la normale» que l'on pourra concevoir que l'éducation artistique retrouvera sa place dans les écoles. S. O. A.