La deuxième session plénière du groupe de travail sur le Sahel, dans le cadre du Forum global de lutte contre le terrorisme (Fgct), a entamé, hier à huis clos, à Oran, ses travaux consacrés essentiellement à l'évaluation de la mise en œuvre des recommandations de la première session, tenue les 16 et 17 novembre 2011 à Alger. Recommandations qui, pour rappel, se sont articulées autour de thèmes liés à la menace sur le Sahel, la sécurité frontalière, la coopération et renforcement juridique et judiciaire, les engagements communautaires dans la prévention et la lutte contre l'extrémisme, la lutte contre le financement du terrorisme et la coopération entre les services de police. La cinquantaine de recommandations qui ont sanctionné ce conclave ont-elles été appliquées ? C'est l'une des questions auxquelles les participants à cette deuxième session, qui s'achève aujourd'hui, tenteront de répondre. Mais, d'ores et déjà, il semble que pour Mme Nolke, directrice générale aux MAE et Commerce international du Canada, qui copréside le groupe de travail avec Kamel Rezzak Bara, conseiller auprès du président de la République, qu'il soit nécessaire d'apporter des ajustements dans la stratégie de lutte antiterroriste dans le Sahel : «A la lumière des événements [...], nous devons revoir notre conception commune de la menace qui continue d'évoluer. Nous devons aussi évaluer l'ensemble des priorités que nous avons élaborées il y a un an et demi. En utilisant pour point de repère la Stratégie globale pour le Sahel des Nations unies et, en nous guidant sur les stratégies nationales de lutte contre le terrorisme des pays du Sahel», a-t-elle notamment soutenu dans son intervention en soulignant que la lutte contre le terrorisme nécessite une coopération internationale. «Les événements tragiques de janvier à In Amenas (attaque contre le site gazier de Tiguentourine qui avait fait 23 victimes de diverses nationalités, Ndlr) ont illustré de manière brutale en quoi consiste le défi [...]. Etant donné le nombre de pays dont étaient originaires les victimes et les responsables, et tous ceux dont les intérêts commerciaux ont été touchés, l'attaque de Tiguentourine nous rappelle de manière brutale que le fléau du terrorisme dans le Sahel nous touche tous et que la solution à ce problème nécessite une coopération internationale.»
Problématique complexe La lutte contre le terrorisme passe également - et forcément - par l'élimination des fléaux dont il se nourrit dans une région du Sahel extrêmement fragilisée par la pauvreté endémique, l'exclusion et les déficits de gouvernance. C'est ce que Kamel Rezzag Bara a développé dans son intervention en rappelant le rôle crucial du crime organisé dans le soutien au terrorisme. «Il est plus qu'avéré que c'est grâce à l'argent des rançons dans le cadre des prises d'otages et aux revenus provenant des divers trafics, notamment celui de la drogue, que ces groupes financent une grande partie de leurs activités criminelles», a-t-il indiqué en estimant que les liens étroits entre les groupes terroristes et la grande criminalité organisée «donnent toute la mesure de la complexité qui caractérise aujourd'hui la problématique sécuritaire dans la région du Sahel». Pour autant, d'encourageantes évolutions sont enregistrées dans la région dont la plus importante est, sans doute, la décision des autorités maliennes de transition de solliciter l'aide extérieure dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies qui prévoit le déploiement au Mali, pour une période initiale d'une année, d'une force internationale sous conduite africaine afin de rétablir la souveraineté malienne sur l'ensemble du territoire. «Dans cette logique, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) chargée d'accompagner, à compter du 1er juillet 2013, la transition dans ce pays, doit bénéficier de notre soutien», a-t-il encore soutenu. Pour Kamel Rezzag Bara, il est également impératif de dresser le bilan de ce qui a été accompli depuis une année et demie, d'identifier les insuffisances éventuelles afin de formuler les recommandations qui s'imposent et «d'engager des actions durables et concrètes de coopération de manière à renforcer les capacités de lutte antiterroriste des pays Sahélo-Sahariens».
Assécher les sources de financement Le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la Communauté nationale à l'étranger, Belkacem Sahli, qui s'est, lui, attaché à réaffirmer la détermination de l'Algérie à lutter contre le terrorisme, a également souligné l'importance des liens unissant désormais le terrorisme et le crime organisé dans la région du Sahel et qui en font une seule et même menace à neutraliser de toute urgence. Comment ? «Par l'assèchement des sources d'enrichissement illégal et criminel qui permettront un retour aux bases d'une économie créatrice de richesses et d'emplois», a-t-il préconisé. Le secrétaire d'Etat n'a pas manqué de rappeler l'ensemble des actions entreprises dans le but de renforcer les capacités de lutte des pays du Sahel tels que le «Mémorandum d'Alger sur les bonnes pratiques en matière de prévention des enlèvements contre rançon par des terroristes et d'élimination des avantages qui en découlent», ou encore l'atelier sur l'extrémisme et la violence, tenu à Ouagadougou, au Burkina Faso, en avril dernier, la rencontre sur le blanchiment d'argent, organisée à Abuja, au Nigéria, en décembre 2012, ainsi que la réunion technique sur la sécurité des frontières, organisée à Niamey, Niger, la même année de 2012. Aujourd'hui, au deuxième et dernier jour de cette seconde session, le groupe de travail sur le Sahel, qui est composé de représentants d'une trentaine de pays, devrait rendre ses conclusions sur ce qui a été accompli depuis novembre 2011 et, surtout, dévoiler les nouvelles orientations de la lutte contre le terrorisme dans une région traversée par les graves turbulences que l'on sait. S. O. A.
Les objectifs du FGCT Organisme multilatéral informel sur le contreterrorisme, le Forum global de la lutte contre le terrorisme (Fgct) est né à New York en septembre 2011, soit dix années après les attentats du World Trade Center qui ont fait près de 3 000 morts. Il aspire à «renforcer l'architecture internationale de lutte contre le terrorisme [...], préconise une démarche stratégique à long terme pour faire face à cette menace [...] et vise à renforcer les capacités civiles des pays» dans la lutte antiterroriste. Fort de 30 pays membres fondateurs, le Fgct est composé d'un Comité de coordination de niveau stratégique, présidé par la paire Etats-Unis/Turquie, et de cinq groupes de travail thématiques régionaux : le renforcement des capacités des pays du Sahel, coprésidé par l'Algérie et le Canada, le renforcement des capacités des pays de la Corne de l'Afrique, coprésidé par l'UE et la Turquie, le secteur de la justice pénale et l'Etat de droit, coprésidé par l'Egypte et les Etats-Unis, la lutte contre l'extrémisme violent, coprésidé par les Emirats arabes unis et le Royaume-Uni et, enfin, le renforcement des capacités des pays de l'Asie du Sud-Est dont la coprésidence est confiée à l'Australie et l'Indonésie.