Le Conseil français du culte musulman (Cfcm) vient de démontrer, à l'occasion du renouvellement de ses instances régionales et nationales, qu'il sait cultiver, par des divergences chroniques entre les fédérations qui le composent, l'art de la crise permanente. Au stade où son Conseil d'administration, 45 membres élus le 8 juin, a été dans l'incapacité d'élire, dimanche dernier, le nouveau président. Une nouvelle tentative d'élection est prévue dimanche prochain. Ce report n'est pas une surprise tellement est profond le mal qui ronge le Cfcm, composé de la Fédération de la Grande Mosquée de Paris (Fngpm), qui a les faveurs des Algériens, du Rassemblement des musulmans de France (RFM), lié au Maroc, de l'Union des organisations islamiques de France (Uoif) d'obédience Frères musulmans, du Comité de coordination des musulmans turcs de France (Cmtf) et de petites associations sans grande influence. Ce mal vient de la représentativité et du poids réel de chaque composante avec comme fixation la bagarre pour la direction du Conseil. Après deux mandats présidentiels de Dalil Boubekeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, c'est le Marocain du RFM Mohamed Moussaoui qui a dirigé le Cfcm dont le mandat vient de prendre fin. Mais la question de la présidence n'avait toujours pas été réglée d'un point de vue statutaire alors qu'un accord non écrit disait qu'elle devait revenir continuellement à la Mosquée de Paris pour équilibrer un vice de forme inscrit dans les textes : le nombre d'élus de chaque fédération était réparti selon la superficie totale des mosquées. Or à ce jeu, la communauté franco-algérienne, la plus nombreuse en fidèles, fut largement défavorisée car les mosquées qui lui appartiennent, plus anciennes, situées dans les grandes villes, donc de petites surfaces, ont une superficie inférieure aux mosquées marocaines construites dans des nouvelles agglomérations. D'où, le RFM a toujours eu largement plus d'élus au Cfcm que la Fngmp. Le 23 février dernier, l'Assemblée générale du Cfcm a adopté une réforme instaurant un «nouveau mode de gouvernance basé sur la collégialité et l'alternance» avec une présidence tournante tous les deux ans. La crise semblait surmontée et le Conseil d'administration du 17 mars a fixé au samedi 8 juin le renouvellement de ses instances aux niveaux national et régional. Mais voilà que le 6 juin, l'Uoif a relancé la crise en annonçant son retrait des élections pour protester contre les «déchirements» et «convoitises» qui divisent, selon elle, les instances du Cfcm. Des arguments jugés fallacieux par ceux qui ont estimé que c'est le risque de la marginalisation qui a poussé l'Uoif à faire volte-face. En effet, sur les 3 460 délégués inscrits sur les listes électorales pour le 8 juin, l'Union, proche des Frères musulmans, qui a peu de mosquées, n'en comptait que 300. Le RFM comptait quant à lui entre 1 700 et 1 800 délégués, la Fngmp 900 et les Turcs environ 300. Passant outre la manœuvre de l'Uoif, l'élection du 8 juin a eu lieu en élisant au Conseil d'administration 25 membres RMF, 8 Fngmp, 6 Cmtf, 2 Uoif, 1 Milli Gorus et 2 divers. Réuni dimanche dernier, malgré des tractations de plusieurs jours, le nouveau CA du Cfcm a été dans l'incapacité d'élire un nouveau président. Longtemps pressenti, Dalil Boubekeur aurait refusé la fonction tout en proposant au nom de la Fngmp Chems Eddine Hafiz, président-adjoint du CA sortant. Les Marocains du RFM ont refusé cette candidature sous le prétexte non avoué qu'il venait de plaider à Bruxelles en faveur du Front Polisario, preuve parfaite de la politisation du Cfcm. Dalil Boubekeur aurait finalement accepté d'assumer la présidence mais des divergences sur la répartition des postes au sein de la direction du Cfcm n'ont pas permis de conclure positivement les travaux du CA qui reprendront dimanche prochain. M. M.