Une nouvelle ère a commencé dimanche, 8 juin 2008, avec le renouvellement du Conseil français du culte musulman (CFCM). Cette instance représentative des musulmans de France est minée depuis sa création en 2003 par des querelles picrocholines et des rivalités de pouvoir, sur fond de lutte d'influence entre les Etats dont sont originaires quelque 5 millions de personnes de culture arabo-musulmane. Avec la page Dalil Boubakeur ainsi tournée, c'est aussi le rêve d'un «islam de France» que caresse le président Nicolas Sarkozy qui devient difficilement accessible. A l'issue d'un processus électoral qui s'achèvera le 22 juin prochain, le CFCM changera de président. Le nouveau ne sera pas algérien, le collège électoral ayant à choisir entre le Marocain Mohamed Moussaoui, président du Rassemblement des musulmans de France (RMF) et le Turc Haydar Demiryuek, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF). A la tête du Conseil depuis 2003, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris (GMP) et président de la fédération éponyme, la FNGMP, a retiré sa candidature annoncée le 28 janvier 2008. La FNMGP a décidé de boycotter les élections en contestant les règles de désignation du corps électoral basé sur le critère spatial. Le 3 mai dernier, la FNGMP avait dénoncé les critères «iniques» fondés sur «des surfaces au mètre carré des lieux de culte en France». La discrimination par la surface s'appuie en effet sur le ratio 10 délégués pour 1 000 m2 de surface de prière. La Grande Mosquée de Lyon, dirigée par le Franco-Algérien Kamel Kabtane, et l'UOIF, l'Union des organisations islamiques de France, réputée proche des Frères musulmans et du Maroc, ont également dénoncé ce même mode d'évaluation. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris souhaite que d'autres conditions soient prises en compte comme la présence d'imams mieux formés. La FNGMP et la Grande Mosquée de Lyon, qui ne participeront donc pas au scrutin, n'ont pas désigné de délégués. Elles n'ont pas non plus présenté des listes régionales, sauf éventuellement en présentant des candidats sous l'étiquette d'«indépendants». Pour sa part, l'UOIF, qui avait laissé planer la menace d'un boycott, a finalement décidé de participer dans «un souci de préserver la pérennité du CFCM» mais sans présenter de candidat à la présidence. Le président Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait beaucoup contribué à l'accession de Dalil Boubakeur à la présidence du CFCM. A tort ou à raison, l'ancien ministre des Cultes considérait le recteur de la Grande Mosquée de Paris comme tenant d'un «islam modéré» face à l'intégrisme et comme une figure emblématique et influente de l'islam en France. Cette vision était fondée sur la perception du rôle «historique» de la Grande Mosquée de Paris depuis 1926. Cela semblait alors suffisant pour faire de Dalil Boubakeur une sorte de calife pontife des musulmans de France. Alors que la FNMGP est minoritaire en voix, Nicolas Sarkozy avait favorisé son élection en 2003 et assuré sa réélection en 2005 en dépit d'un net recul électoral. Cette fois-ci, le président Nicolas Sarkozy semble ne pas être intervenu pour lui permettre de prétendre à un troisième mandat. L'actuel ministre de l'Intérieur, Mme Michèle Alliot-Marie, qui a consulté Alger et Rabat, n'a pas non plus donné l'impression d'avoir exercé de pressions sur les membres du CFCM pour qu'ils le soutiennent de nouveau. Dalil Boubakeur semble donc faire les frais du phénomène d'usure et de son bilan à la tête du CFCM. Il paraît pâtir aussi de la faible influence de sa fédération dont les traits dessinent en creux celle de l'Algérie dont il s'est toujours assuré le soutien. Dans l'actuel CFCM, la FNGMP occupe 10 sièges alors même qu'elle ne contrôle qu'une centaine de mosquées et de salles de prière, soit 15 pour cent de la surface cultuelle représentée par 1 039 mosquées et lieux de culte. La justesse des arguments avancés par le recteur à propos de l'iniquité du critère spatial de désignation parvient à peine à faire oublier son bilan à la tête de la Grande Mosquée de Paris et de la fédération qui y est affiliée. A part l'installation d'aumôniers musulmans, le CFCM ne présente pas de résultats particulièrement brillants en matière de formation d'imams, se cantonnant le plus souvent dans l'organisation du pèlerinage et l'abattage rituel, source de gros enjeux financiers. Pour financer notamment les mosquées et former les imams, le CFCM a créé en 2007 une Fondation des œuvres de l'islam mais elle est restée en sommeil. La faire fonctionner sera une des tâches essentielles du prochain CFCM. N. K. L'élection, mode d'emploi 4 862 délégués, désignés sur la base de 10 représentants pour 1 000 m2 sur un total de 1 039 mosquées et salles de prière, voteront élire les cadres de 25 Conseils régionaux du culte musulman (CRCM). Ce collège électoral ainsi formé, réuni en assemblée générale, désignera à son tour le conseil d'administration du CFCM et son bureau exécutif. Le processus électoral s'achèvera le 22 juin prochain avec l'élection du nouveau président qui semble porter les traits du Marocain Mohamed Moussaoui, maître de conférences des universités et surtout président de la nouvelle force montante de l'islam en France, le RMF, le Rassemblement des musulmans de France, né d'une scission de la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF, proche du Maroc), qui domine le CFCM depuis 2005. N. K.