Par Hasna Yacoub Les robes noires ont observé hier un sit-in devant la Cour d'Alger en signe de protestation contre l'avant-projet de loi portant statut de la profession d'avocat. Un acte similaire de protestation a été observé dans neuf autres wilayas du pays, représentant les dix barreaux -sur la quinzaine qui constituent l'Union nationale des barreaux d'Algérie (Unba)- qui rejettent d'une manière absolue l'actuel avant-projet de loi. Un deuxième sit-in sera également observé aujourd'hui par les avocats contestataires au moment même où l'avant-projet sera proposé à l'adoption au niveau de l'APN. Le choix de cette adoption en fin de session à l'APN, est considéré par les avocats comme un subterfuge de la tutelle visant à tuer leur manifestation dans l'œuf, vu que la date de l'adoption coïncide avec les vacances et le Ramadhan. Me Sellini, le bâtonnier d'Alger, s'est même demandé pour quelle raison il a été décidé de programmer l'adoption de l'avant-projet alors que le premier magistrat du pays se trouve en convalescence à l'étranger. «Nous avons sollicité le chef de l'Etat à trois reprises et à chaque fois il avait pris une position en faveur des avocats. Maintenant qu'il est absent, on décide de faire passer le projet», a dit Me Sellini, le bâtonnier d'Alger, qui affirme que les avocats sont loin de s'avouer vaincus et qu'ils ont l'intention d'hurler leur colère dès la rentrée sociale. «Nous n'allons jamais accepter que les droits de la défense soient minimisés comme cela est le cas dans l'actuel avant-projet», a-t-il dit. Il faut rappeler que plusieurs articles de l'avant-projet de loi sont décriés par les avocats, qui considèrent que la nouvelle loi risque fortement de verrouiller les droits de la défense et donne des prérogatives supplémentaires au parquet et aux juges. En effet, à titre d'exemple, dans le projet de loi un article permet de faire suspendre un avocat temporairement par un juge. D'autres articles font obligation au barreau, assemblée générale et conseil de l'Unba compris, de présenter une copie de leurs PV et décisions au ministre de la Justice, qui est en droit de les contester. Autre article dénoncé, celui où il est fait obligation à l'avocat de ne pas se livrer à des polémiques concernant l'affaire dans laquelle il plaide, autrement dit, le défenseur ne pourra plus commenter l'affaire et donc ne pourra plus dénoncer les injustices. En plus de l'interdiction des commentaires, l'avocat risque avec le nouveau projet de loi des poursuites pénales en cas de divulgation du secret de l'instruction. Dans l'article 9 alinéa 2, il est question d'interdiction d'entrave au fonctionnement du cours normal de la justice, entendre ici l'interdiction de se retirer d'une audience pour dénoncer des injustices, voire interdiction de grève. Dans le chapitre III, qui est intitulé «Droits de l'avocat», il est prévu que le cabinet d'un avocat peut être perquisitionné par un magistrat qui se contente d'aviser l'ordre. Ce sont-là quelques exemples d'articles qui poussent les avocats à contester l'avant-projet de loi. Ce dernier a même réussi à diviser l'Union, dont le président et quatre autres bâtonniers n'ont toujours pas rejoint le mouvement de contestation. D'ailleurs, le président de l'Union nationale, Me Mustapha Lanouar, a fait montre de sa satisfaction du contenu du nouveau projet de loi. Me Lanouar a déclaré, cité par l'APS, que les amendements introduits dans l'avant-projet «ont respecté à 95% ce qui a été convenu entre les avocats et le ministère de tutelle, représenté par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, lors des séances de dialogue et de concertation». Me Sellini s'est refusé de commenter la position du président de l'Union et s'est suffi de rappeler que le Conseil national est une structure collégiale et que «le président de l'Union ne représente qu'une seule voix. Il y a dix voix qui sont contre l'avant-projet, ce qui représente les 2/3 du Conseil». A signaler enfin que d'autres actions vont suivre, comme l'a déclaré Me Sellini, «une fois adoptées par l'assemblée générale, nous allons mener d'autres actions de protestation». H. Y.