Nombreux sont les pays qui ont engagé des politiques de développement de l'économie numérique en soutenant fortement le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC). Le Canada, à titre d'exemple, a, dès 1997, lancé un programme de transformation du pays par les TIC, dénommé «Canada branché». Depuis 10 ans, le secteur des TIC contribue à hauteur de 10% de la croissance du Canada. La Corée du Sud, grâce à sa politique de développement des TIC, s'est imposée comme l'un des leaders mondiaux sur le marché des TIC. Ces dernières (les TIC) représentent près de 40% de l'ensemble des investissements en recherche-développement (R&D) du pays. Afin de favoriser les investissements étrangers et nationaux en la matière, la Corée du Sud a mis en place de nombreuses mesures incitatives (taux d'imposition privilégié, gratuité des loyers, programmes de formation, etc.). Le Japon, lui, a mis en œuvre une politique dynamique en ce qui concerne les industries qui éditent des contenus numériques, marché à très fort potentiel de croissance et d'emploi. Le Danemark s'est fixé l'objectif de renforcer le pays en tant que société du savoir, avec trois programmes prioritaires, entre autres l'entreprise numérique. La Norvège a, quant à elle, mis en œuvre des politiques ciblées en faveur du numérique, en accordant une priorité à la rentabilité du secteur public. L'objectif est d'assurer la transition vers une économie à forte intensité de savoir, une fois que les ressources pétrolières et gazières seront épuisées. L'Inde, dont l'objectif est d'être une superpuissance mondiale des TIC, enregistre une croissance de plus en plus soutenue grâce à l'essor des services informatiques (logiciels, centres d'appels) et des services des télécommunications. L'Algérie, avec la mise en œuvre de la politique sectorielle des postes et des télécommunications engagée dès l'année 2000, a voulu créer un environnement juridique et institutionnel favorable à la concurrence et améliorer l'accès aux services de communication, notamment la téléphonie mobile. Ainsi, vient le projet e-Algérie 2013. Selon M. Chérif Benmahrez, responsable du programme e-Algérie au ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, l'objectif est de contribuer à l'augmentation des TIC de l'ordre de 8 % du PIB de l'Algérie. Si l'investissement serait consenti à hauteur 4 milliards de dollars, cela, selon ce responsable, pourrait générer 8 milliards de dollars à moyen terme. Sans compter que l'autre objectif de ce projet consiste à créer 100 000 emplois directs et indirects. En somme, ce projet vise à renforcer les performances de l'économie nationale. Son plan d'actions est articulé autour de treize axes majeurs, entre autres l'accélération de l'usage des TIC dans les entreprises et l'impulsion du développement de l'économie numérique. L'accélération de l'usage des TIC dans les entreprises est un axe qui comprend douze actions permettant le développement des services en ligne en direction des entreprises en amont et en aval. C'est l'objectif majeur assigné à l'e-entreprise. Afin d'amener les entreprises à utiliser les TIC, il est important que leurs partenaires (banques, institutions publiques et privées, fournisseurs etc.) produisent des services en ligne à leur intention. Dans cette perspective, plusieurs actions sont programmées dans le cadre de la stratégie e-Algérie 2013. Il s'agit, entre autres, du e-banking, un service qui devra permettre aux banques, en plus d'effectuer des transactions électroniques, d'offrir aussi aux entreprises, en particulier, des services en ligne. Le e-investissement est un service qui constitue un portail unique pour la création d'entreprises et l'attraction de l'investissement extérieur. Le e-business représente, quant à lui, une action importante, dans le sens où elle favorise le soutien au développement des applications des TIC dans les entreprises. Le e-procurement permettra de développer un système pour la passation de marchés publics, avec l'établissement d'une procédure informatisée standard pour l'administration, centrale et locale, et les organismes publics. A ces actions s'ajoutent le e-registre de commerce et le e-commerce. Le e-registre de commerce est une activité spécifique permettant de rendre plus efficace l'activité économique. Elle vise la création d'une base de données automatisée et en ligne de toutes les entreprises. Le e-commerce couvre, quant à lui, l'utilisation d'un support électronique pour la relation commerciale d'une entreprise avec d'autres entreprises ou des particuliers. Il est, également, nécessaire de procéder à une analyse exhaustive, permanente et périodique des besoins des PME dans le domaine des TIC. La stratégie e-Algérie 2013 comprend aussi un axe majeur qui consiste en la création des conditions adéquates permettant le développement intensif de l'industrie des TIC. Cet objectif majeur est subdivisé en quatre grands objectifs spécifiques à savoir : poursuivre le dialogue national sur les questions de la gouvernance électronique, établir un mécanisme de partenariat durable entre le secteur public et le secteur privé, créer toutes les conditions de valorisation des compétences scientifiques et techniques nationales en matière de production de logiciels, de service et d'équipement et enfin promouvoir l'exportation des produits TIC.
Le e –Algérie à la traîne Le e-Algérie 2013 qui prévoit la mutation de l'Algérie vers la société de l'information et l'économie numérique est restée à la traîne. Initié en 2009, ce projet est concrétisé à hauteur de 15%, faute d'un environnement propice au développement des TIC en Algérie, selon des experts. Ainsi, il est urgent, suggèrent-ils, de mettre en œuvre une vision prospective et une approche concrète, et ce, pour que la société de l'information et l'économie numérique aient un impact sur la croissance et puissent constituer une économie alternative aux hydrocarbures. Dans une déclaration à La Tribune, Yazid Taalba, senior manager de Maghreb Invest Algéria, indique que l'environnement des affaires en Algérie, d'une manière globale, n'est guère propice à l'investissement. L'investissement dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, estime notre interlocuteur, est «spécifique», car il nécessite un savoir-faire et une expertise dans certains domaines qui restent peu développés en Algérie. De ce fait, les pouvoirs publics, préconise M. Taalba, doivent lancer davantage de formations, particulièrement dans les services des télécommunications et le développement des logiciels. Il est également question, poursuit-il, de multiplier l'organisation des colloques et séminaires, et ce, afin de débattre les mécanismes nécessaires au développement de l'industrie du contenu numérique. Les hommes d'affaires étrangers devront être, selon lui, incités à venir investir en Algérie dans les TIC afin de transmettre l'expertise et le savoir-faire étrangers aux jeunes ingénieurs algériens. Le manque de capitaux nécessaires au financement des investissements fait également barrage au développement de cette industrie. Dans le monde, fait-il remarquer, il est admis que le financement des investissements dans les TIC nécessite la contribution des fonds à capital risque, car, explique-t-il, la création d'entreprises spécialisées dans ce domaine engendre un «risque élevé». Donc, il est nécessaire, selon M. Taalba, de développer des sources financières adaptées à l'investissement dans les TIC et ce, afin de tirer vers le haut la contribution des TIC à la croissance du PIB, estimée actuellement à 4%, contre12% au Maroc et 8% en Tunisie. Liès Kerrar, président de Humilis Corporate Finance, nous dira, quant à lui: «Pour que l'Algérie puisse rattraper le retard accusé dans le développement de son industrie des TIC, elle devrait commencer par la création d'un environnement favorable à l'investissement dans ce domaine.» Selon lui, l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise repose notamment sur l'utilisation des nouvelles technologies et, par ricochet, la valorisation de la ressource humaine spécialisée dans les TIC. Or, à la fin des années 1990, l'Algérie a connu une véritable fuite des compétences spécialisées, notamment dans le domaine de l'informatique. «Avoir des ingénieurs et des chercheurs algériens à l'étranger, c'est avoir perdu des capacités potentielles qui auraient pu être mises au service de l'Algérie pour développer le secteur des TIC et partant promouvoir l'économie nationale», souligne-t-il. De ce fait, selon cet expert, l'Algérie devrait créer les conditions adéquates permettant la préservation de ses ressources humaines à l'instar de l'Inde. Lies Kerrar, comme d'autres experts d'ailleurs, n'a pas caché ses doutes sur l'existence d'une véritable volonté politique du gouvernement de développer les TIC en Algérie, estimant que le problème ne se pose pas en termes technologiques, mais plutôt sur le plan de la volonté politique. B. A.