Indépendance énergétique, création d'emplois et diminution des émissions de gaz carbonique. Le gaz de schiste est une source d'énergie pleine de promesses. Les Etats-Unis s'y sont engouffrés les premiers -au milieu des années 2000- et de nombreux pays évaluent actuellement les réserves disponibles dans leurs sous-sols. Le gaz de schiste pourrait bien bouleverser la donne énergétique mondiale en réduisant l'influence du Moyen-Orient et de la Russie dans le secteur énergétique. Mais un des problèmes soulevés réside dans l'impact écologique de l'exploitation de ces gaz enfermés dans la roche. La méthode dite de la fracturation hydraulique nécessite énormément d'eau et l'utilisation de nombreux produits polluants.
Qu'est-ce que le gaz et l'huile de schiste ? Le gaz naturel est la plus propre source d'énergie respectueuse de l'environnement de tous les combustibles fossiles. Elle est caractérisée par une faible émission de gaz à effet de serre et l'absence de déchets dangereux. Les progrès de la technologie d'extraction et la réduction de ses coûts ont conduit à la possibilité d'exploiter de nouvelles ressources de gaz naturel, omises jusqu'à maintenant : et jusqu'ici négligées ressources de gaz naturel : le gaz de réservoir étanche (tight gas), le gaz de schiste ou le gaz de shale (shale gas) et le gaz de charbon (coal bed methane). Le gaz de schiste (shale gas) est l'un des trois types de gaz provenant de sources non conventionnelles, obtenu à partir de roches sédimentaires, situées profondément sous la terre. Ces roches se caractérisent par une faible perméabilité donc le gaz de schiste nécessite des méthodes de production plus complexes et techniquement avancées. En bref, la technologie d'extraction du gaz de schiste consiste à faire un forage horizontal dans un schiste et à remplir la fente d'un mélange d'eau, de sable de quartz et d'additifs chimiques, qui, en provoquant des fissures dans la roche, permet au gaz de s'échapper. Selon les estimations de l'Energy Information Administration, l'extraction du gaz de schiste s'élèvera en 2030 à 7% de la production mondiale du gaz naturel. La Pologne possède de riches ressources de gaz naturel en roches de schiste en Poméranie, en Mazovie et dans la région de Lublin, mais seulement ceux qui ont des propriétés adéquates peuvent être extraits. Mystère du gaz de schiste Il y a des centaines de millions d'années, entre le Cambrien et le Carbonifère, sur la Terre vivaient des graptolites – de petits animaux habitant les parties supérieures des mers et des océans ouverts. Ces organismes sont devenus une source de matière organique. Leurs restes ont été réunis avec des fragments de minéraux au fond de réservoirs d'eau pendant des centaines de millions d'années. La matière organique, de plus en plus profondément enterrée dans le sol avec des sédiments, recouverte d'une couche de limon, a formé des roches. Aujourd'hui, dans les schistes noirs, riches en matière organique, nous pouvons trouver des fossiles très bien préservés, comme des empreintes de graptolites, des trilobites, des palourdes.Dans des conditions anaérobies, la haute température et la haute pression transformaient l'argile et le limon en schiste, la roche ayant la tendance naturelle à se crevasser le long des surfaces parallèles. Les débris organiques piégés dans le rocher ont progressivement pourri et se sont transformés entre autres en gaz naturel. Les schistes, extrêmement populaire sur notre planète, sont pratiquement imperméables - sur la surface de la terre ils sont divisés en plaques, mais déjà un kilomètres sous la terre, ils ressemblent au béton.
Le gaz de schiste C'est un gaz «non conventionnel», c'est à dire un gaz qui se trouve piégé dans la roche et qui ne peut pas être exploité de la même manière que les gaz contenus dans des roches plus perméables. Son exploitation nécessite le plus souvent des forages horizontaux et une fracturation hydraulique de ces roches profondes. Le gaz remonte à la surface à travers un tube en acier puis rejoint un gazoduc.
L'huile de schiste Il s'agit de pétrole contenu dans une roche que les géologues appellent «roche mère». Cette roche mère était initialement un sédiment marin très riche en matière organique (comme par exemple le plancton). Avec l'enfouissement au cours des temps géologiques, la matière organique sous l'effet d'un accroissement de la température s'est transformée en pétrole qui imprègne la totalité du sédiment devenu une roche microporeuse et imperméable (c'est-à-dire dont les pores de taille microscopique ne communiquent pas entre eux). Une partie du pétrole contenu dans la roche mère a été expulsée et a migré vers le haut jusqu'à rencontrer une roche magasin (appelée «poche» populairement) protégée par une barrière étanche pour former un gisement dit « conventionnel «. Une autre partie du pétrole, plus importante (appelé «huile de schiste» populairement), est restée piégée dans la roche mère pour former un gisement de pétrole dit « non conventionnel». Il y a une quinzaine d'années, on ignorait comment exploiter ce gaz contenu dans ces formations géologiques. Ce gaz est aujourd'hui extrait en grande quantité aux Etats-Unis où il représente 12% de la production locale de gaz contre seulement 1% en 2000. En Europe et notamment en France, l'évaluation de ce type de ressources démarre à peine. Selon certains experts, les réserves mondiales de gaz de schiste seraient 4 fois plus importantes que les ressources en gaz conventionnel.
Quels sont les risques pour l'environnement de l'exploitation des gaz de schiste ? L'exploitation du gaz de schiste, qui est emprisonné dans de l'argile compacte et imperméable, permettrait de considérablement augmenter les approvisionnements énergétiques mondiaux. À l'usage, ce combustible aurait en plus moins d'impact sur le climat que le charbon. Cependant, son extraction poserait plusieurs problèmes environnementaux justifiant les contestations. Des forages profonds de 1 000 à 3 000 m, puis l'injection d'un fluide composé d'eau, de sable et de détergents sous pression (600 bars), sont requis pour fracturer la roche et libérer le gaz. Ces opérations auraient déjà causé des contaminations de nappes phréatiques outre-Atlantique, à la suite notamment de fuites d'hydrocarbures le long des tubages. Par ailleurs, entre 2 et 8% du combustible extrait seraient relâchés dans l'atmosphère au niveau des puits (toujours aux Etats-Unis). Or, il se compose majoritairement de méthane (CH4), un gaz à effet de serre considérablement plus puissant que le CO2. Les installations de surface doivent reposer sur des sols bétonnés ou goudronnés reliés au réseau routier. Un gazoduc est également requis pour évacuer la production. Au total, chaque exploitation occuperait une surface moyenne de 3,6 ha. Or, les gisements de gaz sont relativement petits. Environ 50 puits seraient nécessaires pour produire autant de combustible qu'un seul puits en mer du Nord ! L'exploitation du gaz de schiste pourrait donc provoquer une fragmentation des paysages. Enfin, un forage nécessite quelque 20 millions de litres d'eau, soit la consommation quotidienne d'environ 100 000 habitants ! Cette liste d'éléments à charge n'est pas exhaustive. L'exploitation des gaz de schiste a deux conséquences potentiellement majeures pour l'environnement. La première est mondiale, la consommation de gaz participant à l'effet de serre et donc aux changements climatiques. L'effet varie suivant l'énergie à laquelle elle se substitue. La seconde conséquence est locale avec notamment des risques de pollution des nappes souterraines par manque d'étanchéité des forages (le risque étant aggravé pour le gaz qui est par nature éruptif par rapport aux huiles plus denses) et de pollution des sols (en cas de fuite des canalisations). La consommation d'eau est élevée (15 000 à 20 000 m3 par puits). L'implantation des machines à forer et des installations connexes peut émettre du bruit et avoir un impact important sur les paysages
Quel consensus sur les risques liés à l'exploitation du gaz de schiste ? Alors que le gaz de schiste reste l'un des principaux sujets des mobilisations et débats environnementaux aux Etats-Unis, le think tank Ressources for the Future vient de publier une étude rassemblant les avis de 215 experts (universitaires, industriels, membres d'ONGs et de l'administration) sur les risques liés à l'exploitation du gaz de schiste et à la fracturation hydraulique. Les experts semblent s'accorder sur les principaux risques, qui ne sont d'ailleurs pas forcément ceux habituellement évoqués dans les débats. Les experts ont identifié : - les risques qui leurs semblent prioritaires dans la gestion quotidienne des sites, parmi une liste de 264 risques liés à l'exploitation du gaz de schiste (du développement du site à l'abandon du puits, listés dans la «matrice des risques» mise au point par RFF). - les risques prioritaires pour réduire les accidents potentiels - l'autorité qui leur semble la plus adaptée pour réduire ces risques : le gouvernement (par l'adoption de régulations), l'industrie (pas des actions volontaires) ou une combinaison des deux. La «matrice des risques» liés au développement du gaz de schiste a été développée par RFF avec l'aide de spécialistes du secteur (géologues, hydrologues, économistes, représentants de l'industrie, des ONGs, ...). Cette liste comprend 264 risques sociaux et environnementaux potentiels de chaque activité associée au développement de l'exploitation des gaz de schiste. Les activités sont classées en 5 catégories : 1) développement du site et préparation 2) activité de forage 3) fracturation, 4) utilisation du puits et production 5) fluide de fracturation, stockage et traitement de l'eau utilisée Un relatif consensus RFF a demandé aux experts de lister les risques qui leur semblaient prioritaires dans ceux liés à l'exploitation quotidienne des gaz de schiste. Parmi les 20 risques cités le plus souvent par les experts, 12 sont communs. Un schéma interactif réalisé par RFF permet de bien visualiser ces «risques consensuels» [2] et au contraire, les risques évoqués uniquement par certains experts. Sept de ces «risques consensuels» concernent la qualité des eaux de surface, notamment le risque de dispersion du fluide et des eaux utilisées pour la fracturation et les difficultés liées à leur stockage. Deux sont relatifs à la qualité de l'air, en particulier aux émissions de méthane qui contribuent fortement au réchauffement climatique, et deux autres mentionnent la qualité des eaux profondes (aquifères). Enfin, l'un de ces douze risques évoque la perturbation des habitats autour du site d'exploitation. Parmi les risques prioritaires sur lesquels les experts divergent, il est intéressant de noter que les perturbations pour les populations locales, en particulier les ondes sismiques, ont été identifiées comme prioritaires par les experts de l'industrie et du monde académique mais pas par les experts gouvernementaux ou ceux des ONGs. Ces «risques consensuels» ne sont pas ceux généralement évoqués dans les débats publics (l'impact sur l'eau potable des aquifères étant bien plus souvent mentionné que l'impact sur les eaux de surface). Autre élément surprenant, sur les 12 risques évoqués par l'ensemble des experts, seuls 2 sont spécifiques à l'exploitation des gaz de schiste ; les autres, notamment la construction de routes, de plateforme d'exploitation ou encore le risque de fuite, sont des risques également associés à l'exploitation du gaz naturel et du pétrole en général. Les risques liés aux conséquences environnementales de l'exploitation du gaz de schiste font également un consensus global. Parmi les 10 priorités listées par les différents experts, six sont communes et sont liées à la gestion des eaux et du fluide de fracturation utilisés, en particulier aux risques présentés par les éléments naturellement radioactifs qui sont ainsi remontés à la surface. Au-delà des risques liés à l'exploitation quotidienne du site, les experts ont également été interrogés sur les risques d'accident. Les experts des ONGs sont ceux qui ont exprimé le plus d'inquiétudes quant à la probabilité d'accidents et la gravité de leurs impacts. En revanche, la liste des 3 risques principaux d'accidents de tous les experts comprend deux risques d'accidents communs (rupture des tubages et du ciment), la troisième priorité variant entre une fuite dans le stockage des eaux usées (pour les experts des ONGs, du gouvernement et du monde académique) et les accidents de camion (pour l'industrie). Enfin, sans surprise, l'autorité en charge de la prévention de ces risques doit être le gouvernement d'après les experts des ONGs, du monde académique et du gouvernement. A l'inverse, la moitié des experts de l'industrie estime que l'industrie devrait assurer ce rôle (contre moins d'un tiers des experts des autres domaines). Pour réduire ces risques, les experts estiment que le gouvernement et l'industrie doivent travailler ensemble dans le développement du gaz naturel. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les impacts de l'exploitation du gaz de schiste sur la qualité des eaux et de l'air. RFF espère que cette étude pourra aider les différents acteurs à mieux évaluer les risques et les bénéfices de l'exploitation du gaz de schiste. Le président Obama a justement annoncé la semaine dernière, dans un discours au laboratoire national d'Argonne dans l'Illinois (voir son discours ci-dessous), la création d'un fonds fiduciaire dédié à la transition énergétique de 2 milliards de dollars, alimenté par les revenus liés aux concessions pétrolières et gazières sur les terrains fédéraux. Cela fait craindre aux associations environnementalistes une augmentation du nombre de permis d'exploitation délivrés. Si la Maison-Blanche a démenti et assuré que ce fonds n'était pas lié à une augmentation des permis, certains Républicains au Congrès en font une condition nécessaire pour soutenir le projet. Les modalités précises du financement de ce fonds n'ont pas encore été discutées au Congrès et de nombreuses incertitudes demeurent mais une chose est sûre, le débat sur les risques associés au gaz de schiste n'est pas terminé.