Les salafistes sont derrière l'assassinat jeudi du député de gauche Mohamed Brahmi, a affirmé hier le ministre de l'Intérieur tunisien Lotfi Ben Djeddou, lors d'un point de presse à Tunis, qui a été complètement paralysée par une grève générale, suite à l'appel de la centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt). «Les premiers éléments de l'enquête ont montré l'implication de Boubaker Hakim, un élément salafiste extrémiste», a-t-il déclaré à la presse, précisant que la même arme avait servi pour l'élimination, il y a six mois, d'un autre député de gauche, Belaïd Chokri. Plongés dans l'émoi, les Tunisiens ont donc répondu à l'appel à la grève de l'Ugtt, qui a été respecté à travers tout le pays, notamment à Sidi Bouzid que représentait Mohamed Brahmi à l'Assemblée constituante, avant son assassinat jeudi devant son domicile, devant sa famille alors qu'il descendait de sa voiture. De nombreux vols ont été aussi annulés en raison de cette grève. La radio tunisienne Mosaïque FM a affirmé que l'élu de la circonscription de Sidi Bouzid a été assassiné par deux individus à bord d'une Vespa. Le même procédé a en fait été utilisé pour éliminé l'ancien opposant Belaïd Chokri. Selon le ministre de l'Intérieur, la même arme a aussi été utilisée pour commettre ces deux crimes. Boubakar Hakim est déjà recherché pour contrebande d'armes venant de la Libye voisine. Il est le principal suspect des deux crimes. «La même arme automatique de calibre neuf mm qui a tué Chokri Belaïd a aussi tué Mohamed Brahmi», a déclaré le ministre de l'Intérieur, précisant que les autorités avaient identifié 14 salafistes, la plupart membres de l'organisation Ansar al Charia, qu'elles soupçonnent d'être impliqués dans l'assassinat de Belaïd. Il a ajouté n'avoir aucune preuve de l'implication d'un parti politique, a noté Reuters. Membre de l'assemblée chargée d'élaborer la nouvelle Constitution et fondateur du Mouvement du peuple (Echaâb), une formation laïque et nationaliste, Mohamed Brahmi n'avait pas ménagé ses critiques envers le parti islamiste Ennahda au pouvoir. Aux côtés du défunt Belaïd Chokri, il n'a pas cessé de dénoncer les tentatives de la Troïka tunisienne, dominée par les islamistes d'Ennahda, de chercher à faire un putsch au processus de démocratisation de la Tunisie. Les islamistes sont ouvertement accusés d'être derrière ces violences à l'encontre des démocrates tunisiens qui s'opposent à la dérive islamiste dans leur pays. Ennahda est même soupçonné de passer à la violence armée pour garder le pouvoir suite à la découverte de plusieurs caches d'armes à travers plusieurs régions du pays. Les enquêtes effectuées jusque-là ont abouti à l'arrestation de nombreux extrémistes islamistes, proches d'Ennahda. Mais le parti de Rached Ghannouchi a démenti son implication, notamment après les accusations de la sœur du défunt, Chhiba Brahmi, qui a montré du doigt ce mouvement islamiste filière des Frères musulmans en Tunisie. «J'accuse Ennahda», a déclaré la sœur de Mohamed Brahmi à la presse. Interrogé par Le Monde et même dans son discours à la nation, le président tunisien par intérim, Moncef Marzouki, a affirmé que cet assassinat est loin d'être un cas isolé et vise à déstabiliser le processus démocratique dans le pays. Le choix de la date n'est pas un hasard, a-t-il déclaré. «Le 25 juillet est l'anniversaire de la République tunisienne», a-t-il insisté, estimant que «les commanditaires de l'assassinat de M. Brahmi avaient paniqué et voulaient faire diversion». Les résultats de l'enquête autour de l'assassinat de Belaïd Chokri étaient sur le point d'être rendus publics. L'assassinat de Mohamed Brahmi ne fait en fait que confirmer la volonté des islamistes à prendre le pouvoir par la voie de la violence armée, ce que les Tunisiens ne semblent pas prêts d'accepter après des décennies de dictature sous Ben Ali, renversé en 2011. L. M.