Selon le bureau du procureur de la République, l'autopsie a montré que l'opposant a été atteint par 14 balles de 9 mm, tandis que le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, citant les premiers éléments de l'enquête, a accusé un salafiste « extrémiste », du nom de Boubaker Hakim, d'être impliqué dans l'assassinat. Selon le ministre, la même arme a été utilisée dans l'assassinat de Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd. Des dizaines de Tunisiens se sont rassemblés à Tunis et dans la région de Sidi Bouzid, accusant le parti islamiste d'Ennahda au pouvoir. « Ennahda doit tomber aujourd'hui », « l'Assemblée constituante doit être dissoute », ont-ils scandé. Dans la foulée, la sœur du défunt, Chhiba Brahmi, a accusé le parti de Rached Ghannouchi d'en être responsable. « Notre famille avait le sentiment que Mohamed allait connaître le même sort que Chokri Belaïd », a-t-elle indiqué. Le ton est très vite monté lorsque les protestataires se sont réunis devant le siège du ministère de l'Intérieur, réclamant la chute du régime, obligeant la police à user de gaz lacrymogènes. D'autres manifestants ont bloqué l'avenue centrale Habib-Bourguiba et installé une tente pour un sit-in nocturne. Grève et désobéissance civile Le Front populaire, une coalition composée d'une dizaine de formations nationalistes et de gauche, dont celle du défunt, qui soutient le mouvement Tamarod, a appelé à la désobéissance civile jusqu'à la chute du pouvoir. De son côté, le leader de Nidaa Tounès, principal parti d'opposition tunisien, Béji Caïd Essebsi, a imputé, à son tour, au gouvernement la responsabilité du drame et dénoncé le laxisme des autorités dans l'affaire Belaïd. « Il n'y a pas eu de sérieuses poursuites judiciaires, cela a encouragé les criminels à récidiver », s'est-il indigné, appelant « les forces démocratiques à resserrer les rangs pour s'entendre sur une action concertée ». A l'appel de la principale centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), le pays était quasiment paralysée, hier, par une grève générale qui a touché tous les secteurs selon les responsables de l'organisation syndicale. Les rues de Tunis étaient désertes à l'heure d'ouverture des administrations et de nombreux vols ont été annulés. Fait rare en Tunisie, ce débrayage national est le second depuis le soulèvement de 2011. Craignant le chaos et la déstabilisation, le président de la République, Moncef El Marzouki, et le chef du gouvernement, Ali Larayedh, ont appelé au calme. Pour le chef de l'Etat, il n'y a aucune doute : « l'assassinat visait à démontrer que le printemps arabe a échoué », a-t-il expliqué dans un discours télévisé, en réaffirmant que le « défi sécuritaire sera tenu » et que « l'Etat tiendra, et la période de transition s'achèvera à temps ». « Ceux qui ont commis ce crime savent que nous sommes dans la dernière ligne droite de la transition démocratique, que la date des prochaines élections était sur le point d'être annoncée », a-t-il déclaré. Le chef du gouvernement, l'islamiste Ali Larayedh, a, lui, fait part de ses craintes de voir « la Tunisie basculer dans l'inconnu ». Il a dénoncé les manifestations et appels à la désobéissance civile ayant suivi l'annonce de l'assassinat de Mohamed Brahmi. « Ce drame ne doit pas être exploité pour semer le trouble », a-t-il fait observer. Un jour de deuil national a été décrété, hier, par la présidence de la République. Les funérailles sont prévues aujourd'hui à Tunis.