Le puissant syndicat des travailleurs tunisiens, l'Ugtt, peut-il être le fédérateur des antagonistes dans cette crise tunisienne ? Rien n'est gagné mais la volonté des syndicalistes à garder les passerelles du dialogue entre les deux camps est affirmée. Au moment où l'opposition conditionne le dialogue avec Ennahda par la démission du gouvernement, l'Ugtt privilégie le dialogue pour tenter de trouver une issue à cette crise qui perdure depuis l'assassinat de Mohamed Brahmi en juillet dernier, pour ne pas dire depuis l'assassinat de l'avocat Chokri Belaïd en février dernier. Le chef du parti Ennahda, au pouvoir en Tunisie, et celui de l'Ugtt tenteront aujourd'hui d'engager de sérieux pourparlers pour sortir de l'impasse. L'Ugtt, forte d'un demi-million d'adhérents et capable de paralyser le pays, a indiqué dans un communiqué diffusé dans la nuit de samedi à dimanche, que le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, celui du syndicat, Houcine Abassi, et le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, prendront part à cette prise de langue. Une réunion qui intervient après le gel des travaux de la Constituante la semaine dernière par M. Ben Jaafar. Une décision qu'il avait justifiée par l'absence de négociations de sortie de crise incluant la coalition au pouvoir, l'opposition et les forces socio-économiques. Il avait demandé à l'Ugtt de parrainer d'éventuels pourparlers. Demande visiblement acceptée puisque le puissant syndicat, qui réclame la démission du gouvernement et la mise en place d'un cabinet de technocrates, a accepté le dialogue. Par ailleurs, M. Ghannouchi a indiqué samedi sur sa page Facebook avoir rencontré la présidente de l'Utica, le patronat tunisien, Wided Bouchamaoui. Le syndicat patronal demande également la mise en place d'un cabinet de technocrates. L'hétéroclite coalition d'opposition, allant de l'extrême gauche au centre droit, a pour sa part exclu toute rencontre avec les islamistes d'Ennahda tant qu'un nouveau gouvernement n'était pas en place. Elle réclame aussi la dissolution de l'ANC et compte proposer un cabinet alternatif composé d'indépendants la semaine prochaine. Des centaines de partisans de l'opposition continuent de manifester toutes les nuits face à l'ANC, mais la mobilisation est en forte baisse par rapport à la grande manifestation du 6 août qui avait réuni des dizaines de milliers de personnes. L'opposition veut relancer la contestation en organisant une nouvelle grande manifestation le 13 août, jour anniversaire de la promulgation du code du statut personnel en 1956, octroyant aux Tunisiennes des droits sans pareil dans le monde arabe, sans pour autant consacrer l'égalité. Les islamistes au pouvoir sont régulièrement accusés de vouloir revenir sur les acquis des Tunisiennes. Ennahda, qui a aussi massivement mobilisé ses partisans début août, a renoncé depuis aux manifestations de rue. Une décision motivée par sa volonté d'éviter l'escalade et d'éventuelles confrontations entre Tunisiens. Dans le camp adverse, on accuse Ennahda d'être trop laxiste avec les salafistes. Les détracteurs d'Ennahda responsabilisent le gouvernement de la situation sécuritaire du pays. Les actions violentes des salafistes, qui déstabilisent le pays, perdurent depuis plus d'une année. Près de deux ans après l'élection de la Constituante, les deux camps n'arrivent pas à trouver un consensus autour de la future Constitution. M. S.