Le rêve africain des dirigeants algériens a toujours été vivace. La Transsaharienne en a été l'une des expressions les plus coûteuses mais la plus ambitieuse. Relier des pays enclavés comme le Mali et le Niger à la mer Méditerranée pour leur permettre d'intégrer le commerce international, est un objectif clairement défini par les autorités des pays concernés. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lors de sa récente visite dans la wilaya de Jijel, n'a pas manqué d'y faire référence. Il s'agit pour les gestionnaires du port de Djen Djen d'une opportunité importante et un défi conséquent. La chose est coûteuse et pas simple. Mais la rentabilité y sera, au regard de la faiblesse des infrastructures similaires dans le bassin méditerranéen. Situé à l'Est de l'Algérie, le port de Djen Djen bénéficie d'une place stratégique à moins de 50 miles de la route maritime reliant le canal de Suez au détroit de Gibraltar. Il est le dernier port commercial construit en Algérie après l'indépendance et considéré comme le plus important ouvrage portuaire en Méditerranée en termes d'espaces et eau profonde. Sa construction, décidée au cours de la décennie 70, a débuté en 1984 pour s'achever en 1992. Il s'inscrit dans le cadre de l'accroissement des capacités portuaires de la région Centre-Est. Sa zone d'influence recouvre une grande partie de l'Est et du Sud-Est, qui comprend la zone des Hauts Plateaux, avec son potentiel industriel, et les plateformes pétrolières du Sud. Cette position lui confère un rôle privilégié dans le futur terminal de transbordement de conteneurs, en cours de réalisation. Il aspire à jouer pleinement son rôle comme hub pour les trafics transcontinentaux. En 2016, le port pourra concurrencer Tanger et Barcelone, selon les dires des responsables politiques. Pour ce faire, de gros investissements sont prévus. Le port de Djen Djen, qui a été conçu pour traiter les produits sidérurgiques, traite, à présent, les marchandises générales, les produits alimentaires et les céréales. Pour développer le trafic conteneurisé avec la réalisation d'un terminal à conteneurs, il a été engagé des travaux importants. Le prolongement des jetées nord et est existantes sur respectivement 400 ml et 250 ml. La création d'un épi de 100 ml sur la jetée nord. La création d'une plage absorbante protégée par des enrochements. La création d'une nouvelle signalisation maritime. Pour que le terminal à conteneurs soit opérationnel, des ouvrages d'accostage seront réalisés. Des travaux de dragages pour la zone d'évolution des navires et les bassins ouest et est seront entamés pour un volume global estimé à 4,5 millions de m3. Le terre-plein destiné à recevoir les conteneurs s'étendra sur une superficie de 55 ha. Ces aménagements, une fois opérationnels, auront un impact immédiat sur la consignation et les temps de séjour. Ainsi, la consignation sera d'une journée par an. Le temps de séjour des conteneurs ne sera plus que de 7 jours. Cela impactera automatiquement sur les surestaries avec une réduction importante pour les opérateurs. A côté de cela, le port de Djen Djen pourra offrir des services portuaires à l'international, notamment dans le transbordement. Le port se trouvera intégrer dans les réseaux mondiaux de conteneurs avec des réductions de coûts de transport et de passage portuaires. Cette nouvelle offre conteneurs permettra la création de 1 500 postes directes lors de l'exploitation et des milliers d'emplois indirects (logistique, service, dépôts…), selon diverses sources. Mais pour faire de Djen Djen un port de l'Afrique de l'ouest, la réalisation d'infrastructures routières est nécessaire. Pour cela, les pouvoirs publics ont décidé la réalisation d'une autoroute qui reliera le port à l'autoroute Est-Ouest et, de là, au réseau routier national, dont la Transsaharienne. La réalisation de cette pénétrante autoroutière traversera les wilayas de Jijel, Mila et Sétif sur 111km. Elle devrait être achevée à la fin du 4e trimestre 2016. Cette autoroute 2x2 voies sera dotée de 55 viaducs, d'un tunnel de 1 830 m et de 13 échangeurs. Elle permettra l'exploitation optimale du port de Djen Djen et le soulagement des autres ports notamment Alger, Annaba, Skikda et Béjaïa par l'ouverture d'un nouvel itinéraire vers le Sud avec liaison à l'autoroute Est –Ouest. Tout cela a évidement un coût. L'autoroute coutera 160 milliards de dinars. Elle sera réalisée par un groupement d'entreprises algéro-italien. Les entreprises sont la Sapta et l'Etrhb Haddad, côté algérien, et Rizani Deccher pour la partie italienne. Pour l'étude, la société retenue est l'espagnole Proes paymacotas. Pour la réalisation du terminal à conteneurs, la société retenue est Daewoo. L'investissement est énorme car il atteint 18,698 milliers de milliards de dinars, dont près de 92 millions d'euros. Mais pour faire de Djen Djen le port du Mali et du Niger, il faudrait adapter la réglementation douanière. En effet, depuis 1992, le transit routier international des véhicules à usage commercial est suspendu sauf pour le transit à caractère humanitaire et le transit des voyageurs étrangers non résidants, voyageant à bord de véhicules utilitaires à destination de pays frontaliers tels que le Niger et le Mali et ne transportant que leurs effets personnels. Cette interdiction devra être levée pour que les gestionnaires du port puissent proposer aux Maliens, Nigériens et même aux Tunisiens, Djen Djen comme destination portuaire finale pour leurs marchandises. Il s'agit d'une autre urgence pour rentabiliser les infrastructures coûteuses réalisées ou en voie de réalisation. A. E.