Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a bel et bien donné instruction de mettre fin au recrutement des retraités dans les institutions publiques. C'est clairement mentionné dans une circulaire datant du 4 avril dernier et adressée aux présidents directoires des SGP. Bonne ou mauvaise, c'est selon. «Du n'importe quoi», lance un homme, la cinquantaine, cadre dans un institut de sondage. Notre interlocuteur pense que la décision du Premier ministre est dictée par son intention de «se débarrasser de certains caciques dans les institutions». Ce n'est donc «pas innocent» de sa part, surtout en cette période pleine d'agitation à tous les niveaux, essentiellement politique. De ce fait, considère-t-il, la nouvelle circulaire du Premier ministre a peu de chance d'aboutir, du moins dans l'immédiat, et risque de buter sur une résistance farouche de certains privilégiés, nombreux dans un système qu'ils ont eux-mêmes mis en place et développé de manière à ce qu'ils aient le monopole sur tout. D'autre part, il y a un autre grand problème qui risque de se poser à court et moyen terme si ce n'est carrément le long terme. Le problème des compétences. Le gouvernement Sellal, l'Etat algérien, la nation algérienne pourraient-ils se passer de ces compétences qui sont le fruit d'une longue expérience sur le terrain et donc d'un savoir faire avéré ? «On ne se prive pas de compétences par une décision administrative indiscriminée», soutient notre interlocuteur. La décision sera-t-elle mise en pratique? «L'effet d'annonce va fonctionner pour faire croire qu'on fait de la place aux jeunes comme si les problèmes étaient une affaire de jeunes et de vieux.» Insistant sur cette histoire de jeunes et de vieux, la même personne soutient avec force que cette décision annoncée en grandes pompes par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et relayée très vite par les médias publics et privés, n'est pas pour servir l'intérêt des jeunes. Loin s'en faut, dit-il, qualifiant de grand échec les dispositifs mis en place jusqu'à présent en matière d'emploi. Même scepticisme chez un autre cadre, retraité de l'éducation nationale. Ce dernier qui, au cours de son parcours professionnel, a eu l'occasion d'occuper de hauts postes de responsabilité : «Il y aura des problèmes sociaux en perspective et des difficultés à remplacer à certains postes sensibles parce qu'il y a manque de préparation d'une élite professionnelle non ou mal formée.» Et notre interlocuteur d'interroger : «Est-ce une décision réfléchie donc toutes les conséquences sont prévues et des solutions sont prêtes ou est-ce une décision démagogique et qu'on doit donc s'attendre à des effets pervers terribles qui nous amèneront à faire marche arrière ?» Autres interrogations: «S'agit-il de tous les postes ou seulement dans des domaines et des filières bien précis ? La décision est-elle partagée par les partenaires sociaux ?» Pour le moment, ces questions restent sans réponses. Une chose est sûre, la décision n'a pas été prise à l'issue d'un débat engageant plusieurs parties, surtout pas les partenaires sociaux, et son application sur le terrain ne sera pas sans susciter des mécontentements. Des oppositions il y en aura et des dépassements aussi. Pour d'autres, la décision est des plus sages et des plus souhaitées. C'est le cas des syndicats de l'éducation nationale, à l'exemple du Snapest (Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique). Son président, Meziane Meriane, pense que «c'est une excellente initiative qui doit être appliquée sur tout le monde pour permettre aux jeunes universitaires d'occuper des postes de responsabilité». Et le représentant du Snapest de rejeter l'argument «manque d'expérience» que certains pourraient évoquer pour justifier la méfiance envers les nouvelles recrues. «Et qu'on ne nous avance pas le problème de l'expérience!», insiste-t-il, précisant que «ceux qui ont occupé les postes de responsabilité ont acquis l'expérience sur le poste. Maintenant, il s'agit de bien recruter. Recruter sur la base d'un test, un concours et non pas sur la base de relations étroites (régionales, tribales, beni amisme…et autres). Cet avis n'est pas forcément partagé par tous. «Je ne pense pas que cette décision ait de grande chance d'être appliquée. Elle pourra, en effet, permettre le recrutement des jeunes mais, dans certains cas, il est préférable de recruter les retraités car ils sont plus compétents (enseignement, santé, administration…).» K. M.