«Le développement de la communication demeurera un objectif permanent» et l'audiovisuel public ne serait pas ouvert au privé. Deux vérités pour un énoncé et un non-dit. En tout cas, c'est ce que peut notamment comprendre le lecteur du plan d'action que le Premier ministre ira défendre demain devant les députés. Ce projet, destiné à mettre en œuvre le programme du président de la République, est à la fois un bilan de mandature, un rapport d'étape, une feuille de route et un catalogue de mesures préfigurant le prochain mandat présidentiel. Dans ce document figurent également un état des lieux général de la presse et les perspectives de développement des médias étatiques. Et l'on apprend alors que la presse écrite compte désormais près de 300 titres, dont 70 quotidiens ! Chiffre inouï dans un pays qui dispose aussi de 23 imprimeries, essentiellement publiques. A la lecture édifiante du texte premier-ministériel, on apprend aussi que l'Etat finance indirectement la presse grâce à une manne providentielle de 6 milliards de dinars par an. C'est ce qui s'appelle une mise sous perfusion financière pour mise sous coupe réglée… On relève dans la foulée que le Premier ministre œuvrera pour «l'épanouissement» de la presse écrite à condition qu'elle «respecte la législation». Est-ce à dire que la presse algérienne serait si irrespectueuse que ça de la loi ? Beaucoup de choses le donnent pourtant à penser. D'autant que, parfois, entre l'information, le commentaire et la diffamation la frontière est aussi ténue qu'un cheveu. Les exemples ne manquent pas. On se souvient à ce propos qu'Ahmed Ouyahia, dans une autre vie gouvernementale, avait dit qu'il souhaitait voir les journalistes algériens devenir plus professionnels et, bien sûr, ériger le professionnalisme en sacerdoce. Il les avait alors invités à assumer «la moindre virgule». Et, dans ce cas de figure, la virgule, c'est le début de la responsabilité. Ainsi dit, on pourrait comprendre que la prochaine mandature présidentielle serait mise en œuvre pour amener les journalistes à s'imposer une éthique autrement que par eux-mêmes. L'Etat gardien de la déontologie, ce serait alors inédit. Ce qui ne l'est pas, c'est la volonté réaffirmée de développer encore plus l'audiovisuel public en étoffant le réseau d'émissions radiophoniques par modulation de fréquences. Et, surtout, en lançant en 2009 un bouquet de chaînes de télévision thématiques, dont une coranique et une autre en tamazight. Mais l'important, semble-t-il, n'est pas dans l'énoncé ou l'annoncé mais dans l'implicite et le suggéré. A ce niveau, on comprend que l'Exécutif aurait déjà fait le choix de la diversification de l'audiovisuel public plutôt que d'autoriser l'investissement privé dans ce secteur verrouillé à souhait. Et qui le serait encore durant les cinq prochaines années. La décision éventuelle de garder un secteur audiovisuel dans le giron de l'Etat, et sous sa férule, semble marquée par le «syndrome russe». Donc, par la crainte de provoquer un appel d'air pour de futurs oligarques algériens, déjà en embuscade. Certains ont déjà des projets dans les cartons et rêvent, éveillés, de faire de la télé un instrument d'influence, de pouvoir et de captation d'argent. Mais, pour eux, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. De futurs conglomérats sur le modèle oligarchique russe ou concentrationnaire français ne seront pas pour demain. Mehri, Rebrab, Cherfaoui, et bien d'autres privés algériens ne sont pas encore près d'être de futurs Dassault, Lagardère, Bouygues, Bolloré, Berëzovski, Khodorovski ou encore Goussinski. N. K.