Au cours de toute l'histoire du pétrole, qui a commencé en 1859, le monde aurait brûlé approximativement 950 milliards de barils de pétrole. Par contre, pour ce qui concerne les réserves restantes des énergies fossilifères, les estimations diffèrent. Certains géologues, les plus respectés de la planète, avancent que les réserves restantes sont estimées à 1 000 milliards de barils. Selon Laherrère-Pétroconsultant, les réserves ultimes conventionnelles depuis l'origine sont estimées à 2 000 milliards de barils (2 000 Gb), dont 800 ont déjà été exploités. Selon ce même bureau d'études, la moitié de la totalité du pétrole sera consommée avant 2010 et la production commencera alors à décroître après cette date. Pour P. Barnes-OIES, les réserves mondiales pourraient atteindre 3 000 Gb, ce qui reculerait vers 2025 la date de décroissance de la production. Pour une croissance des consommations de pétrole de 2% par an jusqu'en 2020, la production cumulée à cette date depuis l'origine serait de 1 600 Gb, soit 80% de la prévision la plus basse et 53% de la prévision la plus haute. Au vu de tous ces chiffres cités plus haut, cela peut sembler faire beaucoup de pétrole... «sauf qu'il y a des chances pour que ces 1 000 milliards de barils représentent à peu près tout l'or noir qui nous reste», soutient-on du côté de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Cette institution s'est exprimée sur la question dans son dernier rapport rendu public récemment. A propos des niveaux de consommation de pétrole de l'année 2008, l'AIE indique qu'elles vont être de l'ordre de 85,8 millions de barils par jour, inférieures de 0,2 à 0,3 mbj à celles de 2007. En revanche, elle prévoit, encore, contrairement à son homologue américaine, une remontée des consommations en 2009 à hauteur de 86,3 mbj. Au registre des échanges pétroliers mondiaux, l'AIE indique qu'ils augmenteront considérablement dans les années à venir à cause de l'écart grandissant entre la production locale et la consommation dans les pays importateurs. De 32 mbj en 2001, le total mondial des importations nettes passerait à près de 42 mbj en 2010 et à quelque 66 mbj en 2030. Et de poursuivre, que la consommation pétrolière mondiale, qui a quasiment doublé au cours des 35 dernières années pour atteindre plus de 80 mbj à présent, passerait à près de 90 mbj dès 2010 et à plus de 118 mbj en 2025, soit un accroissement prévu de quelque 38 mbj au cours des 21 prochaines années. Au tableau des principaux pays consommateurs et dont les besoins augmenteront le plus, l'EIA américain place les Etats-Unis, avec une demande qui irait de 19,7 mbj en 2001 à 28,3 mbj en 2025 (+43,6%), suivi de l'Inde de 2,13 mbj en 2001 à 5,48 mbj en 2025 (+157,2%), la Chine de 4,97 mbj en 2001 à 10,88 mbj en 2025 (+118,9%), la Corée du Sud de 2,14 mbj en 2001 à 3,32 mbj en 2025 (+55,1%), les autres pays du Sud-Est asiatique de 5,53 mbj en 2001 à 10,17 mbj en 2025 (+83,9%) et l 'Europe occidentale, de 13,98 mbj en 2001 à 15,26 mbj en 2025 (+9,2%). Les réserves réelles pourront-elles suivre la croissance de la consommation planétaire ? Une question qui suscite pour l'heure de vifs débats. Et cela revient aussi à dire : pendant combien de temps encore pourrons-nous brûler plus de pétrole qu'on en trouve en remplacement ? Pendant pas longtemps, avancent des analystes. Selon leur thèse, de nombreux pays producteurs de pétrole ont atteint depuis longtemps des pics d'extraction. Ainsi, pour ces derniers, «la production pétrolière de la planète entière entame une tendance permanente à la baisse». Et de révéler dans la foulée : «La Libye a atteint son pic en 1970, l'Iran en 1974, la Roumanie en 1976, le Burundi en 1979, le Pérou en 1982, le Cameroun en 1985, l'Indonésie en 1997, idem pour Trinité-et-Tobago». Selon eux, «jusqu'à présent, 51 pays producteurs au total ont déjà heurté de plein fouet le mur du pic pétrolier», un constat dramatique à plus d'un titre. En moyenne, «pour la région européenne dans son ensemble, le zénith pétrolier a été atteint en 2000, pour toute la région Asie-Pacifique, il est arrivé en 2002 et pour l'ancienne Union soviétique, le pic pétrolier est survenu en 1987 !». Toutefois, ces analystes soutiennent que «16 grands pays producteurs n'ont pas encore atteint leur sommet». En somme, et si l'on tient compte de cette thèse, le scénario d'une panne sèche de pétrole n'est pas très loin de se manifester. «Il pourrait avoir lieu plus tôt. Pourquoi ? Parce qu'il s'avère que même les pays qui ont encore du pétrole, pourraient en avoir bien moins qu'ils ne l'admettent !» expliquent de nombreux géologues, spécialistes en réserves d'hydrocarbures. Ce que dément catégoriquement l'Arabie saoudite, plus grand producteur, affirmant, par la voie de son ministre du Pétrole, Ali Naimi : «Les réserves de l'Arabie saoudite sont réelles… Il n'y aura pas de pénurie de pétrole dans les 50 années à venir». L'hypothèse de réserves pétrolières fantômes : plausible ou pas ? Selon le Dr. Kenneth Deffeyes, géophysicien et professeur à l'université américaine de Princeton, qui a longtemps travaillé avec d'autres spécialistes, le pic pétrolier mondial a été atteint il y a déjà quelques années. Il affirme également : «Lorsqu'on calcule la moyenne des dates de pic de production des grands pays producteurs de pétrole... y compris l'Arabie saoudite et le reste de l'OPEP n'ayant pas encore atteint leur sommet, on obtient une estimation de sommet de production à la mi-2006». Cela est-il vrai ? C'est possible, à en croire d'autres spécialistes, «dès lors que nous sommes en phase de production pétrolière stagnante ou, en d'autres termes, au plus haut du pic de production». C'est effectivement ce que l'on constate sur le terrain. De là à dire que certains pays producteurs mentent sur les réserves de pétrole réelles qu'il leur reste dans le sous-sol et de signifier à chaque occasion que, pour produire plus, cela nécessitera de lourds investissements si l'on veut promouvoir l'industrie pétrolière au Moyen-Orient (où résident les plus grand gisements de pétrole et de gaz) et ailleurs dans le monde. Reste donc à savoir si les ressources disponibles sont en totale adéquation avec l'offre possible. Selon des analystes économiques, toutes les prévision indiquent que pour couvrir l'accroissement prévu de la demande, ce sont, en tout premier lieu, les pays du Moyen-Orient (surtout l'Arabie saoudite, l'Iran, l'Irak, le Koweït et les Emirats arabes unis) qui devraient développer leurs capacités, de manière à porter leur production de 21 mbj en 2001 à 24,2 mbj en 2010, à 33,4 mbj en 2020 et à 40 mbj en 2025, soit un doublement en l'espace de 25 ans !... Les principaux autres pays qui pourraient apporter leur contribution sont la Russie, le Venezuela, le Brésil, ceux d'Asie centrale et d'Afrique. Dans l'ensemble, la quasi-totalité de l'augmentation nécessaire de la production d'hydrocarbures devrait être assurée par des pays non OCDE, contre 60% au cours de la période 1971-2000. En définitive, la baisse des cours du pétrole que nous constatons actuellement n'est que temporaire pour cause de récession économique mondiale. Une conjoncture qui va vite s'estomper dès lors qu'il est admis que les pics de production ont été atteints, ce qui va grandement influer à court terme sur les cours de l'or noir, à moins d'une découverte importante de gisements de pétrole. Dans le cas contraire, l'alternative de l'exploitation de sable bitumineux suffira-t-elle pour répondre à la demande ? Nous le saurons dans quelques années. Z. A.