De notre correspondant à Montréal Youcef Bendada Il est des événements qui gagneraient à être bien préparés car ils relèvent de la plus haute importance pour une économie algérienne) qui a tant de milliards à offrir en cette période de disette aux entreprises nord-américaines qui subissent les contrecoups d'une économie en récession et qui lorgnent les marchés extérieurs pour préserver leur statut et s'enrichir encore plus. Ce n'est pas parce que la rencontre entre les Canadiens et les Algériens a été organisée à Montréal le 18 décembre dernier que l'événement devait être une réussite. Loin s'en faut pour que cet événement constitue une référence en matière de succès d'une rencontre pompeusement intitulée «partenariats d'affaires Canada-Algérie». Et pour cause : cette rencontre a été expédiée en trois heures et trente minutes, si l'on passe outre l'heure qu'a duré «l'atelier sur les assurances et les banques» ainsi que l'heure qu'a duré le dîner qui a vu le ministre des Affaires étrangères du Canada livrer son petit discours alors qu'il avait l'esprit ailleurs (préoccupé probablement par la disparition au Niger d'un diplomate canadien ou peut-être par la situation politique de son pays qui vit une crise politique et économique), selon l'ambassadeur d'Algérie au Canada, M. Benamara, qui a quand même tenu à remercier celui qui fut ministre du Transport et signé ès qualité l'accord aérien entre le Canada et notre pays, avant de conduire la diplomatie canadienne. Il faut dire que le temps imparti pour nouer des relations d'affaires et plus encore pour créer des partenariats est ridiculement court pour espérer obtenir, dans la journée, des résultats à la hauteur des attentes. Le partenariat, c'est quoi ? Pourtant, ce n'est pas la volonté qui manquait aux organisateurs de l'alliance d'affaires Canada-Algérie, constituée de Canadiens exclusivement, pour inciter des entreprises canadiennes à participer à la conquête d'affaires et de marchés que l'Algérie se propose de confier à qui veut s'en emparer. Les exposés des dirigeants algériens, sous le coup du décalage horaire, étaient, pourtant, clairs, articulés et reposaient sur des données chiffrées en milliards de dollars assénées aux participants par le DG de l'ANDI ainsi que par M. Rezaïguia, conseiller de Sonatrach, et par M. Tibaoui, président du World Trade Center. Cependant, sur l'objectif que s'assignait cette rencontre, le partenariat, il subsiste encore une sorte de flou, car les discours tournaient uniquement autour des projets et des programmes, en un mot, autour des affaires. Quant au partenariat, il va falloir repasser. A aucun moment, ce vocable n'a été évoqué par les différents intervenants, alors même que cette rencontre en faisait le leitmotiv. Pourtant, si nous nous référons à la définition que le ministère de l'Industrie du Canada donne à cette notion, il est pour le moins paradoxal que nous sommes en présence d'une omission caractérisée dans ce cas d'espèce qui voit une seule partie (algérienne en l'occurrence) offrir un marché à des entreprises qui feraient la moue et demandent à être convaincues ! Pourtant, le terme «partenariat» signifie qu'il s'agit d'une «relation dans laquelle au moins deux parties, ayant des objectifs compatibles, s'entendent pour travailler en commun, partager les risques ainsi que les résultats ou les gains. Le partenariat suppose la prise de décisions en commun, le partage des risques, du pouvoir, des avantages et des responsabilités. Il devrait ajouter de la valeur aux produits et services respectifs offerts par chaque partenaire ainsi qu'à la situation de chacun. Dans un partenariat, c'est du donnant-donnant». Plus encore, et si nous prenons au sens strict la définition que nous fournit l'encyclopédie en ligne Wikipédia, à savoir que le partenariat «se définit comme une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun relié à un problème ou à un besoin clairement identifié dans lequel, en vertu de leur mission respective, ils ont un intérêt, une responsabilité, une motivation, voire une obligation». Ainsi, au regard des travaux et des intentions affichées par les organisateurs, il nous paraît être de bon aloi de dire que nous sommes loin, très loin de la bonne intention affichée par les membres de l'alliance, dont il faut souligner le geste généreux d'organiser un événement pour vendre la destination Algérie en matière d'affaires. Mais ce n'est point un cadeau. C'est, comme le dit la définition, du donnant-donnant. Même l'ambassadeur d'Algérie à Ottawa rappelait clairement les attentes en déclarant la veille au journal le Devoir : «A l'instar des partenariats avec Bombardier, Lavallin et Dessau, nous ne recherchons pas que des opérations ponctuelles. Nous voulons également faire dans la durée, dans la permanence.» La table était pourtant mise, mais il y a comme une impasse qui a été faite sur cette attente. Gageons que ce n'est que partie remise, puisque cette alliance prévoit une mission en Algérie au cours du premier trimestre de 2009. Dès lors, il reste à la partie algérienne trois longs mois pour peaufiner un modèle, un mémorandum, ou tout simplement un mode opératoire qui sera soumis aux entreprises canadiennes qui manifesteraient l'intérêt de conclure des ententes de partenariat, prémices à la réalisation d'affaires que les entreprises canadiennes souhaitent établir. Plaidoyer pour la francophonie et pour la vraie vie D'ailleurs, la générosité des Canadiens est telle que même le président et chef de la direction de l'immense SNC Lavallin s'est permis, au cours de sa brève intervention, de s'étonner de l'absence de l'Algérie au sein de la francophonie. Selon lui, ce serait un avantage pour notre pays d'adhérer à cette organisation, cela lui permettrait d'étendre son réseau dans cette vaste organisation et lui ouvrirait plus d'opportunités en matière de contacts et de réseaux. Interrogé en aparté sur cette intrusion à caractère politique, M. Jacques Lamarre justifie son propos par l'exemple du Canada qui fait partie à la fois du Commonwealth et de la francophonie, ce qui constitue à ses yeux un exemple que l'Algérie gagnerait à s'en inspirer. L'autre exemple sur cette générosité, néanmoins naïve et même burlesque, est l'intervention de M. Pierre Brodeur, cet autre ex-expatrié qui a œuvré en Algérie durant 4 années au sein de la compagnie de télécommunications Wataniya. Il a été invité par M. Denis Paradis, avocat-trésorier de l'alliance et ex-ministre malheureux candidat aux deux précédentes élections fédérales. Dans son témoignage, M. Brodeur a évoqué «la vraie vie» en Algérie en donnant des exemples qui feraient hérisser les cheveux de ceux qui ne connaissent pas le pays. Mais il dit qu'«il faut s'y faire, car c'est comme ça !» Des exemples, il en donne. La douane, eh bien ! Si les droits sont abolis et que votre bateau peut rester deux mois en rade, cela revient cher. Mais c'est ainsi. Il faut faire avec. Un autre exemple : la circulation. Vous êtes sur une route à trois voies, mais ne vous étonnez pas de vous retrouver à cinq voitures. C'est comme ça. Sur la bureaucratie : elle est légendaire, il faut s'y habituer. Sur la ponctualité, il ne faut pas être trop regardant : les employés ne sont pas tenus de travailler dès leur arrivée, au bureau, même tardive. Ils doivent d'abord placoter. Il faut juste s'habituer. En fait, le plaidoyer de M. Brodeur n'avait aucune connotation particulière, mais avait pour objectif de témoigner de la vie, d'un mode de vie qui, s'il peut choquer les Nord-Américains, n'est pas moins qu'un mode de vie avec lequel il convient de s'adapter.Heureusement que le délégué commercial, près l'ambassade du Canada en Algérie, M. André Dubois, avait évoqué, au préalable, les immenses possibilités d'aide et de soutien, gratuits, que ses services offraient aux entreprises canadiennes qui gagneraient, selon lui, à s'engager dans des partenariats d'affaires, mais également pour le transfert de technologie. Ne voulant pas citer d'exemples précis, il a promis qu'au cours des prochains mois de véritables réussites (des success story !) seront rendues publiques. Enfin, et s'il fallait résumer cette demi-journée d'étude sur le partenariat, nous serons tentés de conclure avec les propos de Mme Marie Claude Lebreton, de l'alliance d'affaires Canada-Algérie, qui estime que «les entreprises canadiennes comme celles algériennes tiennent à tisser des liens, on parle d'opportunités d'affaires, et non de bénévolat […] On parle de bonnes affaires pour les deux parties». En tout cas, cette initiative d'une association que l'on croyait mort-née, et qui vient nous rappeler qu'elle existe encore, si elle est louable, pourrait constituer un élément fort intéressant pour les entreprises algériennes désireuses de contribuer, en s'associant à leurs homologues canadiennes, à la réalisation du plan de développement de 150 milliards de dollars.