L'hommage rendu au réalisateur militant algérien, Youcef Bouchouchi (70 ans), organisé jeudi dernier en fin d'après-midi par l'Etablissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger, a été l'occasion pour les réalisateurs, comédiens et autres techniciens du cinéma, venus nombreux, pour honorer leur aîné et saluer son riche parcours, d'exprimer leur inquiétude face à la situation «délétère dans laquelle se trouvent les métiers du cinéma», rapporte l'APS. L'état des lieux qu'ils feront du cinéma algérien est des plus déplorables. Ainsi, une fois de plus, Amar Laskri a tiré la sonnette d'alarme sur la réalité du cinéma algérien, évoquant, entre autres, la situation des salles de cinéma, disparues ou fermées depuis des années (de 500 à l'indépendance, il n'en subsiste qu'une vingtaine dans tout le pays). Tout en indiquant qu'il ne faut pas confondre production cinématographique avec production de téléfilms, il reviendra sur la nationalité des films et cette tendance «à attribuer la nationalité algérienne aux films produits grâce à des moyens majoritairement ou totalement internationaux, au seul motif que le réalisateur en est algérien». Belkacem Hadjadj renchérira en abordant la problématique de l'image en déplorant «la rareté du regard autochtone, pour refléter une image réelle de la société algérienne telle que vécue de l'intérieur». A cet effet, lesprofessionnels présents ont souligné que «pour rendre cette image authentique, il faut toute une chaîne, allant de l'écriture de la fiction, à la projection en salle en passant par la réalisation et la production». Toute une industrie cinématographique et un savoir-faire ont disparu, au début des années 1990, avec la dissolution de l'Office national du cinéma et des industries cinématographiques (ONCIC) et du Centre algérien des industries cinématographiques (CAIC), qui ont été sacrifiés sur l'autel de la restructuration économique du pays prescrite par les plans d'ajustements structurels imposés par le Fonds monétaire international (FMI). Avec la disparition de ces deux entités, leurs équipements sont tombés en déshérence et les locaux détournés au profit d'activités éloignées de la sphère culturelle. On venait de signer la mort prématurée du cinéma algérien et le début de la tourmente dans laquelle se débattent toujours les professionnels du secteur dont un grand nombre ont fait partie de l'aventure cinématographique d'avant 1990. Certains en ont même gracieusement profité. Toutefois, une partie des présents, à l'exemple de M. Hadjadj ont invité leurs collègues à «cesser de se lamenter et à retrousser leurs manches» pour sortir le cinéma de l'impasse dans laquelle on l'a précipité. Malgré la difficulté de la tâche, le réalisateur estime qu'elle est réalisable. Il préconisera comme démarche de commencer par le tout début en conciliant «l'Algérien avec l'image dès l'école». Pour la relance proprement dite du cinéma, le réalisateur recommande une mise à niveau des techniciens (script, son, montage, direction photo), l'instauration de la formation aux métiers du cinéma (écriture de scénario, mise en scène, techniciens de plateau…) et même à la gestion des salles de cinéma. Sur cette lancée, d'autres intervenants appelleront à la reconstitution du réseau des cinémathèques algériennes pour qu'elles recouvrent leur véritable vocation et à la création des ciné-clubs, qui sont de véritables pépinières à exploiter. S. A.