En marge de la cérémonie, des voix se sont élevées pour débattre de la situation affligeante du 7e art en Algérie et proposer des solutions. Ils étaient nombreux, entre sa famille du cinéma, amis et proches, à venir rendre un ultime hommage au réalisateur Youcef Bouchouchi et ce, lors d'une cérémonie, organisée jeudi en fin d'après-midi à l'espace Casbah du complexe culturel Laâdi-Flici, par l'établissement Arts et Culture. Cette rencontre entre les professionnels dont l'équipe du film Mostefa Benboulaïd, à leur tête Ahmed Rachedi et le comédien Hasséne Kechache et notamment le directeur photo, Allal Yahiaoui, a constitué une occasion pour discuter de leurs problèmes et débattre de leurs inquiétudes quant à l'avenir du 7e art en Algérie, a fortiori face à la situation de «délitement» dans laquelle se trouvent, selon eux, les métiers du cinéma. Youcef Bouchouchi, 70 ans, a débuté sa carrière en tant que cameraman à la RTA avant l'Indépendance. Dans les années 1970-80, il est surtout réalisateur de téléfilms et d'émissions dont la mythique Télé ciné-club animé par Ahmed Bédjaoui. Au début des années 1990, le réalisateur quitte l'Entv, héritière de la RTA, pour fonder sa propre entreprise de production cinématographique. Il a son actif plusieurs produits dont la série Omar Ibn El Khattab, présent et absent avec un texte de Kateb Yacine, l'Industrie de la dette, Pas blanc à la une, et la série sociale et comique Fantazia. Il a aussi travaillé en collaboration avec Ali Boukessani pour une série documentaire sur les ravines de Mostaganem, produite en 2001. En 2003, il a reçu à Oran des mains du président de la République la médaille du mérite pour sa contribution à l'enrichissement du 7e art algérien. Youcef Bouchouchi s'est tourné vers l'édition en touchant d'autres domaines en participant également à promouvoir la culture algérienne. Il s'est en outre, intéressé à d'autres domaines de la culture, comme le théâtre et la musique. Il a ainsi édité les premiers albums de nombreux artistes, dont Hamidou, Belmarouf et Mohamed Laraf. L'année dernière, dans le cadre d'«Alger, capitale de la culture arabe 2007», il a réalisé le Prix de la liberté, un documentaire fiction sur la révolution algérienne et les soulèvements du peuple algérien face à la colonisation française. Actuellement, il travaille sur une série de dix films pour enfants, Kalila oua Doumna, adaptée des oeuvres de Mouloud Feraoun. Le parcours de Bouchouchi qui capitalise près de quarante ans dans le métier a été salué par ses collègues, suite auquel un état des lieux du cinéma algérien a été dressé, tant la carrière du réalisateur se confond avec l'âge de ce dernier, depuis les premières images envoyées du maquis pour rendre compte de la lutte pour l'indépendance. Des réalisateurs comme Amar Laskri, ont pris la parole afin de «tirer la sonnette d'alarme» une fois encore, sur la situation des salles de cinéma, disparues ou fermées depuis des années maintenant. Une question qui est revenue encore sur le tapis pour dire la déliquescence du 7e art en Algérie ces dernières années et la nécessité de restaurer et remettre sur rails toutes ces salles de cinéma. Le réalisateur a estimé également difficile de parler de production cinématographique qui «ne doit pas être confondue avec les téléfilms». A. Laskri, mettra en garde, par ailleurs, contre le «leurre» consistant à attribuer la nationalité algérienne aux films produits grâce à des «moyens majoritairement ou totalement internationaux», au seul motif que le réalisateur en est algérien. De son côté, le réalisateur et président de l'association Arpa, Belkacem Hadjadj abordera un autre aspect de la profession, selon lui, «très grave» qui touche à la question de l'image: «il n'est pas interdit de faire un film sur un thème algérien, indépendamment de la nationalité de son auteur ou de son lieu de résidence», dira-t-il, soulignant, en revanche, la rareté du regard «autochtone», pour refléter une image réelle de la société algérienne telle que vécue de l'intérieur. Mais pour rendre cette image «authentique», il faut tout une chaîne, allant de l'écriture de la fiction, à la projection en salle en passant par la réalisation et la production. La disparition, début 1990 de l'Oncic (Office national pour le commerce et l'industrie cinématographique et du Caic (Centre algérien de l'industrie cinématographique) dont les équipements sont tombés en déshérence et les locaux détournés au profit d'activités éloignées de la sphère culturelle, a signé le début de la tourmente dans laquelle se débattent cinéma et professionnels du secteur, ont affirmé les intervenants. Hadjadj qui invitera ses collègues à «cesser de se lamenter» et à «retrousser les manches», reconnaît que la tâche est difficile mais n'estime pas moins qu'elle est réalisable, en commençant par «concilier l'Algérien avec l'image dès l'école». Le réalisateur appelle, à cet effet, les pouvoirs publics, à réintroduire la projection de films dans les écoles, en dotant celles-ci d'équipements modernes, légers et peu coûteux. Pour la relance proprement dite du cinéma, le réalisateur préconise une mise à niveau des techniciens (son, montage, direction photos...), la formation au métier de l'écriture de scénario et même à la gestion des salles de cinéma. Des constats toujours affligeants et redondants qui appellent à des attentes pragmatiques, lesquelles ont été récemment entendues lors de la signature du protocole d'accord de coopération et de coproduction entre l'Algérie et la France. Ceci constitue un autre volet à ne pas négliger. Peut-être que l'organisation de la profession viendra d'ailleurs suite à cet accord et obligera une fois pour toute la corporation et les dirigeants à plus de rigueur. Afin de réajuster justement son image et être à la page...