Si Lounès Matoub est mort depuis plus de dix ans, son legs est toujours porté par la population de la Kabylie et par tous ceux qui se revendiquent de son combat identitaire. Si Lounès Matoub est mort depuis plus de dix ans, son legs est toujours porté par la population de la Kabylie et par tous ceux qui se revendiquent de son combat identitaire. Sa mère, Nna Aldjia, veille à perpétuer sa mémoire en accueillant avec simplicité et modestie tous ceux qui viennent quotidiennement visiter la maison familiale et se recueillir sur la tombe du défunt à Taourirt Moussa (Beni Douala). Très attaché à sa mère à qui il a dédié plusieurs de ses chansons, il l'a fait même fait chanter dans l'un de ses derniers albums, expliquant qu'il voulait garder un souvenir vocal de sa mère avant qu'elle ne meure. Le destin a voulu que ce soit lui qui disparaisse en premier. En vraie femme algérienne, jalouse des valeurs ancestrales et de l'authenticité identitaire, elle est l'âme du message de Lounès, si bien qu'elle soit devenue une mère spirituelle pour tous les Kabyles authentiques. En nous recevant aimablement dans sa maison à l'occasion du reportage que nous avons réalisé avec le jeune joueur de la JS Kabylie, Kouceïla Berchiche, Nna Aldjia nous a parlé avec excitation et émotion de l'amour jusqu'à l'adoration que son défunt fils portait à la JSK, ce club porte-flambeau des revendications de toute une région.
«Lorsque la JSK perdait, Lounès se cognait la tête contre le mur» Les supporters de la JSK aimeraient vous connaître davantage, surtout que depuis la disparition de Lounès, c'est vous qui représentez son âme en quelque sorte… (Elle sourit) Je ne peux pas exprimer toute la joie que je ressens lorsque je vois des jeunes garçons et des jeunes filles affluer quotidiennement à la maison. Cela me rend heureuse et me fait oublier quelque peu la perte de mon fils. On m'a dit aussi que les supporters de la JSK accrochent des portraits et photos de Lounès dans les stades. Cela me laisse croire fermement qu'il restera éternellement vivant et que la cause qu'il a défendue est juste et portée par la population tant qu'il y aura des Hommes en Kabylie. Aujourd'hui, il y a avec nous Mourad Berrefane et Kouceila Berchiche, deux joueurs de la JSK. Que pourriez-vous leur dire ? Je leur demande de se rappeler toujours que Lounès, que Dieu ait son âme, a lutté pour la jeunesse de toute la Kabylie et a consacré sa vie à défendre leurs droits spoliés depuis des décennies. De plus, il n'a jamais lésé personne et encourageait sans cesse tous ceux qui œuvraient en faveur de la région. Lorsqu'il s'agissait de défendre un symbole de l'identité, il ne craignait personne. Je souhaite de tout cœur que la jeunesse contemporaine préserve les principes et valeurs pour lesquels Lounès a été assassiné, lui qui fait perdre le sommeil aux ennemis de la JSK et de la Kabylie même dans sa tombe. Comment le défunt Lounès vivait-il l'actualité de la JSK ? (Elle nous coupe sèchement) La JSK a pris tout son temps. Il l'aimait de tout son cœur et respectait tous ses joueurs et responsables et les invitait volontiers à chaque événement qui avait lieu dans un village de la région. Vous ne pouvez pas imaginer son état après chaque défaite de la JSK. Il ne parlait à personne pendant des heures, sinon pendant des jours. Parfois, il était tellement abattu qu'il se cognait littéralement la tête contre le mur ! En revanche, lorsque le club remportait un titre, on voyait un autre homme : il courait dans tous les sens et congratulait toute personne qu'il croisait sur sa route. Il était convaincu que la JSK était l'un des instruments du combat pour l'identité et qu'elle devait rester toujours au sommet. Avez-vous participé à l'écriture des chansons qu'il avait composées à la gloire de la JSK après les titres remportés dans les années 70 et 80 ? Je n'ai écrit aucun mot de toutes les chansons composées par mon fils, que Dieu ait son âme. Ce qu'il a apporté à la JSK venait du cœur. Personne n'était capable d'écrire ses vers et ses chansons car ils étaient souvent très imagés. Nous vivons aujourd'hui tout ce qu'il a chanté et nous verrons à l'avenir que tout ce qu'il a prédit va arriver. Il aimait beaucoup l'Algérie et ceux qui la servent loyalement et sincèrement, contrairement à ceux pour qui le pays n'est qu'un instrument pour servir leurs intérêts ou ceux qui veulent faire oublier le legs des martyrs. 11 ans après l'assassinat de Lounès Matoub, qu'est-ce qui changé dans le regard de la population de la région vis-à-vis de votre fils ? Il tient la même place dans les cœurs. Il y en a même qui l'estiment encore davantage depuis sa mort. Personnellement, je suis émue lorsque j'entends des gens fredonner ses chansons (elle ne peut contenir ses larmes) et il me manque alors encore davantage. (Elle se reprend) En tout cas, mon fils a laissé sa place propre et est mort en défendant sa dignité. Il restera toujours vivant dans le cœur de ceux qui l'ont connu. C'était un plaisir et un honneur de nous être entretenus avec vous. Nous vous laissons l'honneur de clore cette interview… Je vous remercie de cette visite et j'espère que vous reviendrez une prochaine fois en ramenant la Coupe d'Afrique (rire). Transmettez mes salutations à tous les habitants de la Kabylie, particulièrement à ceux qui n'ont pas oublié mon fils et le portent toujours dans leur cœur. Je souhaite bonne chance à la JSK en espérant qu'elle continuera toujours à procurer de la joie à ses supporters car c'est l'un de nos symboles et un repère historique de la région. Entretien réalisé par Lyès F.