«J'ai félicité Bougherra pour la qualification» Joma, la marque espagnole d'équipement sportif, a choisi les journaux sportifs numéros 1 en Algérie pour aller interviewer la grande star du football africain Oumar Freddy Kanouté sous contrat avec cette marque. Le Buteur et El Heddaf, qui ont déjà eu l'honneur de s'entretenir avec le colosse malien en avril dernier, ont eu beaucoup de plaisir à le revoir pour une discussion passionnante sur le football africain et naturellement sur l'Islam. Appréciez ! * Hier (entretien réalisé jeudi), on vous a vu discuter longuement avec Madjid Bougherra. Que vous êtes-vous dit ? Rien de spécial. On s'est d'abord échangé des salutations, c'est la première chose à faire. Ensuite, je l'ai félicité pour la qualification de l'Algérie en Coupe du monde principalement. On a dit qu'on allait se retrouver en Coupe d'Afrique. Enfin, on a discuté un petit peu, c'est tout. * Nous avons vu Bougherra hier et il n'a pas tari d'éloges sur vous en tant que joueur et en tant qu'homme surtout… Lui aussi a un comportement exemplaire sur le terrain. Footballistiquement, c'est un joueur très particulier avec une projection offensive incroyable, car c'est rare de voir des défenseurs comme ça. * Vous vous êtes donné rendez-vous en Angola. Ne serait-il pas dommage que l'un de vous soit éliminé dès le premier tour ? Moi, je ne vois pas les choses comme ça. Le football est un sport et il doit le rester, on est appelés à rencontrer en Coupe d'Afrique des équipes fortes comme l'Algérie dès le premier tour. Et même si on les évite au premier tour, on ne pourra pas les éviter par la suite. Personnellement, je serai content de croiser l'Algérie, j'espère que tout se passera bien, car rien ne dit que le Mali et l'Algérie ne passeront pas ensemble au second tour. * Le Mali et l'Algérie seront-ils les favoris du groupe ? A priori oui, mais il faudra compter avec l'Angola qui sera difficile à battre devant son public. J'ai vu jouer les Angolais à plusieurs reprises et j'ai pu constater qu'ils ont une très belle équipe. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le Malawi qui vendra chèrement sa peau. * Lors de notre dernier entretien en avril, vous nous aviez dit que l'Egypte était le favori en force pour aller en Coupe du monde. La qualification de l'Algérie constitue-t-elle une surprise pour vous ? Dès les premiers matchs des éliminatoires et notamment le match Algérie-Egypte, j'ai commencé à croire en l'Algérie. Mais avant le début des éliminatoires, le favori était l'Egypte et je continue à le croire aujourd'hui. C'est finalement ça qui est beau dans le sport. Moi, je suis très content pour mes frères algériens parmi lesquels je compte beaucoup d'amis, mais c'est vrai que c'était une petite surprise quand même. * Avez-vous suivi les derniers matchs entre l'Egypte et l'Algérie ? J'ai surtout vu les incidents qui ont précédé le match du Caire. C'est malheureux d'en arriver là et il faut enrayer ce genre d'incidents. Je suis bien placé pour en parler, car j'ai déjà vécu cela avec le Mali une fois au Togo et tout récemment au Bénin où de graves incidents ont eu lieu mais qui n'ont pas été médiatisés. Il faut que les plus hautes instances du sport interviennent pour que ça n'arrive plus. C'est vrai que le football en Afrique soulève beaucoup de passion, mais cela ne justifie aucunement ces graves dépassements. * Que faut-il faire pour arrêter tout ça à votre avis ? Il faut des sanctions exemplaires. Je pense que faire jouer une équipe loin de chez elle deux ou trois matchs n'enrayera pas la violence. Il y a des blessés partout, mais on dirait que personne ne veut réagir, j'ai l'impression qu'on attend qu'il y ait des morts pour bouger. C'est grave que pour un match de football, des supporters, parfois même des joueurs soient blessés comme cela a été le cas au Caire. Je me rappelle qu'au Togo, beaucoup de supporters maliens qui avaient moins de protection que nous ont été gravement blessés et on a dû nous les joueurs les mettre à l'abri dans notre vestiaire. Des choses très graves se passent dans le football et il faut prendre des mesures. Toutefois, je ne suis pas bien placé pour dire quelles mesures il faut prendre exactement, mais je suis sûr que s'ils font un effort, ils pourront savoir ce qu'il faut faire. * Parlons un peu de Coupe du monde et du groupe de l'Algérie. Qu'en pensez-vous ? C'est jouable, parce qu'il y a des groupes plus durs. Mais bon, ça ne sera pas non plus facile, car c'est quand même la Coupe du monde et toutes les équipes sont motivées à fond et tous les matchs seront très compliqués. Je suis sûr que l'Algérie va se préparer à fond pour passer le premier tour et je pense que c'est abordable contre l'Angleterre, les Etats-Unis et la Slovénie. * Encore une fois, le Mali a raté le coche. Y a-t-il une explication à cet échec ? C'est dommage et ça me touche encore plus, car c'était ma dernière chance de jouer une Coupe du monde. Après, une équipe ça ne se base pas sur trois, quatre ou même dix joueurs séparément, une équipe doit être un groupe soudé. Je ne dis pas qu'on n'est pas solidaires au Mali, mais il nous manque ce petit quelque chose qu'on n'arrive pas à détecter et qui nous empêche d'être constants dans les bons résultats. Je pense toutefois qu'il n'y a pas de secret, il faut beaucoup de travail, il faut persister dans l'effort pour réussir. J'espère qu'on aura plus de chance la prochaine fois. * Avec ou sans Kanouté ? Ça sera sans moi, mais je les soutiendrai de tout mon cœur. Il faut tourner la page et laisser la place aux autres * Vous serez peut-être dans le staff d'ici là ? On ne sait jamais, mais sincèrement je ne convoite pas une place dans le staff de la sélection malienne. Je les aiderai comme supporter et rien d'autre. * Vous avez parlé de notion de groupe au Mali. Ne pensez-vous pas que la force de l'Algérie, qui ne possède pas des Kanouté, des Diarra et des Keïta, a été son groupe ? Lorsque je vois l'attitude et la motivation des joueurs algériens, je me dis que ça se passe très bien à l'intérieur du groupe. C'est forcément cela et d'autres choses encore qui ont permis à l'Algérie de se qualifier en Coupe du monde. Une équipe nationale, c'est jamais comme en club. En sélection, on doit changer notre mentalité, parfois on doit se battre beaucoup plus. Comme on ne se voit pas beaucoup durant l'année, on doit compenser l'absence de cohésion par la solidarité et l'amour des couleurs. En club par contre, on se connaît mieux parce qu'on se voit tous les jours. La seule exception en Afrique, c'est l'Egypte dont les joueurs se voient régulièrement, ce qui leur permet de se connaître mieux et de produire du bon jeu. * Avez-vous suivi des matchs de l'équipe d'Algérie ? J'ai vu un ou deux matchs, mais pas entièrement, mais je me rappelle surtout du match Algérie-Egypte. * Etes-vous d'accord avec ceux qui disent que la première Coupe du monde organisée en terre africaine sera remportée par un pays africain ? Je ne sais pas, mais ce serait beau qu'une sélection africaine remporte la première Coupe du monde organisée en Afrique. Sportivement, ce serait très bien pour le football africain et symboliquement aussi, car ce serait très bien pour le moral du peuple africain qui aura une confiance en soi dans tous les domaines. * Quelle sélection voyez-vous remporter la Coupe du monde ? On sait aujourd'hui que la Côte d'Ivoire possède une très belle équipe… Mais ce sera très difficile, car on sait que les sélections africaines commencent toujours très fort pour ensuite fléchier au mieux en quarts de finale. C'est cette continuité qui risque de faire défaut aux Africains. Les grandes nations du football, que ce soit en Europe ou en Amérique du Sud, montent souvent en puissance durant les phases finales pour terminer toujours en force. Les Africains, en revanche, font le contraire car ils sont tellement motivés qu'ils gagnent en général leurs premiers matchs pour ensuite fléchir. J'espère que les représentants africains, que ce soient la Côte d'Ivoire, le Cameroun, l'Algérie et les autres, ont appris la leçon car je serais heureux de voir une équipe africaine en finale. * A côté du football, vous véhiculez une belle image des musulmans en Europe. Comment avez-vous fait pour réussir là où beaucoup ont échoué ? Essayer de pratiquer sa religion correctement, essayer de respecter les gens comme on aimerait qu'ils nous respectent. Essayer aussi d'être droit et de dire la vérite. Parfois, les gens peuvent vous détester, vous aimer, mais au moins qu'ils vous respectent. En vérité, je n'ai rien fait de particulier et je suis heureux de véhiculer la meilleure image des musulmans en Europe. La meilleure façon dont les musulmans pourraient se faire respecter en Europe ou ailleurs, c'est par leur comportement et leurs actions. * Vous arrive-t-il de faire la prière dans le vestiaire lorsque les heures de prière coïncident avec les matchs ? Je le fais normalement dans le vestiaire et sans aucun problème. Il faut persister dans cette voie, il ne faut pas avoir honte, mais il ne faut pas le faire de façon ostentatoire en s'exhibant devant les gens pour les choquer. On doit trouver un endroit à l'écart pour le faire et si on vous pose des questions, il ne fait pas répondre de façon agressive, il faut au contraire communiquer en amorçant le dialogue pour montrer aux gens qu'on est musulmans, qu'on fait la prière cinq fois par jour et qu'on l'assume pleinement. En tout cas, je n'ai jamais eu le moindre problème avec mes coéquipiers à Séville. * Des joueurs algériens ont perdu leur place pour avoir fait le Ramadhan. Comment faites-vous pour concilier le foot et la religion tout en restant titulaire ? C'est malheureux, mais je sais que ça existe. Toutefois, il faut bien expliquer les choses aux gens. Si un joueur baisse de régime à cause du Ramadhan et que l'entraîneur le mette sur le banc, je trouve ça tout à fait normal parce que son rendement s'en ressent et il doit l'assumer car il a décidé de placer le Ramadhan en premier, quitte à perdre sa place. Si en revanche le joueur garde la forme même en jeûnant et que l'entraîneur le laisse sur la touche juste parce qu'il a fait le Ramadhan, alors là c'est injuste. * Et vous comment vivez-vous les matchs durant le Ramadhan ? Je le fais, mais j'avoue que c'est très dur, surtout ici en Andalousie où il fait très chaud. Il m'est arrivé parfois de l'interrompre, car Dieu n'a jamais imposé à un homme de faire une chose au-delà de ses capacités. * Comment ça se passe avec Romaric, Zokora et Koné, les trois ivoiriens du FC Séville ? Très bien, car il y a toujours une affinité particulière entre Africains. Donc forcément, on se côtoie beaucoup, surtout que les Ivoiriens mettent facilement l'ambiance. * En Coupe d'Afrique, il y aura donc un manque d'ambiance, mais aussi un manque de titulaires… Ce sera effectivement difficile avec le départ de quatre joueurs d'un coup. A Séville, on en parle déjà depuis quelque temps en disant : comment pouvoir les remplacer ? C'est malheureusement comme ça et les clubs européens qui ont beaucoup d'Africains dans leur équipe vont en pâtir tous les deux ans. Le problème ne se pose pas pour nous les anciens qui sommes titulaires dans nos clubs et qui ne risquons rien. Je suis plutôt inquiet pour un joueur qui débute et qui risque de perdre sa place à cause de la Coupe d'Afrique. J'ai déjà posé le problème en proposant de jouer la CAN en été, mais on m'a expliqué que c'est impossible à cause du climat. Mais d'une manière ou d'une autre, il faudrait trouver une solution en faisant en sorte que la CAN ne coïncide par avec les championnats européens. * Une visite à Alger, c'est pour quand ? J'y suis déjà allé pour jouer un match et ça s'est très bien passé. Un jour inch'Allah, j'irai en visite privée, car n'oubliez pas que j'ai beaucoup d'amis algériens notamment à Lyon où j'ai grandi. Entretien réalisé à Séville par Mohamed Saâd Les traces de la prosternation sur le front «Simahoum fi woudjouhihim» dit un verset coranique très connu pour décrire les vrais croyants qui, à force de se prosterner à Dieu, héritent d'une trace marron bien visible sur le front. Oumar Kanouté, et comme le montre clairement la photo, en fait partie. Comme quoi, toutes les actions en faveur des musulmans qu'il fait, ce n'est pas pour amuser la galerie. Ce sont des gestes qui grandissent encore plus l'homme Kanouté aux yeux des musulmans. Il chausse du 46 Tout est grand chez Kanouté au point où lorsqu'on s'approche de lui, on se sent tout petit. Ainsi, lorsque le responsable de l'entreprise d'équipement sportif Joma nous a montré une gamme de ses équipements réservée à l'attaquant malien, nous ne nous sommes pas empêchés de jeter un coup d'œil sur la chaussure du joueur qui nous paraissait démesurément grande. 46 ! Un chiffre incroyable, même si cela n'empêche pas Kanouté d'être très adroit avec son pied, peut-être même plus qu'avec la tête. La preuve, mercredi, c'est lui qui a inscrit le seul but de la rencontre qui a permis à Séville de terminer premier de son groupe en Ligue des champions Content pour le Stade Malien Lorsque nous lui avons appris que le Stade Malien a remporté la Coupe de la CAF au détriment d'un club algérien, l'Entente, Kanouté était surpris. «Je savais que le Stade Malien a gagné la Coupe d'Afrique, mais je ne savais pas que c'était contre un adversaire algérien. Vous êtes qualifiés en Coupe du monde, laissez au moins le peuple malien fêter la Coupe de la CAF», nous a-t-il dit avec le sourire.