De notre envoyé spécial à Pretoria : Farid Aït Saâda Nous l'avions constaté lors du stage de préparation d'une semaine effectué en juin dernier par la sélection nationale à Pretoria : il existe un bon nombre d'Algériens en Afrique du Sud. Inutile de dire donc qu'ils n'ont pas été les derniers à être heureux de la qualification de l'Algérie pour la Coupe du monde. «C'est dingue ! Nous allons supporter les Verts «à domicile», chez nous !», clame Mourad Bentafat, commerçant à Pretoria. En effet, du fait de l'éloignement (l'Algérie se situe à l'extrême nord de l'Afrique et l'Afrique du Sud à l'extrême sud du continent), ce n'est pas évident pour ces mordus des Verts d'assister aux matchs de la sélection de leur pays. Le match de Chililabombwe, une frustration Même lors du séjour de la sélection algérienne à Pretoria, il y avait comme un goût d'inachevé : les Algériens ont pu suivre les séances d'entraînement, mais il leur avait été impossible de se déplacer en Zambie pour soutenir les Verts contre la sélection zambienne. Par avion, le coût du déplacement était trop onéreux, surtout qu'il fallait, après avoir atterri à Ndola, continuer par route jusqu'à Chililabombwe. Par route, c'était long et pas très sûr (tout le Botswana et une bonne partie de la Zambie à traverser). De plus, il était impossible de le faire sans papiers (beaucoup d'Algériens sont clandestins au pays de Mandela). Donc, il n'y avait pas moyen de regarder l'Algérie jouer. Le match du Soudan sur écran géant à l'ambassade C'est parce qu'elle a mesuré cette frustration que l'ambassade d'Algérie en Afrique du Sud a organisé une projection sur grand écran sur le parking lors du match d'appui Algérie - Egypte. Les Algériens résidant en Afrique du Sud étaient tous conviés à suivre le match ensemble. Pour des raisons d'éloignement, seuls quelques Algériens résidant à Pretoria et à Johannesburg ont répondu à l'invitation. Mourad Bencheikh, ambassadeur d'Algérie en Afrique du Sud, a tenu à partager ce moment avec ses compatriotes en étant présent, ainsi que la majorité des cadres de l'ambassade. Il a eu même l'amabilité de prévoir des sandwiches et des boissons, ce qui a été fortement apprécié. «Vraiment, en toute franchise, l'ambassade a été à la hauteur sur ce coup-là. Elle a justifié sa mission de structure au service de la communauté», témoigne Mourad Benferhat dit Mourad «Rougi», l'un des fans les plus fous (il s'était évanoui et avait perdu conscience durant une dizaine de minutes après le deuxième but de l'Egypte au Caire). Les riverains de Hatfield ont appelé la police pour tapage nocturne Il est facile donc d'imaginer la liesse qui s'était emparée des Algériens ayant assisté à la qualification de l'Algérie au siège de l'ambassade. Malgré la pluie battante, un cortège d'une cinquantaine de voitures, celles de cadres de l'ambassade compris, s'est constitué et a sillonné les faubourgs de Pretoria. La principale artère de Hatfield, le quartier résidentiel de la capitale sud-africaine, avait été carrément bloquée par le cortège, si bien que des riverains s'étaient plaints du tapage nocturne et avaient appelé la police. C'est grâce à l'intervention sage de quelques Algériens qu'il n'y a pas eu d'arrestations. Cependant, la fête s'est poursuivie au City Centre (centre-ville), ainsi qu'à Sunnyside, Brooklyn et tous les quartiers de la ville. Les résidents de Johannesburg ont parcouru la cinquantaine de kilomètres séparant la capitale économique de la capitale politique en chantant et en actionnant les klaxons à fond. Le Cap, déjà un problème La fête terminée, place au plus important : préparer les matchs de l'Algérie. A ce niveau, il n'y a pas que les joueurs qui préparent la Coupe du monde, mais même les supporters puisqu'il faut gagner la course vers les billets d'entrée au stade. «C'est vraiment pénalisant que le match contre l'Angleterre se déroule au Cap. C'est trop loin d'ici», se plaint-on. 1300 kilomètres, ce n'est pas la porte d'à côté ! Même Polokwane, la ville qui abritera le premier match de l'Algérie face à la Slovénie, n'est pas tout proche. Le seul bémol donc est ce match Etats-Unis – Algérie qui aura lieu à Pretoria. «Ce sera comme si nous jouerons à domicile et c'est pour cela que nous tenons à y assister», martèlent Mourad et Aziz, gérants d'un cybercafé. Mission : être majoritaires au Loftus Verseveld de Pretoria ! La quête des billets a commencé. Mourad Bentafat a obtenu une carte à puce par laquelle il pourrait acheter un billet. «J'ai vraiment fait du porte-à-porte pour l'avoir», affirme-t-il en l'exhibant avec fierté. «Le problème est que nous n'avons pas compris où et comment acheter les billets. On nous dit que c'est via le site de la FIFA, mais on nous dit que les Américains et les Sud-Africains ont déjà tout acheté.» La mission que se donnent les Algériens d'Afrique du Sud est de se procurer le plus grand nombre de billets possibles afin de les mettre à la disposition des compatriotes qui viendront l'été prochain. «Il est hors de question que nous soyons minoritaires dans les stades, surtout pas ici, à Pretoria !», clame Mourad «Rougi». «Quitte à racheter leurs billets aux Américains, nous serons plus nombreux» Pour envoyer un message aux Américains (surtout à un certain entraîneur des gardiens de but qui se veut d'ores et déjà vengeur de ses compatriotes égyptiens), les supporters se sont rendus au Loftus Versveld Stadium, le stade de Pretoria qui accueillera Etats-Unis – Algérie, drapeau algérien déployé. «Nous donnons rendez-vous à tout le monde dans ce stade le 23 juin 2010 !», clament-ils. «Ici, personne ne sera plus nombreux que les nôtres, quitte à racheter les billets des Américains eux-mêmes !» Le défi est lancé et nos interlocuteurs sont sacrément motivés pour le relever, eux et toute la communauté algérienne en Afrique du Sud. «Souvent, nous ne nous voyons que durant les décès, afin de cotiser pour rapatrier une dépouille, mais nous allons tâcher de nous organiser entre nous, à travers toutes les villes d'Afrique du Sud. Nous devons imposer notre présence. Avec le renfort des supporters qui viendront d'Algérie et d'Europe, nous devons être très forts.» F. A-S. ----------------- Polokwane, une ville de province Le premier match de l'Algérie, face à la Slovénie, aura lieu à Polokwane, une ville située au nord-est, pas loin des frontières du Zimbabwe et du Botswana. Pour y aller, ce ne sera pas simple puisque la ville est située à quelque 290 kilomètres de Pretoria. «J'y suis déjà allé une fois pour voir s'il était intéressant d'y ouvrir un magasin. Déjà, j'ai passé plus de quatre heures en voiture. Ensuite, j'ai été surpris de trouver une petite ville, sans constructions imposantes. C'est une petite ville de province, sans plus. Cela ne m'avait pas plu et j'ai renoncé à mon projet», témoigne Mourad Bentafat. Les supporters algériens seront bien accueillis Bien que vivant des conditions assez difficiles, beaucoup d'Algériens résidant en Afrique du Sud nous ont fait part de leur disponibilité à héberger des supporters algériens dans la limite de leurs moyens. «Si on peut faire quelque chose en ce sens, nous le ferons avec plaisir. Il s'agit quand même d'un devoir national», affirme Mourad Bentafat. Les Egyptiens boycottés Choqués par les images des agressions perpétrées contre des joueurs et supporters algériens, une grande partie des Algériens vivant en Afrique du Sud, plus particulièrement ceux résidant à Pretoria et Johannesburg, ont décidé de boycotter les Egyptiens, dont la majorité sont des commerçants. «Nous ne leur achetons plus rien et cela les pénalise car ils vendent des produits spécifiques aux musulmans et ils perdent ainsi une clientèle intéressante», affirme Mourad «Rougi». Aziz ajoute : «Un Egyptien est venu me voir pour me demander pourquoi les Algériens boycottent ses produits. Il m'a demandé d'intercéder en sa faveur. Je lui ai répondu que chacun est libre de faire ce qu'il veut.» Les Américains ont fait des billets un business Depuis que la FIFA a lancé il y a plusieurs mois, à travers son site Internet, l'opération de vente des billets pour la Coupe du monde 2010, les Américains et les Sud-Africains ont été les plus nombreux à acheter les billets mis en vente. Si cela peut s'expliquer pour les habitants du pays organisateur (surtout qu'ils ont droit aux billets les moins chers), c'est plus surprenant s'agissant des Américains, qui ne sont pas très portés sur le football (le soccer, comme ils l'appellent). La raison est purement commerciale : même s'ils ne sont pas très foot, les Américains sont très business et savent très bien que la Coupe du monde est une compétition attractive, ce qui fait qu'ils pourront facilement revendre leurs billets en deuxième ou troisième main. Pour ceux qui voudront donc racheter des billets, il n'y a qu'à faire des recherches sur Internet et casquer le prix demandé.
