« Je ne pouvais pas me taire en voyant les images de Ghaza » Lorsqu'il s'est assis sur la chaise d'un des nombreux bureaux de la Ciudad Deportiva du FC Séville, Oumar Kanouté paraissait moins imposant que sur un terrain de football. Avec une casquette vissée jusqu'aux oreilles, l'attaquant malien parle avec passion de la dernière biographie de Barack Obama « Les rêves de mon père » et des raisons qui l'ont poussé à dénoncer l'attaque israélienne sur Ghaza en exhibant un maillot en signe de soutien à la Palestine, un geste qui lui a coûté 3000 euros d'amende. * Pourquoi ce soutien à la Palestine ? On ne va pas demander à toutes les personnes qui manifestent pourquoi elles le font. Pourquoi vous êtes tous obligés de me poser cette question ?… C'est une réaction normale. Tout le monde s'est focalisé sur moi et c'est en réalité ce que je recherchais. On ne peut pas se taire devant autant d'atrocités. C'était mon devoir d'être humain d'essayer de mettre mon grain de sable pour arrêter le massacre. Et la meilleure façon de le faire, c'était le terrain de football et je ne regrette rien. Si je devais le refaire un jour, je le referais sans la moindre hésitation. * Et la sanction ? Je ne la comprends pas. La fédération se trompe beaucoup parce que quand il y a des actes barbares comme ça, il est politiquement correct de les dénoncer. * Mais les statuts l'interdisent. J'assume mes responsabilités ainsi que la sanction. Mais c'était ma conviction profonde et l'amende m'importait peu. * Avez-vous été soutenu ? Beaucoup. De la part de gens anonymes, d'entreprises, d'organisations, d'associations... Mais également de coéquipiers comme Seydou Keïta (le milieu de terrain malien du Barça). Mon soutien pour la Palestine n'était ni un message politique ni religieux, c'était un message contre une atrocité commise contre un peuple sans défense. * Mais l'Islam influe beaucoup dans votre comportement. Ce n'est pas parce que je suis musulman que je vais défendre des personnes qui font du mal aux gens. Tout ce que je fais, je le fais par conviction. Si un musulman commet un acte négatif, je le dénoncerai quand même. Ma foi musulmane me demande d'être juste et d'agir selon ma conscience. * Qu'est-ce qui vous a poussé à vous convertir à l'Islam ? Depuis que j'étais tout petit, mon esprit était souvent porté sur des choses métaphysiques, mais je n'ai commencé à m'intéresser à la religion qu'à l'âge de 19 ou 20 ans. J'ai commencé à apprendre l'Islam et j'ai été vite convaincu que c'était la meilleure voie, c'était ma voie naturelle. * Votre père malien ne vous a-t-il pas mis la pression ? Beaucoup de gens l'ignorent, mais une partie de ma famille au Mali est chrétienne et l'autre est musulmane. Mon père n'avait rien à voir là-dedans. * Vous vous identifiez à quel pays ? Le Mali ou la France ? Je me sens français à 99% parce que je suis né là-bas (à Lyon en 1977). Mais j'ai l'Afrique dans le sang. La France ne s'est jamais intéressée à moi footballistiquement et j'ai pris la nationalité malienne. C'était un rêve de jouer pour la sélection du Mali. * Vous sentez-vous indispensable au FC Séville ? Lorsque je suis sur le terrain, je ne me rends pas compte de mon influence sur le jeu. J'essaye de donner le meilleur de moi-même c'est tout, en allant demander le ballon, en essayant de proposer des solutions et en marquant des buts, mais je ne sais si je suis indispensable ou non... Tout ce que je peux vous dire, c'est que je me suis habitué à cette équipe et vice-versa. * D'où tenez-vous ce calme olympien devant le but adverse ? Je ne panique pas facilement. Je suis assez calme pour savoir quand est-ce que je dois faire vite et quand je dispose de 2 ou 3 secondes pour réfléchir à ce que je dois faire. * Vous donnez l'impression de préférer parler d'autre chose que de football… Peut-être. Le football, je le joue, je ne le commente pas. Je préfère un bon film ou un livre à un match de football à la télé. Lorsque je suis chez moi, je déconnecte complètement. * Que pensez-vous alors de l'élection de Barack Obama ? C'est très positif. Je ne suis pas un admirateur des Etats-Unis, mais je reconnais qu'ils offrent des opportunités aux gens. Qu'un descendant d'Africains soit président est un progrès incroyable. En Europe, nous sommes très loin du compte. Parfois, on critique beaucoup les Etats-Unis, mais ils nous dépassent largement sur certains sujets. Ce qui est arrivé avec Obama, je ne le vois pas en France ni en Espagne avant le prochain siècle. * Vous préférez jouer aux côtés de Luis Fabiano ou seul en attaque ? J'aime jouer autant en pointe qu'en 9,5. J'avoue que je ne suis pas un buteur-né comme Fabiano, car je préfère plutôt participer à l'élaboration du jeu qu'à la finition. * Le jeu du FC Séville n'est plus convaincant. A quoi cela est-il dû à votre avis ? C'est vrai que nous ne jouons plus bien et nous sommes autant déçus que nos supporters. Personnellement, les critiques ne me dérangent pas. Mais lorsque j'entends çà et là des gens dire que la tactique de notre entraîneur, M. Manolo Jiménez, est frileuse, je ne comprends pas. Je suis convaincu qu'il est le premier à vouloir jouer devant. Mais a-t-il les atouts pour le faire ? Je ne le pense pas. Le groupe a changé avec beaucoup de départs, notamment celui de Dani Alves au Barça. A lui seul, Dani pouvait changer le jeu de l'équipe. Avec lui, tous les ballons passaient par le flanc droit et c'est lui qui organisait tout. Aujourd'hui, tout est différent, mais il faut trouver d'autres solutions pour redevenir une équipe spectaculaire. Il s'est régalé dimanche contre l'Espanyol Dimanche dernier, le FC Séville est allé s'imposer sur le terrain de l'Espanyol Barcelone (2-0) grâce à Frédéric Kanouté. Séville est allé empocher les trois points de la victoire en déplacement sur le terrain de l'Espanyol Barcelone, réduit à dix après l'expulsion de Smiljanic à l'heure de jeu. Frédéric Kanouté a signé un doublé (84' et 90') qui a permis aux Sévillans de s'imposer 2-0. Adebayor lui succède Frédéric Kanouté a perdu son titre... le 11 février dernier, la CAF (Confédération africaine de football) a remis à Emmanuel Adebayor le trophée récompensant le meilleur joueur africain 2008. L'attaquant d'Arsenal succède donc à l'international malien au palmarès et devance, dans les suffrages, le milieu de terrain de Chelsea, Mickael Essien, et le milieu de terrain égyptien, Mohamed Abou Trika.