«J'ai été contraint de jouer pour la France» «Mon grand-père est décédé en martyr sous les yeux de mon père qui avait 11 ans» Papa a voulu que son fiston lui emboîte le pas et l'a inscrit dans une école de judo. «J'y suis resté quelque temps, mais j'ai vite vu que ce n'était pas ce que je voulais.» Alors, il a décidé de suivre son frère aîné, Noureddine, qui fréquentait les terrains de football pour d'interminables parties de quartier. «Je suis venu au football par hasard, je l'avoue, mais c'est un sport où je me suis très vite reconnu.» Vivant dans une ville, Belfort (est de la France), où il y avait une forte communauté d'émigrés, issus de tous horizons. «Nous étions organisés en équipes communautaires : les Algériens, les Marocains, les Portugais, les Tunisiens, les Maliens… Nous nous affrontions les uns contre les autres. Les matches et les tournois n'en finissaient jamais.» «A 14 ans, j'ai senti ce qu'était de ne pas vivre avec sa famille» A 14 ans, il est remarqué et pris par le centre de formation du FC Sochaux. «C'était à une trentaine de kilomètres, mais cela marquait un tournant dans ma vie car, depuis ce temps-là, je me suis résigné à vivre loin de mes parents.» Ce qui lui manquait, ce n'est pas tant les plats faits maison que la chaleur familiale propre aux Algériens. «C'était dur de quitter le foyer familial à 14 ans, même si mes parents me rendaient visite chaque week-end et venaient souvent assister à mes prestations dans le centre de formation, mais c'était le prix à payer pour le succès. Ce qui était bien avec le FC Sochaux, c'est que nous poursuivions nos études en parallèle et c'était très important aux yeux de mes parents.» Question études, il n'était pas du tout mauvais, loin s'en faut. «J'avais toujours de bonnes notes, si bien qu'on me citait en exemple en matière de réussite sportive et scolaire. C'est aussi un peu pour cela qu'on m'avait promu capitaine de l'équipe de jeunes», se rappelle-t-il. «Si je n'avais pas répondu à la convocation de l'équipe de France, je me serais fait «griller»» Il s'était distingué de telle manière qu'un jour, il reçoit une convocation pour la sélection de France des U17. «Beaucoup de gens s'interrogent actuellement sur le fait que j'aie accepté de porter le maillot de l'équipe de France, alors que je crie mon nationalisme partout. Pour comprendre, il faut se mettre dans le contexte de l'époque : les jeunes joueurs n'étaient pas aussi bien protégés qu'ils le sont actuellement. Si je n'avais pas répondu à la convocation de l'équipe de France, on ne m'aurait pas tué, certes, mais je me serais «grillé» aux yeux des dirigeants du club et cela aurait été peut-être la fin de ma carrière. Si j'avais accepté, c'était pour trois raisons : ne pas compromettre ma carrière, rendre mes parents fiers devant les Français et attirer l'attention des responsables de la FAF.» Lorsqu'on saura que cela se passe en 1998, année de la consécration mondiale de la France sous la conduite d'un certain Zinédine Zidane, on peut comprendre Yahia : c'est une manière d'affirmer qu'un Algérien peut également être utile à la France. «J'ai été le premier joueur au monde à bénéficier de la loi FIFA de 2003» Or, les choses ne se sont pas passées comme il s'y attendait : son papa, qu'il avait voulu rendre fier, ne s'est pas montré du tout enthousiaste. «Sur le moment, il ne m'avait rien dit, mais je voyais bien qu'il était contrarié. Ce n'est que le jour où il y a eu la nouvelle loi FIFA de 2003 autorisant les joueurs ayant évolué dans les sélections de jeunes de leur pays d'adoption de jouer pour les seniors de leurs pays d'origine que j'ai vu combien il souhaitait que je joue pour l'Algérie. J'ai tout fait pour, grâce au concours de Mohamed Raouraoua. D'ailleurs, j'ai été le premier joueur au monde à bénéficier de cette nouvelle loi, tellement je désirais jouer pour l'Algérie. Là, mon père m'a dit ce qui lui brûlait le cœur et qu'il n'avait pas osé me dire durant des années : «Je ne me suis jamais senti autant blessé que le jour où tu avais porté le maillot de l'équipe de France, avec le coq de la FFF sur le cœur.» J'en étais désolé moi-même, mais l'essentiel est là désormais : je défends les couleurs de mon pays, l'Algérie.» Le papa a été tellement enthousiaste qu'il avait demandé et obtenu de la FAF d'accompagner la sélection lors d'un déplacement au Zimbabwe. «Je voulais tellement jouer pour l'Algérie que j'avais même demandé à jouer avec les Espoirs» C'est avec sérénité qu'il évoque cet épisode de sa carrière. Il le prend comme une expérience de la vie, tout en saluant l'œuvre de Mohamed Raouraoua, celui par qui les changements de loi sont arrivés. «Il a été l'un des artisans de la loi de 2003 et de celle de 2009 qui a permis à Hassan Yebda, Mourad Meghni et Djamel Abdoun de nous rejoindre. Ce n'est pas pour lui tresser des fleurs, mais il a fait un travail remarquable pour lequel l'Algérie entière doit être éternellement redevable à cet homme.» Il se rappelle de l'accueil que le patron de la FAF lui avait réservé à son arrivée en sélection. «Il dégageait à la fois une grande sérénité et une grande chaleur. Cela m'a conforté dans mon idée que, parmi les siens, on est en famille.» Explication : «Depuis que j'étais au centre de formation à 14 ans, l'environnement dans lequel j'évoluais était professionnel et rigoureux, mais au sein de la sélection, j'ai retrouvé l'esprit de famille qui régnait dans notre foyer à Belfort.» Il était tellement emballé par le fait de jouer pour l'Algérie qu'il s'était proposé de lui-même, ainsi que Karim Ziani, de renforcer la sélection Espoirs lors des éliminatoires pour les JO 2004. «Il y avait également avec nous dans la sélection Madjid Bougherra, qui n'était pas encore en équipe A. D'ailleurs, je me rappelle avoir inscrit un but avec l'équipe olympique au stade de Blida sur un centre de Madjid.» «Regardez comme Yebda, Meghni et Abdoun sont heureux avec l'Algérie» Aujourd'hui, avec la présence de Yebda, Meghni et Abdoun, beaucoup d'Algériens de France sont retournés dans le giron patriotique. «Il suffit juste de les voir pour comprendre qu'ils sont très heureux d'être avec nous. Vous pouvez leur demander, ils vous diront qu'après ce qu'ils ont vu, ils ne changeront l'Algérie pour rien au monde.» Ce qui plaît surtout à Yahia, ce sont les qualités morales de ces joueurs, en sus de leurs indéniables qualités techniques. «Hassan, Mourad et Djamel sont d'une éducation exemplaire. Ce ne sont pas du tout des gens à problèmes, bien au contraire. Il faut le dire : en sélection, il n'y a que des fils de bonne famille. Ils sont tous heureux d'être ensemble.» Yahia a également une pensée pour tous ceux qui ont fait partie de l'aventure de la sélection nationale et qui ne sont plus en sélection actuellement. «Les Amri, Bouzid, Zarabi et autres Daham ont galéré avec nous et contribué au parcours de l'Algérie, d'une manière ou d'une autre. Je tiens à les saluer en leur disant que nous pensons fortement à eux.» F. A-S. ----------------- A chaque fois qu'il entend Qassaman, il pense à lui «Mon grand-père est tombé en Martyr sous les yeux de mon père qui avait 11 ans» Anthar Yahia le répète souvent : lorsqu'il joue avec la sélection nationale, il a souvent une pensée pour son grand-père, tombé en Martyr lors de la Révolution algérienne. En fait, depuis qu'il est enfant, il s'est fait dans sa tête une image de son grand-père paternel qu'il n'a jamais connu, mais qu'il aurait tant aimé voir encore de ce monde. «En 1956, il est mort en Martyr, tué pas des soldats français. Le pire, c'est qu'il est tombé au Champ d'honneur sous les yeux de mon père qui avait seulement 11 ans à l'époque. Voir son père se faire tuer devant soi est un souvenir qui marque et mon père en a été marqué», raconte Anthar. «Tout le temps, mon père évoque le souvenir de mon grand-père, insistant sur le fait que s'il a donné sa vie, c'est pour un idéal que nous devons préserver. C'est pour cela qu'à chaque fois que l'hymne national est entonné avant un match, j'ai immanquablement une pensée pour mon grand-père, Allah yerrahmou.» * «J'écoute Qassaman même dans ma voiture» Le défenseur international algérien a poussé l'hommage jusqu'à apprendre «Qassaman» par cœur. Déjà, il l'a sa liste de morceaux musicaux favoris dans sa voiture. «Il m'arrive de temps en temps d'écouter l'hymne national, rien que pour le plaisir. Il évoque beaucoup de choses pour moi.» Même son grand-père maternel a été moudjahid et il ne manquait pas de raconter à Anthar des souvenirs de la Révolution. «Ma famille est très nationaliste. Mes oncles, mes tantes, mes cousins, tous ne badinent pas avec l'emblème national. Lorsque la sélection nationale joue, c'est l'alerte dans toute la région de Sedrata. Je suis certain que c'est la même chose dans toutes les régions d'Algérie.» * «Mon frère Yacine me rappelle mon grand-père» Non seulement Anthar n'a jamais connu son grand-père paternel, mais il ne l'a même pas vu en photo. «A l'époque, les Algériens étaient pauvres et ne pouvaient pas tous se permettre des photos, un luxe en ce temps-là. De plus, ma famille habitait dans un douar et non pas en ville. Cela fait que mon grand-père n'a jamais immortalisé son image dans une photo.» Cependant, il essaye de se l'imaginer parfois, en se reposant sur la description qu'on lui fait de lui. «Mon père me dit que mon frère Yacine lui ressemble fortement. Alors, je regarde parfois mon frère en essayant de deviner les traits de mon défunt grand-père.» Cela s'explique par le fait que Anthar ressemble plutôt à sa mère, alors que Yacine tend plus vers son père. * «Je me rends chaque année à Oued El Har, où on l'a tué» S'il y a un rituel que Yahia honore, c'est la visite annuelle au village familial. «C'est un honneur et un devoir d'aller à notre douar chaque été. Sur le chemin, nous passons par l'endroit où mon grand-père est tombé en Martyr, à Oued El Har, dans la commune de Aïn Soltane (wilaya de Souk-Ahras, ndlr). C'est un lieu qui ne s'oublie pas.» Même s'ils vivent actuellement en Europe, les Yahia n'oublient pas. «Je suis contre l'oubli. Nous devons nous aussi développer la culture de la mémoire, car un million et demi d'Algériens sont morts pour l'Algérie, ce n'est pas rien.» Sa manière à lui de conjurer l'oubli est de penser à ce grand-père qu'il n'a jamais connu, mais qui est une partie de lui. F. A-S. -------------------- La maman ne regarde pas ses matches Comme toutes les mères, Mme Yahia aime voir son joueur gagner, mais après seulement quelques minutes devant la télévision, elle ne veut plus regarder. «Elle a peur des blessures. Dès qu'elle voit un joueur tomber, même si ce n'est pas moi, elle ne peut pas supporter cela. Alors, elle monte dans sa chambre et dit aux autres de l'appeler quand le match sera fini.» Il est vrai qu'elle a mal pris les dernières blessures de Anthar. «Chaque fois, elle me fait plein de prières, mais la prière qu'elle répète le plus souvent et qui me touche le plus est celle où elle me dit : «Fais attention à toi et que Dieu te garde !» Son voeu : vivre une année pleine avec sa famille, sa femme et ses enfants Etre footballeur requiert des sacrifices. Yahia en connaît quelque chose, lui qui n'a plus vécu avec sa famille depuis l'âge de 14 ans. «J'ai encore plusieurs années de football devant moi, mais lorsque je prendrai ma retraite, je ferai une chose : je prendrai une année sabbatique pour vivre pleinement avec ma famille, ma femme et mes enfants, si j'en aurai d'ici là.» Et d'expliquer : «Je n'ai pas passé un mois de Ramadhan en entier avec ma famille depuis mon adolescence. Je n'ai pas eu le plaisir de sortir avec ma maman, de discuter longuement avec mes frères et sœurs, sinon durant les rares moments de vacances. En plus, je vais inch'Allah me marier bientôt et je veux élever mes enfants dans la tradition algérienne, comme mes parents m'ont élevé, en leur donnant toute la chaleur familiale dont ils auront besoin. Tous les sacrifices que je fais aujourd'hui, c'est pour permettre à ma famille de vivre heureux.» Il se verrait bien comme représentant commercial Si Yahia n'avait pas été footballeur, qu'aurait-il été ? «Je suis sûr d'une chose : je me verrais mal travailler dans un bureau. Je n'ai pas l'âme d'un bureaucrate. Ma vocation est d'être en contact avec les gens, car je suis très sociable. Un métier qui m'irait bien ? Peut-être représentant commercial ou toute autre fonction dans le commerce ou le management.» Bochum l'honore pour son titre de Meilleur joueur arabe L'embrouille qu'il y a eu entre le VfL Bochum et Yahia au sujet de la Coupe d'Afrique des nations relève désormais du passé. Les choses ont repris leur cours normal entre les deux parties. Plus même : le club a honoré le joueur qui a décroché le titre de Meilleur joueur arabe de la part de la chaîne de télévision MBC. Cela s'est passé samedi passé, avant le coup d'envoi du match Bochum-Bayer Leverkusen. Un tableau, représentant Yahia avec le maillot national, le drapeau algérien et les couleurs de Bochum, ainsi qu'un bouquet de fleurs, lui ont été offerts par Thomas Ernst, le directeur sportif, et Klaus-Peter Schütt, vice-président du club sous les ovations des milliers de supporters présents au stade et qui n'ont pas manqué de scander son nom. En Allemagne, on sait être reconnaissant envers le talent. Dedic et Sestak, deux autres Mondialistes à Bochum Anthar Yahia ne sera pas le seul joueur de Bochum à participer à la Coupe du monde en Afrique du Sud. Parmi ses coéquipiers, il y a Stanislav Sestak, attaquant de la Slovaquie, et Zlatko Dedic, attaquant de la… Slovénie ! C'est dire que le match Algérie-Slovénie du 13 juin prochain a déjà commencé à Bochum. En tout cas à Bochum, ça parie déjà ferme entre les joueurs. Mavraj solde les vêtements de Yahia à 10 euros/pièce ! Mergim Mavraj est ce joueur albanais plein d'humour qui est l'un des meilleurs potes de Anthar Yahia à Bochum. Ils sont tellement amis qu'ils partagent une grande complicité. D'ailleurs, Mavraj ne manque jamais une occasion de faire une farce à son ami. Il s'en rappelle d'une qui a provoqué l'hilarité au sein du groupe. «Vous savez, Yahia porte toujours des habits d'une marque italienne très connue. Un jour qu'il était sorti de la chambre, j'ai pris ses vêtements et je les ai étalés sur la table à la vue des autres joueurs et j'ai crié : «Pour ceux qui veulent faire une affaire, je solde mes vêtements à 10 euros/pièce ! Je veux m'en débarrasser coûte que coûte. Même à moins de 10 euros!» Il y en a qui m'ont cru et qui m'ont offert de les acheter ! Des vêtements de marque à 10 euros. Alors, j'ai dit à Anthar : «Tu as raté les soldes de l'année !»» ------------------------- A l'Inter, Lippi était parti trop tôt A 18 ans, alors qu'il brillait dans le centre de formation du FC Sochaux, Anthar Yahia a reçu une proposition qu'il ne pouvait pas refuser : un transfert à l'Inter de Milan. «C'était un vrai tournant dans ma carrière. J'ai sollicité l'avis de mon père et ce dernier m'a dit : «Lorsqu'on commence un travail, il faut le mener à bien. Tu as entamé une carrière dans le football, il faut donc continuer.» Je suis donc parti avec la bénédiction de mes parents. C'est là-bas, à l'Inter, que j'ai découvert ce qu'était le football.» Il est vrai que pour un défenseur, l'Italie constitue l'Eldorado, la terre où défendre est un vrai métier. «Wallah, c'est là-bas que j'ai compris que le défenseur est un artiste dans son domaine. Défendre est érigé en art et, à l'Inter, j'avais un excellent maître tacticien : Marcello Lippi.» «Toi, tu peux être le futur Laurent Blanc» On se rappelle de cette époque où Lippi, qui avait grandement réussi à la Juventus, avait été enrôlé par l'Inter moyennant un salaire mirobolant avec un seul objectif : gagner un titre qui fuyait le club depuis des années. «Une chose est certaine : Lippi comptait sur moi. La preuve : il me parlait beaucoup, m'incitait sans cesse à travailler et ne cessait de me répéter : «Toi, tu peux être le futur Laurent Blanc.» Il aurait pu prendre comme référence un défenseur italien, mais il m'a cité sciemment un joueur français pour me motiver car, à l'époque, j'étais dans les sélections françaises de jeunes.» Ce discours ne pouvait que galvaniser le petit yahia, désireux de devenir un grand dans le pays des grands défenseurs. Il avait même pris la place de Di Biaggio Lors de l'été 2000, Yahia est même pris pour le stage de préparation d'intersaison. «Une preuve que Lippi comptait réellement sur moi : lors du dernier match de préparation, il m'avait titularisé au poste de milieu défensif à la place de Di Biaggio, international à l'époque, et j'avais joué toute la rencontre.» Malheureusement pour le défenseur algérien, l'espoir n'allait durer que l'espace d'une semaine, celle du premier match de la saison. Il avait été convoqué, mais l'Inter ayant été défait, Lippi a quitté le club. «Lui parti, je n'ai jamais plus eu ma chance. Son successeur, Marco Tardelli, comptait beaucoup plus sur les joueurs expérimentés. C'était un choix et je l'ai respecté.» Du coup, durant la saison 2000-2001, il a passé plus de temps avec l'équipe réserve, entraînée par le frère de Franco Baresi, aujourd'hui adjoint de Jose Mourinho à l'Inter. «L'Inter a été une excellente expérience pour moi. J'y ai assimilé les subtilités du jeu défensif, j'y ai acquis une très bonne culture tactique, j'y ai appris à parler l'italien et j'y ai rencontré un grand entraîneur, Marcello Lippi.» F. A-S. --------------------- Zoki, l'Italien chez qui il est roi Depuis maintenant deux ans qu'il vit à Bochum, Yahia a maintenant ses habitudes et ses repères. Il a aussi des «repaires» : le café Zentral pour prendre le thé (une boisson qu'il adore) et le restaurant italien Taverna Venizzianna où il se permet, de temps en temps, un petit dîner avec des amis ou des coéquipiers. «Dans ce restaurant, je me sens chez moi. D'ailleurs, c'est simple : je rentre souvent par la porte de service.» Et C'est vraiment le cas. A l'accueil, il y a ou bien le patron, Zoki, un Bosniaque ayant vécu en Italie avant de débarquer en Allemagne, ou bien le serveur, Paulo, un Portugais s'exprimant très bien en français. Polyglotte comme il l'est (il parle couramment le français, l'allemand, l'italien, l'espagnol et l'anglais, sans oublier l'arabe), Anthar peut s'exprimer dans la langue qu'il veut dans ce restaurant, avec une préférence pour l'italien avec Zoki. * Sasha se souvient de la cure aux épinards Le Venizzianna, c'est aussi le restaurant préféré de la majorité des joueurs et des membres des staffes du VfL Bochum. Le jour où nous avions rencontré Yahia, il y avait justement Sasha, l'un des kinés du club. C'était justement lui qui s'était occupé de lui lorsqu'il avait eu une déchirure musculaire avant le match contre l'Egypte. On se rappelle que le défenseur algérien avait été soumis à un traitement médical drastique à base d'épinards et c'était Sasha qui lui préparait les lotions. «Des épinards, il en avait ingurgité !», se rappelle-t-il en riant. «Je peux témoigner d'une chose : il était motivé à 100 % pour réussir sa guérison. Il se soignait même durant la nuit. J'ai rarement vu une telle détermination et un tel empressement à être remis sur pied.» En souvenir de sa fonction, Sasha a fait, sous les yeux rieurs de Zoki, un massage à Yahia pour lui détendre les muscles du cou. «Là, il est bon pour le service ! Il peut manger», décrète-il avec le sourire. * Il est chez lui même dans les cuisines Bien sûr, les repas prisés par Anthar sont incontournablement ceux des sportifs : salades, pâtes et riz. Parfois, il se permet une assiette de poisson, lorsque Zoki lui en fait la recommandation express, et à ce moment-là, il est servi comme un roi. «Lorsqu'on est loin des siens, on a besoin d'endroits pareils où on ressent une chaleur familiale. Je ressens cette chaleur lorsque je discute avec Zoki et Paulo.» Ces derniers ont appris, à travers lui, à aimer l'Algérie. Avant la rencontre contre l'Egypte, ils s'étaient tous mobilisés pour pouvoir suivre la rencontre. Et qui avait marqué ? Yahia, pardi ! Si le client est toujours roi, Yahia était devenu carrément un sultan ! Il l'est encore dans l'esprit de tous les travailleurs de ce sympathique restaurant où même les cuisiniers le connaissent et l'apprécient. D'ailleurs, avant de ressortir par la porte de service, il ne peut s'empêcher de faire un tour dans les cuisines, histoire d'humer les odeurs inégalées des spécialités méditerranéennes. Ciao ! F. A-S.