«J'ai programmé mes vacances à Ghazaouet pour suivre le Mondial avec la famille de ma mère.» «Arrache me parlait beaucoup de l'Algérie.» Joueur à Boulogne-sur-Mer, club évoluant en Ligue 2 et auquel il a été prêté par Eintracht Frankfurt, Habib Bellaïd est un défenseur central qui a roulé sa bosse dans le championnat français puisqu'il y a commencé à un jeune âge au sein du RC Strasbourg, club où il a fait le gros de sa formation et qui l'a révélé. De par le fait qu'il soit de mère algérienne, il est l'un des innombrables «sélectionnables» dont grouillent les différents championnats en France, avec la forte communauté émigrée qui y vit. Même si son père est d'origine tunisienne, il ne s'en cache pas : il est disposé à jouer pour les Verts. Vous êtes né en France où vous vivez, mais vous êtes de père algérien et de mère tunisienne. Comment vivez-vous ces trois cultures ? Avant de répondre à la question, permettez-moi de rectifier une erreur qui a beaucoup circulé : je suis de père tunisien et de mère algérienne, non pas l'inverse. Oui, je suis entre trois cultures et cela s'est très bien passé pour moi durant mon enfance et mon adolescence. Ce n'est que maintenant que je suis footballeur professionnel que le problème, si c'est vraiment un problème, se pose. Je pense que c'est surtout un dilemme, pas un problème : choisir un pays que je vais représenter. Pourquoi n'avez-vous pas fait un choix par le passé ? Parce que je pensais que je n'étais pas encore assez mûr. La Fédération tunisienne de football m'avait proposé de défendre les couleurs de la Tunisie il y a trois ans ou même un peu plus, mais à l'époque, je ne voulais pas trancher définitivement. J'étais, de surcroît, en sélection française Espoirs. N'est-ce pas peut-être parce que, dans un coin de votre tête, vous espériez une convocation en équipe de France A ? Croyez-moi, cela ne m'a jamais effleuré l'esprit. J'étais chez les Espoirs français afin de me faire un nom, pour soigner ma carte de visite. Je m'étais toujours dit que j'allais choisir définitivement un jour, mais je me suis rendu compte, depuis quelques mois, qu'il faudrait que ce jour vienne au plus vite. Mine de rien, j'aurai 24 ans dans quelques jours et ce n'est pas l'âge d'être un gamin. Je suis footballeur professionnel et, si je veux m'affirmer dans le haut niveau, je dois défendre les couleurs d'une sélection. Je me sens désormais prêt à le faire. Avez-vous choisi entre la Tunisie, pays de votre père, et l'Algérie, pays de votre mère ? Non, pas encore. Je ne veux pas choisir. Je répondrai favorablement au pays qui me sollicitera le premier. Ainsi, j'aurai la conscience tranquille. Est-ce une manière indirecte d'offrir tes services à la sélection algérienne, qui prépare la Coupe du monde ? Primo, je suis en train d'offrir mes services de manière directe et non pas indirecte. Secundo, je ne vise pas la participation au prochain Mondial comme objectif prioritaire. Dans ma tête, je serai en vacances à ce moment-là. Je suis prêt à défendre les couleurs algériennes, même si on m'appelle après la Coupe du monde. Donc, en plus clair, vous ne voulez pas passer pour un opportuniste qui se rappelle de son algérianité seulement parce qu'il y a un Mondial en perspective ? Pas du tout ! Je le dis haut et fort : je ne m'attends pas à être convoqué pour la Coupe du monde. Si cela se fait, tant mieux. Sinon, j'ai déjà préparé mes vacances que je passerai en Algérie et voir la Coupe du monde avec ma famille maternelle. Lorsque vous étiez chez les Espoirs français, y a-t-il des joueurs algériens que vous y avez croisés ? Il y a Djamel Abdoun, qui est aujourd'hui en sélection algérienne. Il était avec moi chez les Espoirs. D'ailleurs, je le connais depuis l'âge de 12 ans. Nous avons souvent joué l'un contre l'autre dans les jeunes catégories dans la banlieue de Paris (Bobigny, ville natale de Bellaïd, et Montreuil, celle de Abdoun, appartiennent au même département, la Seine-Saint-Denis, le 93, ndlr). Je suis heureux d'apprendre qu'il défend la sélection de son pays d'origine. En club, j'ai connu Salim Arrache et Yacine Bezzaz à Strasbourg. Au centre de formation de Strasbourg, j'avais côtoyé Karim Matmour. Il est né à Strasbourg, lui… Voilà ! Et nous avions fait une partie de notre formation ensemble. Avant cela, lorsque j'étais à l'INF de Clairefontaine, je me souviens d'avoir croisé Mourad Meghni. Il a trois années de plus que moi, mais je me souviens de lui. Donc, vous voyez que je connais des joueurs algériens. Parliez-vous avec eux de la sélection d'Algérie ? J'en parlais avec l'un d'eux seulement : Arrache. Nous parlions souvent de l'actualité de la sélection d'Algérie et der ses matchs. N'est-ce pas le fait que Abdoun ait rejoint l'Algérie qui vous a encouragé à essayer d'en faire de même ? Il y a un peu de ça, mais croyez bien que c'est une idée qui me trotte dans la tête depuis plusieurs mois. Il est temps pour moi de viser haut et faire honneur à ma famille. En parlant de votre famille, y a-t-il des taquineries entre le père et la mère sur le pays à choisir d'entre l'Algérie et la Tunisie ? Ah, oui ! On se chambre beaucoup ! Comme vous devez le deviner, ma famille paternelle me pousse à jouer pour la Tunisie et celle maternelle m'incite à choisir l'Algérie. Même mes amis d'enfance dans la banlieue de Paris sont partagés. Moi, je prends cela du bon côté. Je sais que quelle que soit la sélection qui fera appel à mes services, ma famille sera unie derrière moi. C'est sûrement avec un regard intéressé que vous avez dû suivre la dernière Coupe d'Afrique des nations où l'Algérie et la Tunisie étaient représentées… J'ai suivi la compétition avec un regard extérieur, en observateur. J'ai surtout regardé le match de l'Algérie contre l'Egypte. J'ai été affecté comme tous les Algériens par cet échec, mais il faut reconnaître que ce jour-là, les Egyptiens étaient plus forts. Vous jouez comme défenseur, c'est bien ça ? Oui, défenseur central et non pas comme défenseur latéral comme le croient certains. J'ai toujours joué dans l'axe de la défense. C'est le poste où je me sens le mieux. Quelle appréciation portez-vous sur les défenseurs centraux algériens Madjid Bougherra, Anthar Yahia et Rafik Halliche ? Ils sont excellents, vraiment. Yahia joue quand même à Bochum, en Bundesliga, et cela démontre l'étendue de son talent. Bougherra évolue dans le meilleur club d'Ecosse et a participé à la Ligue des champions, ce qui n'est pas rien. Quant à Halliche, que je ne connaissais pas avant, il a été une agréable découverte pour moi. Vraiment, ces trois là sont complémentaires. Cela vous tente-t-il de les rejoindre pour renforcer la défense centrale algérienne ? Ce serait un honneur d'évoluer à leurs côtés. Cependant, on n'en est pas encore là. Pour l'instant, je ne suis pas convoqué et je respecte cela. Si le sélectionneur me fait appel, je répondrai avec plaisir et avec la motivation de défendre crânement les couleurs de l'Algérie. Sinon, j'attendrai une éventuelle convocation ultérieure, après la Coupe du monde. De quelle région est originaire votre mère ? De l'Oranie, plus précisément de Ghazaouet. C'est dans la wilaya de Tlemcen… Oui, c'est ça. Vous est-il arrivé d'y aller ? Oui, bien sûr ! J'y suis déjà allé. Comme je vous l'ai dit plus haut, j'ai programmé d'y aller l'été prochain, afin de suivre là-bas la Coupe du monde. C'est vous dire que je ne me prends pas la tête. J'aimerais bien être au Mondial, mais si on ne m'appelle pas, je comprendrai et je n'en ferai pas un drame. Je suis encore jeune et il y aura inch'Allah d'autres occasions d'aller à la Coupe du monde. Avez-vous le passeport algérien ? Je ne l'ai pas encore fait, mais je peux l'avoir sans problème. Ma mère a toujours circulé avec le passeport algérien. De plus, ma petite sœur en a un. Donc, je ne pense pas que ce soit un problème pour moi de l'obtenir.
Le même cas que Aymen Demaï On se rappelle du cas de Aymen Demaï, joueur français dont le père est algérien et la mère est tunisienne. Longtemps, il n'avait pas voulu trancher en faveur d'une sélection, de crainte de froisser l'un de ses deux parents. Il avait décidé finalement de répondre à la convocation de la première sélection qui le sollicitera. C'est ainsi qu'en février de l'année dernière, il a porté les couleurs de la Tunisie, dont la fédération l'avait convoqué. Habib Bellaïd vit la même situation aujourd'hui, à la seule petite différence que c'est son père qui est tunisien et que c'est sa mère qui est algérienne. «Je comprends le dilemme qu'a vécu Demaï car je le vis actuellement. On aimerait tant faire plaisir à nos deux parents», estime Bellaïd.