«J'aime trop cette équipe d'Algérie, j'aime ce qu'elle représente et j'aime sa façon de jouer. J'ai le même caractère. Elle me ressemble beaucoup.» On est déjà étonné de vous entendre parler l'arabe correctement. C'est très normal dans ma famille. On nous appris à parler arabe depuis notre naissance. En plus, je suis tout le temps en contact avec les cousins du bled et je fréquente beaucoup les Algériens qui vivent en France ou en Espagne. Chez moi, tout le monde parle arabe, bien qu'on soit nés tous en France. Si vous voulez, je suis un «Algérien pratiquant». (Il se marre). Il paraît qu'il y a un souci avec votre date de naissance et votre nom… Oui, un petit souci, pas trop grave. A chaque fois qu'on parle de moi, je trouve soit mon nom faux, soit c'est la date de naissance. Et vous voulez les rectifier de manière définitive on suppose, c'est bien ça, non ? Oui. Alors je m'appelle Cherfa et non Chorfa, et puis je suis né le 24 février 1986 à Toulouse et non le 19 comme il a été écrit un peu partout. Voilà qui est fait ! Dans quelles conditions avez-vous passé votre enfance ? J'ai grandi dans le quartier des Minimes dans le centre-ville de Toulouse. C'est une cité avec pleins d'Africains et de blédards. Grâce à ma mère, hamdoullah, j'ai eu une bonne éducation qui m'a empêché de virer mal, comme bon nombre de mes amis d'enfance. J'aurais facilement pu faire les mêmes conneries, jusqu'au jour où j'ai intégré le centre de formation de TFC. Et vous aviez commencé où ? A Colomiers, une petite ville à côté de Toulouse. C'est là qu'on habitait avant. C'est là que j'avais été repéré par Toulouse, dans les moins de 16 ans. J'ai aussi eu des touches avec l'O. Marseille, Sochaux et Nantes. J'ai finalement choisi de rester pas loin de ma famille et j'ai opté pour Toulouse. Mais l'OM, ça ne se refuse pas, non ? Le choix a été familial en fait. Comme mon frère Sofiane est parti avant moi trop tôt à Monaco, il savait un peu ce qui m'attendait si je m'éloignais de la famille. Il savait que j'étais très proche de ma mère et il m'avait conseillé de rester à Toulouse qui est aussi un bon club en France. De plus, le centre de formation du TFC n'était pas loin de chez moi. Vous dormiez donc à la maison ? Oui, par la suite. Je suis resté une année et demie au centre, je partais juste les week-ends. Et puis, mes parents venaient me voir tout le temps. Je n'ai donc pas souffert comme les autres joueurs qui signent loin de leur famille. Si vous voulez, l'expérience vécue par mon grand frère m'a beaucoup aidé dans mon choix. Au centre de formation du TFC, il y avait qui avec vous ? Il y a beaucoup de joueurs qui jouent aujourd'hui au TFC, comme Fofana, Congré, Cheik M'Bengué, Tabanou… Y avait-il un Algérien avec vous ? Non, j'étais le seul Arabe de l'équipe. J'ai donc signé un contrat professionnel de trois ans au TFC, où j'ai connu de grands joueurs, comme le Camerounais Achile Emana et le Suédois Elmander. J'avais 19 ans et j'étais le remplaçant de Jeremy Mathieu qui joue actuellement en Liga espagnole, au FC Valence. J'étais toujours dans le groupe des 18 retenus, mais c'était difficile de jouer beaucoup de matchs lorsqu'on est remplaçant d'un joueur du niveau de Jeremy Mathieu. Mais à chaque fois qu'il avait un souci, j'ai pu jouer. C'est comme ça que j'ai réussi à faire quatre matchs en Ligue 1, avec plusieurs convocations dans les 18. Pour un jeune qui démarrait, c'était plutôt bien, non ? Oui, c'est sûr que c'est bien. Surtout qu'on m'avait mis en CFA, lorsque Erick Mombaerts était entraîneur. Il ne me faisait pas trop confiance. Ce n'est qu'une fois parti que j'ai pu jouer, avec Eli Baup. Lui, il m'avait tout de suite mis dans le bain. C'est lui qui m'a ouvert les portes de la Ligue 1. Il aime bien les joueurs africains qui vont au charbon, qui n'ont pas peur des contacts. Pourquoi être parti de Toulouse ? J'ai fait une saison en Ligue 1, avec peu de temps de jeu. J'ai donc préféré aller dans un club qui me donnerait l'occasion d'avoir des matchs dans les jambes. Il n'y a pas pire pour un jeune joueur de 20 ans, que de rester longtemps sans jouer. Il perd beaucoup en confiance et cela n'est pas bien pour quelqu'un qui est censé être meilleur que ceux de son âge qui n'ont pas pu signer de contrat professionnel. J'ai donc demandé à être prêté et c'est comme ça que je suis parti au FC Tours. Tours, qui jouait en National, mais qui avait un objectif précis… Oui, c'est ça. On jouait carrément l'accession en Ligue 2. Mais il n'y a pas que cela, car le FC Tours fait partie des clubs qui sont suivis régulièrement par les recruteurs étrangers. Et ceci est une chance ! C'est justement là que les dirigeants de Tarragona m'ont repéré. Finalement, ce n'est pas si mal que ça de jouer en National, non ? Pas tout à fait. Si on va dans un club sans ambition qui plus est inconnu des recruteurs comme étant un vivier de jeunes, on est sûr de faire le mauvais choix et de s'enterrer pour un bout de temps. La preuve, avec Tours, on était remontés en fin de saison en terminant 2es avec plusieurs points d'avance sur le 3e. Ça peut être un tremplin, si on tombe sur le bon club. Aujourd'hui, les clubs des Ligues 1 et 2 achètent de moins en moins. Ils font donc leur marché en National. Et c'est comme ça que des joueurs comme Ribéry et Valbuena ont saisi leur chance. Arrivé à Tarragona, c'était comment vos débuts ? Très difficiles puisque par malchance, je m'étais blessé en début de saison. Je suis donc resté ici sans jouer pendant quatre mois. Je ne parlais pas la langue, le coach ne me connaissait pas bien, puisqu'il ne m'avait pas vu jouer assez. On désespère dans ces moments-là ? Oui, carrément. Je me demandais ce que je faisais là et me disais pourquoi je n'étais pas resté en France. Mais ça n'a pas duré longtemps, hamdoullah. J'ai eu la chance d'avoir Pap Diop qui joue actuellement au Racing de Santander. Lui, c'est comme un frère pour moi. Il a été à mes côtés et c'est grâce à lui que j'ai pu m'accrocher. On était tout le temps ensemble. On a fait le Ramadhan ensemble, on priait ensemble… On s'entraidait et c'est comme ça que j'ai pu redémarrer. J'ai pu leur montrer par la suite ce que je valais et ils ont fini pas m'adopter et j'ai pu m'imposer comme titulaire. On dit que vous ne jouez plus depuis que le Deportivo la Corogne a voulu vous prendre, est-ce vrai ? J'étais titulaire à part entière et je jouais régulièrement. Et c'est comme ça que j'ai été contacté par le Deportivo La Corogne. Mais comme ça n'a pas abouti à la fin et que je n'avais pas renouvelé mon contrat, sur insistance des dirigeants, vous savez comment ça se passe dans ces cas. On vous met un peu à la cave pour vous faire oublier et c'est ce que je vivais avec l'ancien entraîneur. Vous le preniez mal ? C'est sûr que je le prenais mal. Car quand vous savez qu'on ne vous fait pas jouer pour des raisons extra-sportives qui n'ont rien à voir avec votre forme sur le terrain, forcément vous le vivez mal. J'en ai parlé avec le coach, mais on faisait la sourde oreille en essayant de m'expliquer que c'était des choix sportifs qui n'avaient rien à voir avec cette histoire du Deportivo. Mais tout le monde sait que c'est à cause de cela qu'on ne me laissait pas jouer. Où en êtes-vous justement avec le Deportivo La Corogne ? J'ai eu des contacts pendant une semaine avec les dirigeants du Deportivo. Ils ont discuté longuement avec mon agent et ils lui ont expliqué qu'ils étaient dans l'urgence, car ils avaient perdu, pour six mois, leur latéral gauche sur blessure et ils voulaient vite lui trouver un remplaçant et qu'ils m'avaient bien suivi depuis un moment et que leur choix s'était porté sur moi. Mais en même temps, ils suivaient aussi le latéral du Villarreal. Ils avaient donc contacté mon club pour finaliser avant le 1er février dernier. Il y a donc juste un mois ? Oui, c'est ça. Mon club était ouvert à toutes discussions, surtout que mon contrat expire en fin de saison. Par la suite, les dirigeants du Deportivo ont appris que la blessure de leur latéral gauche n'était pas aussi grave qu'ils le croyaient. Ils ont donc décidé d'attendre le rétablissement de leur joueur et d'éviter de faire des frais supplémentaires. C'est là que vos problèmes ont commencé avec le coach ? Oui, il m'a convoqué dans son bureau pour me demander si je voulais partir. Je lui ai répondu que je voulais rester à Tarragona jusqu'à la fin de la saison. Il m'avait dit : «Ok, c'est bon !» mais la semaine qui a suivi cette histoire de transfert au Deportivo, il ne m'avait même pas convoqué dans le groupe des 18, alors que je jouais titulaire avant ! Il vous a donc puni, c'est ça ? Voilà ! En gros, c'était une punition, du fait que j'aurais pu partir au Deportivo et laisser tomber l'équipe. Mais moi, je lui avais bien dit que je ne partirai jamais dans un autre club de Ligue 2 (Sugunda division, ndlr). Mais lorsqu'on a une offre d'un grand club, ça ne se refuse pas. Je lui ai dit : «Vous avez été footballeur et vous savez comment ça se passe. Quand ça se présente une fois, ça peut ne plus se présenter une seconde fois». Il m'a fait croire qu'il me comprenait et tout. Mais au final, il m'a mis à l'écart. Et depuis que vous ne jouez plus, l'équipe n'a plus gagné, non ? La réponse, c'est le terrain qui la donne toujours dans ce genre d'injustices. On était 6es et là on se retrouve 9es. Sur les quatre derniers matchs que je n'ai pas joués, on a fait un nul et trois défaites. Maintenant qu'il a été viré, vous dites : «Bon débarras» ? Non, parce que je ne suis pas comme ça. Je ne suis pas mal élevé pour dire cela. Ma mère ne m'a pas appris à réagir de la sorte. Je ne tire pas sur les ambulances. Vous savez, il m'a peut-être fait du mal, mais quand même ghadni chouiya. Il me fait de la peine malgré tout. Vous avez joué contre Kamel Ghilas en Espagne ? Oui, lorsqu'il jouait au Celta Vigo. Je l'ai affronté en aller-retour. On discutait toujours avant et à la fin du match. Vous le connaissiez personnellement ? Non, juste de nom. De son côté, il croyait que j'étais un Marocain. D'ailleurs beaucoup de gens le pensaient. Vous êtes originaire de quelle région en Algérie ? De Blida, le lieu qui a abrité les éliminatoires… Ça vous a certainement fait quelque chose de voir les Verts jouer à Tchaker. On se dit quoi à ce moment ? Je me disais que ça se passait chez moi et je ne jouais pas ! Vous n'aviez jamais pensé assister à un match de l'EN à Tchaker ? Si, j'aurais été volontiers comme tous les supporteurs, mais le problème est que j'avais un programme qui ne me le permettait pas tout simplement. Je suis naturellement un grand supporteur de l'Equipe nationale. Vous avez regardé tous les matchs ? Oui, pratiquement tous. J'allais chez Ahcène et on regardait ensemble. Lorsqu'ils avaient joué le dernier match au Soudan, Ahcène et sa femme ont dû aller s'excuser auprès de leurs voisins le lendemain, en leur expliquant le pourquoi de tous ces cris la veille. J'étais tout simplement incontrôlable ! Votre nom a été cité à maintes reprises au sein de la FAF et on parle même d'une visite de Rabah Saâdane à Tarragone pour vous superviser. Qu'est-ce que ça vous fait ? C'est un grand honneur de savoir que j'intéresse M. Saâdane. Je suis déjà reconnaissant pour cet intérêt qu'il a pour moi. L'Equipe nationale est un rêve d'enfance. Je suis déjà un grand supporteur des Verts. Si je venais à décrocher une place dans ce groupe, je serai l'homme le plus heureux de l'univers. Il n'y a pas le moindre doute. A vrai dire, je suis prêt à tuer pour jouer avec l'EN (il rigole). J'aime trop cette équipe, j'aime ce qu'elle représente et j'aime sa façon de jouer. J'ai le même caractère. Elle me ressemble beaucoup. Quels contacts avez-vous avec l'Algérie ? Je suis Algérien à 1000 %, bien que beaucoup me prennent pour un Marocain. Je descends au bled au moins une à deux fois par an. J'y retourne volontiers dès que j'ai la moindre occasion. Vous connaissez les joueurs de l'Equipe nationale ? Bien évidemment ! Je suis déjà un grand supporteur de l'EN. J'ai donc suivi tous les matchs comme tout le monde. Je connais tous les joueurs de l'équipe. C'est peut-être eux qui ne me connaissent pas encore. Et quel est votre préféré ? Sur le terrain, je les préfère tous. De Chaouchi et Gaouaoui, à Ziani et Mansouri, en passant par les défenseurs Bougherra et Halliche. Mais il y a en effet un joueur que j'apprécie un peu plus que les autres. C'est qui ? … A suivre…