Zetchi : «Lorsque j'avais révélé le projet, des présidents de club m'avaient ri au nez» Un jeu algérien à une ou deux touches de balles, alerte, avec des dribbles utiles, des passes à l'aveugle et des buts bien construits, ça vous dit ? Alors, inutile de vous replonger dons vos souvenirs de jeunesse (pour les quadragénaires et plus) ou de guetter les rediffusions des matches épiques de nos différentes sélections des années 70 et 80. A présent, ce spectacle est disponible en réel grâce à 16 bambins dans le plus âgé va boucler ses 15 ans dans quelques jours. Ce sont les élèves de l'Académie de football du Paradou AC, créée en partenariat avec Jean-Marc Guillou et sa société éponyme spécialisée dans la formation de joueurs partout dans le monde. Leurs prestations livrées chaque jeudi soir attirent de plus en plus de spectateurs. Comme lorsqu'un bon produit se fait remarquer sur le marché, le produit «beau football» disponible au stade de Hydra a connu une promotion grandissante par le bouche-à-oreille jusqu'à devenir un épiphénomène de société.
Entraînements et matches pieds nus et sans gardien de but C'est quoi donc ce produit si prisé ? Il s'agit tout simplement d'un football académique (c'est bien le cas de le dire) et léché, pratiqué par des gosses issus d'un processus de sélection long et rigoureux qui a touché des milliers d'enfants à travers le territoire national et formés sous la houlette d'Olivier Guillou, neveu de Jean-Marc Guillou, suivant une méthodologie scientifique. «Vous serez grands si vous savez rester petits» est une célèbre citation de Guillou adoptée comme devise de l'Académie. Les joueurs jouent et s'entraînent pieds nus, sans gardien de but, ce qui ne fait que pimenter le spectacle offert chaque semaine. Les joueurs sont tenus de jouer collectivement et celui qui garde trop le ballon ou s'adonne à des dribbles inutiles est sorti du terrain comme sanction pédagogique. De même, chaque faute commise délibérément, surtout s'il s'agit d'antijeu, vaut à son auteur d'être sorti du terrain.
Des adversaires plus âgés sont ridiculisés Tout cela donne un jeu spectaculaire et efficace qui enchante les foules. Des foules qui viennent de tous les quartiers d'Alger supporters de tous les clubs, mais dont le dénominateur commun est l'envie de se reconnaître dans un football dont ils sont sevrés depuis longtemps. Chaque enchaînement collectif est salué par des «olé !», chaque but est fêté par des fumigènes. «Au départ, nous jouions contre des équipes minimes, pour avoir des vis-à-vis du même âge, mais les scores étaient tellement fleuves (il y eut même un 31-1 !) que nous avons décidé de jouer contre des cadets», explique Djamel Aïch, l'entraîneur adjoint. Les adversaires, bien que plus âgés et d'un plus grand gabarit, se sont succédé et leur sort a été semblable : des défaites cuisantes. Le NARBR, le CRB, le MCA, l'ASMO et autre USMB ont tous été ridiculisés, voire humiliés, que ce soit dans le jeu ou dans le résultat. La dernière équipe à avoir pris une valise a été la JSK, étrillée jeudi passé 6-2. Seuls les cadets du CSC ont pu battre l'Académie, non sans avoir eu recours à la ruse : voyant qu'ils ne pouvaient pas tromper leur adversaire sur des actions construites, ils ont inscrit trois buts sur des lobs de loin, sachant que les «Académiciens» jouent sans gardien de but (3-2). C'était un soir où les bambins ont manqué de réussite, avec notamment deux penalties ratés.
«L'Académie l'Académie ! Tous les clubs périmés !» Tout petits qu'ils sont, les joueurs de l'Académie progressent à une vitesse hallucinante sur tous les plans : pressing, récupération du ballon, organisation sur le terrain, soutien au porteur du ballon, décalages... Cela donne un régal pour les puristes et constitue un cauchemar pour les adversaires. Les spectateurs présents au stade de Hydra aussi bien que les nombreux supporters ne s'y trompent pas en devenant carrément supporters et en scandant «L'Académie l'Académie ! JSK périmée !», comme ils avaient scandé avant «CRB périmé», «MCA périmé» ou «USMB périmée». Tout le système de formation a été rendu périmé et caduc par une expérience révolutionnaire qui n'arrête pas de faire parler. F. A-S.
Zetchi : «Qu'ils soient Abramovich ou Serrar, les acquéreurs doivent ramener le chéquier»
En voyant chaque jeudi une foule envahir les gradins du stade de Hydra pour suivre des matches de l'Académie du PAC, ne vous dites-vous pas qu'un grand pas a été franchi depuis que l'idée de créer cette Académie a germé ? C'est certain. Cela fait maintenant un an et demi que nous travaillons et c'est une satisfaction de voir que cela commence à porter ses fruits, ne serait-ce que sur le plan de l'intérêt suscité auprès du public. Cette présence massive de spectateurs chaque jeudi est symptomatique du désir des gens de voir quelque chose de beau et de sain. Cet épiphénomène de l'Académie du Paradou devrait faire l'objet d'études de sociologues car le fait que des personnes viennent de tous les quartiers d'Alger pour voir des gosses jouer des matches d'exhibition seulement et pas des matches officiels nous poussent à nous poser une question : que cherche l'Algérien ? La réponse est simple : il cherche du football propre et sain, chose qu'il ne trouve plus par les temps qui courent dans nos stades. Cet après-midi (entretien réalisé jeudi passé en soirée, ndlr), j'ai voulu suivre à la télévision la rencontre MCEE-JSK. Au bout d'un quart d'heure, j'ai failli m'endormir. Il en est de même lorsque j'assiste aux matches des seniors du PAC : je m'ennuie souvent. La bouffée d'oxygène vient de ces petits gosses qui jouent avec insouciance et qui font rêver les gens.
A terme, ces très jeunes footballeurs sont-ils destinés à être vendus à des clubs étrangers ? Je n'aime pas le terme «vendre» car il ne s'agit pas d'une marchandise. Ce sont des enfants que nous avons le devoir et même l'obligation juridique de protéger. Non seulement ils sont protégés par un contrat, mais ils tomberont à partir de mars sous la loi de la protection des footballeurs mineurs adoptée par la FIFA le 28 octobre dernier. Il n'est donc pas question de vendre ces joueurs comme une marchandise. Pourtant, l'un d'eux, Abdallah El Moudene, intéresse un grand club anglais. Le laisserez-vous partir ? Ce qui est certain, c'est qu'il ne partira pas avant d'avoir acquis sa majorité. Et puis, n'oubliez pas que tous ces joueurs sont encore en formation. Là, ils s'entraînent et jouent pieds nus. Ils ne mettront les souliers qu'au bout de trois ans de formation pour commencer les compétitions officielles avec nos équipes de jeunes.
Et si, au bout de leur formation et une fois qu'ils auront fait leurs preuves, ils étaient sollicités par des présidents de clubs algériens, les leur céderiez-vous ? Oui, mais que ce soit Abramovich ou Serrar, il faudra qu'ils ramènent avec eux le chéquier ! Si nous, nous travaillons, ce n'est pas pour que d'autres récoltent gratis le fruit de notre travail. Lorsque vous aviez révélé le projet de créer l'Académie, y a-t-il eu des présidents de club qui vous avaient ri au nez ? Il n'y a eu que ça ! De nombreux présidents m'avaient ri au nez en me disant que c'est un projet farfelu et que c'est une perte d'argent. Je laisse les observateurs juger du résultat.
Sincèrement, la recette est-elle si secrète ? Combien vous coûte la gestion de l'Académie ? Nous venons tout juste de faire le bilan de l'exercice précédent. Le budget avoisine les 10 millions de dinars. 10 millions de dinars, cela veut dire 1 milliard de centimes, soit le montant de la prime de signature d'une prétendue «star» en Algérie... Même pas ! Aujourd'hui, des joueurs touchent plus de 1 milliard rien que pour signer, sans compter leurs salaires et leurs primes de match. Le tout pour un spectacle souvent affligeant. Les clubs de l'élite ne peuvent-ils pas mettre 1 milliard chaque année pour bien former des gosses ? C'est à la portée de tout le monde, surtout les grands clubs. Il suffit juste d'une méthodologie, comme celle apportée par Jean-Marc Guillou, et d'un suivi rationnel. La recette est donc simple.
Un proverbe dit : «Pour vivre heureux, vivons cachés». Le fait que le PAC soit un club plutôt «anonyme» et peu médiatisé a-t-il contribué à faire réussir l'expérience en évitant les jalousies et les coups bas ? Je tiens à préciser, en passant, que si le PAC est considéré comme «anonyme», c'est parce qu'il n'a jamais eu un stade propre où recevoir ses adversaires, ce qui l'a empêché de fidéliser une galerie. Cela dit, je ne veux pas vivre caché pour être heureux et je ne suis pas égoïste pour monopoliser l'expérience. J'espère de tout cur que dans chaque région d'Algérie, dans chaque club, il y ait une académie de footballeurs. Mon rêve est que l'Académie du PAC affronte l'Académie de la JSK, l'Académie de l'ESS ou l'Académie du MCO. C'est comme ça que le football algérien avancera. Entretien réalisé par Farid Aït Saâda