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Domenech : «Mon scénario ? Faire sortir Zidane sous les ovations de 2 milliards de téléspectateurs»
Publié dans Le Buteur le 16 - 06 - 2009


«Je n'ai pas compris pourquoi Meriem s'est éteint»
«Il faut accepter Zizou avec ses bons et ses mauvais côtés»
«Ca m'énerve d'entendre quelqu'un me dire : “Je ne l'ai pas fait exprès“»
«Je n'ai pas compris pourquoi Meriem s'est “éteint“»
«J'ai déjà choisi l'hôtel pour le Mondial et je compte y mettre les pieds»
On le dit hautain, distant, pince-sans-rire, mais qu'il plaise ou qu'il déplaise, il ne laisse jamais indifférent. Raymond Domenech, sélectionneur de l'équipe de France, a parfois eu des rapports difficiles avec les médias, notamment ceux de son pays, parce qu'on le dit anticonformiste dans ses déclarations, mais nous avons découvert dans son bureau à la Fédération française de football, où il nous a reçus, un homme très communicatif, chaleureux et attachant qui, loin de la pression entourant la proximité de matches officiels, nous a surpris par sa lucidité et sa franchise. Dans cette interview qu'il nous a accordée, dont nous publions aujourd'hui la première partie, il apporte son témoignage sur l'actualité du football français et sur ses relations avec des footballeurs algériens ou d'origine algérienne.
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On se rappelle de votre fameuse phrase en 2006 «Rendez-vous le 9 juillet !», allusion faite à la date du déroulement de la finale de la Coupe du monde. Aujourd'hui qu'il existe des doutes chez certains quant à la capacité de la France de se qualifier pour la Coupe du monde, vous avez été récemment en Afrique du Sud pour d'ores et déjà repérer le lieu de résidence de l'équipe de France. Quel est le secret de votre optimisme ?
Ce sont des choses qui ne s'expliquent pas. Il y a des choses qu'on ressent, des intuitions. Moi, je ne me posais même pas la question : en 2006, j'étais sûr qu'on allait en finale. Je ne sais pas comment l'expliquer… C'était écrit, voilà ! On se dit qu'on est touché par quelque chose. Mais ça n'a rien à voir avec la préparation. Six mois avant d'être qualifiés pour le Mondial-2006, on a été en Allemagne afin de choisir les hôtels. Tous les pays le font. Tous les pays organisés vont voir les hôtels parce qu'on n'est pas sûrs après de trouver les bonnes conditions. Il vaut mieux être les premiers, d'autant plus qu'il y a la Coupe des Confédérations avec déjà pas mal de pays qui viennent. Donc, il fallait mieux y aller avant pour commencer à voir. ça, c'est du travail professionnel. Cela n'a rien à voir avec 2006 et l'intuition d'aller en finale.
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Cependant, on sait que, même si vous étiez en ce moment dernier de votre groupe, vous le feriez car vous ne renoncez jamais…
Etre professionnel, c'est ça. On ne laisse rien au hasard. On essaye de construire quelque chose pour ce qu'on croit et ce pour quoi on se bat arrive, c'est-à-dire aller en Coupe du monde. Moi, si j'attends d'être qualifié au mois d'octobre ou au mois de novembre pour aller choisir un hôtel, j'aurais l'impression que je n'aurais pas fait mon travail et qu'on aura saboté quelque chose parce qu'on prendra ce qui restera. Donc, nous ne serions pas dans les meilleures conditions.
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Lors du Mondial-2006, il y a eu des débuts difficiles pour la France, puis une tournure théâtrale avec une équipe conquérante sur la fin, mais qui est battue suite à un coup de théâtre. Là, vous êtes en train de vivre presque la même chose en éliminatoires. Sachant que, dans la vie, vous êtes un grand amateur de théâtre, peut-on dire que vous appréciez ce genre scénarios ?
A vrai dire, j'aurais aimé écrire tout seul la fin de l'histoire (rires). Une Coupe du monde, avec un début qui donne l'impression d'être plus laborieux, mais qui se met en place et qui permet de se préparer, c'est logique. C'est rare, très rare, de voir des équipes flamboyantes au premier tour gagner une Coupe du monde. Le Brésil a dû le faire une fois en gagnant tranquille, mais c'est très rare.
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Il y a deux exemples récurrents : l'Espagne et la République tchèque qui se qualifient toujours en fanfare lors des phases qualificatives, mais qui trouvent des difficultés lors des phases finales…
Il y a également les Pays-Bas. Il y a des exemples comme ça où il n'est pas évident de construire et de préparer. Il faut aussi un coup de pouce du destin, car quand on n'est pas bien, on peut se faire accrocher. C'était le cas de l'équipe de France en 2002 (au Japon et en Corée du Sud, ndlr). Si elle avait passé lors du match du Danemark, avec un Zidane revenant petit à petit de sa blessure, on ne sait pas ce qui se serait passé. ça se joue à rien.
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Il faut donc être prêt le jour J ?
Il faut être prêt sur la période cruciale des derniers tours. Une Coupe du monde se joue sur un mois, mais il faut être présent les dix premiers jours et s'imposer lors des dix derniers, car si on n'est pas présent lors des dix premiers jours, on est mort et le reste du temps ne sert plus à rien.
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Vous qui avez à présent l'expérience de l'équipe de France, des phases éliminatoires, de l'état d'esprit, des compétitions, des adversaires, comment expliquez-vous les débuts difficiles de votre sélection lors de cette phase qualificative pour le Mondial-2010 ? C'est quoi, le couac ?
Ce n'est pas un couac. L'équipe de France s'est retrouvée dans une phase de restructuration après une période où il y a eu des monstres qui ont duré jusqu'à devenir recordmen des sélections. Il y a un renouvellement net. A un certain moment, on avait une génération âgée et, tout d'un coup, des jeunes parce que les autres n'avaient eu ni le temps ni la possibilité de s'installer et de se mettre en place. La génération intermédiaire n'a pas suffisamment d'expérience et les jeunes qui sont arrivés n'étaient pas prêts. Je l'ai dit et annoncé, mais les gens ne veulent pas comprendre ce qu'exige le niveau d'une Coupe du monde ou d'un championnat d'Europe. La moindre imperfection, la moindre faiblesse, la moindre incertitude fait qu'on passe à travers. ça se joue à rien. Lorsqu'on a une équipe en phase de construction, on ne gagne pas un championnat d'Europe et on ne gagne pas une Coupe du monde. Quelles étaient les équipes qui avaient animé la finale de la dernière Coupe du monde ? La France et l'Italie, soit les deux équipes les plus vieilles de la compétition. L'Espagne avait disputé le Mondial-2006 avec une ossature plus jeune et nous l'avions éliminée. Avec le temps, elle a pris un coup de vieux et elle est allée derrière gagner le championnat d'Europe. Une équipe, ça se construit. Elle ne se fait pas comme ça, d'un coup de baguette magique en se disant : «On est les meilleurs et on va gagner.»
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Avant les retours de Makelele, Zidane et Thuram en 2005, des jeunes avaient été lancés, mais l'équipe de France ne marchait pas bien, alors que cette fois-ci, il y a des jeunes et ça marche mieux. Comment l'expliquez-vous ? Est-ce parce que vous avez su tirer les leçons du passé ?
Je crois qu'il y a une erreur d'interprétation chez beaucoup de gens. La première année, en 2004, sans Zidane, Thuram et Makelele, nous étions toujours en phase de nous qualifier ! Cela ne valait pas la peine qu'ils reviennent si nous étions déjà éliminés. C'est sûr que les jeunes qui avaient été incorporés à ce moment-là n'ont pas été flamboyants, mais ils étaient toujours dans la course. Ce qui se serait passé durant les qualifications si les trois autres n'étaient pas revenus, on ne le sait pas. On ne le sait pas ! L'effectif que j'avais géré à ce moment-là était une jeune génération de joueurs qui ont fait ce qu'on pouvait attendre de mieux. Ils avaient remplacé plus de monde que l'effectif actuel, mais ils ont fait de leur mieux sans nous mettre en difficulté majeure.
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Doit-on comprendre, par là, que les retours de Thuram, Makelele et Zidane n'ont pas été décisifs ?
On ne sait pas. En fait, ces retours ont été décisifs car lorsqu'on récupère les trois meilleurs joueurs européens à leurs postes, qui jouaient l'un à la Juventus, l'autre à Chelsea et l'autre au Real Madrid, on est costauds. Moi, j'ai été content et heureux et j'avais dit que j'avais, cette année-là, fait un recrutement exceptionnel. Je me dis donc bravo. Ils ont apporté un plus. Mais ce que je dis, c'est que, s'ils n'avaient pas été là, on ne sait pas ce qui se serait passé. Je ne sais pas comment auraient évolué ceux qui ont pris leurs places. Je suppose qu'ils auraient évolué, mais est-ce qu'ils auraient atteint le même niveau que les autres ? Je ne le sais pas.
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On connaît Zidane le joueur, mais pouvez-vous nous parler de Zidane l'homme, vous qui avez la sensibilité pour percevoir le fond d'une personne ?
Moi, je l'avais déjà eu déjà avec les Espoirs. Il a toujours été le même. Zizou n'est pas quelqu'un qui parle beaucoup. Il a une forme d'aura. On le regarde un peu en se disant : “Qu'est-ce qu'il va dire ? Qu'est-ce qu'il va faire ?“ Ces gens-là n'ont pas besoin de parler normalement. Leur exemple, leur contact et deux ou trois mots suffisent largement. Ce n'était pas quelqu'un qui faisait des romans.
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Pour quelqu'un d'aussi introverti et peu loquace, le geste qu'il avait fait en finale de Coupe du monde 2006 (coup de boule contre Materazzi, ndlr) vous avait-il surpris de sa part ? Avez-vous découvert, en l'occasion, une facette de l'homme que vous ne connaissiez pas ?
Eh bien non ! Zizou avait eu la Coupe du monde en 1998 en ayant fait ce genre de mésaventure (il avait marché sur un joueur de l'Arabie Saoudite en phase des poules, ndlr). C'est lui, ça. On accepte les gens tels qu'ils sont. On les prend ainsi ou on ne les prend pas. Moi, je prends Zizou avec ce qu'il a, avec ce qu'il est, avec ce qu'il a apporté à l'équipe et ce qu'il est capable de faire. On ne peut découper les gens en disant : «Je prends les bons côtés et ce qui me dérange, je ne le prends pas.» Il est fait comme ça et on le prend en entier ou on ne le prend pas. Moi, je l'ai pris.
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Des gens ont fait porter le chapeau de la défaite en finale à Zidane. Croyez-vous que s'il était resté sur le terrain, la France aurait pu gagner le match avant les tirs au but ?
(Après un moment de réflexion) Je ne le sais pas… Je ne le sais pas ! Je n'ai qu'un regret, un vrai, et je le dis souvent : le scénario que j'avais écrit moi n'était pas tout à fait celui-là. Mon scénario est qu'à cinq minutes de la fin, on menait et c'était moi qui sortais Zidane sous les ovations du public et de 2 milliards de téléspectateurs.
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Vous comptiez donc lui réserver une sortie de roi ?
Oui, c'était ça mon scénario. C'était comme ça que c'était écrit pour moi.
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C'était donc pour cela que vous n'aviez effectué que deux remplacements seulement au lieu de trois avant l'expulsion de Zidane ? Le troisième remplacement, c'était lui ?
(Il acquiesce de la tête). Je le voyais comme ça. C'était le couronnement total de tout ce qu'il avait fait, de toute sa carrière. Cela devait être exceptionnel.
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Il y a eu une image qui a fait le tour du monde : Zidane se dirigeant vers le vestiaire en passant à côté de la Coupe du monde, posée sur un socle, et vous, fixant le terrain sans aucun regard pour lui. Etait-ce la marque de votre déception de ne pas avoir accompli le scénario tel que vous l'aviez écrit ?
Non. C'était juste qu'il restait encore du temps de jeu et je suis resté concentré sur ce qui se passait sur le terrain. Pour moi, quand quelque chose est finie, c'est fini. Quand quelqu'un est absent du terrain parce qu'il est suspendu, blessé ou expulsé, je n'y pense plus. Ce qui compte, ce sont ceux qui sont encore sur le terrain. Je pensais à la manière de construire quelque chose avec ce que j'avais pour gagner la Coupe du monde. C'était ça, l'idée. Je ne pensais pas à autre chose à ce moment-là.
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A la fin du match, lorsque tout était terminé, lui avez-vous fait des reproches ?
Non.
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Parce que vous l'acceptez comme il est ?
Parce que les reproches, ça ne sert à rien. Le truc est fait. Il l'a vécu, ça s'est passé et c'est comme ça. Le reproche ne servirait à rien. C'est fait. Moi, je suis dans l'après. Les excuses, les reproches, ce sont des choses qui m'irritent toujours. J'ai horreur des gens qui disent : «Excuse-moi.» J'ai ma fille qui a 5 ans. Après qu'elle commet une bêtise, elle s'excuse. Je lui dis : «Au lieu de t'excuser, ne le fais pas.»
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Vous lui demandez donc plutôt de se rattraper et de faire en sorte de se racheter ?
Non, pas du tout car il y a des choses qui ne sont pas rattrapables. Une fois que c'est fait, c'est fait. Les gamins font tomber quelque chose et le cassent, puis disent : «Je ne l'ai pas fait exprès.»Heureusement qu'ils ne l'ont pas fait exprès ! Il ne manquerait plus que ça ! Il n'y a pas que des gamins qui le disent. Cela a le don de m'énerver. C'est pour cela que je ne rentre jamais dans cette histoire d'excuses et de reproches. Si le mec sent qu'il a fait un truc qui ne lui va pas et qu'il a envie de présenter des excuses, il le fait et ce n'est pas à moi de le lui demander. Cela ne me concerne pas. Ce qui est important pour moi est ce qu'il a fait sur le terrain et ce qui compte pour le jeu.
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Pour les qualifications à la prochaine Coupe du monde, êtes-vous de ceux qui croient que la première place du groupe, qualificative directement, se jouera lors de Serbie-France ?
Ce qui compte pour moi, c'est la qualification. Cela va commencer par le match aux Iles Féroé, car si nous ne battons pas les Iles Féroé, nous serons mal, et si nous ne gagnons pas contre la Roumanie après, nous serons mal et le match face à la Serbie ne servirait strictement à rien. Même si nous battons la Serbie, si nous ferons les c… derrière face aux Iles Féroé et l'Autriche, cela n'aura servi à rien. C'est donc cinq matches, cinq finales qui se jouent. Si nous perdons un de ces matches, nous sommes éliminés.
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Vous croyez obtenir la première place, directement qualificative au Mondial, sans passer les barrages ?
Je m'en f… ! Pour moi, ce qui compte, c'est d'y être. Les moyens importent peu. Nous allons jouer chaque match pour le gagner, en se disant : «Celui-là est décisif. Si on le perd, on est mal.» C'est tout. L'objectif, c'est de mettre les pieds dans l'hôtel que nous avons choisi (rires).
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C'est toujours valorisant pour un sélectionneur d'être à une Coupe du monde, mais la prochaine édition vous tient-elle plus à cœur du fait qu'elle se déroulera pour la première fois dans un pays d'Afrique ?
Moi, je suis un mondialiste. C'est bien que ça change et que ça bouge, c'est bien que ça se passe en Afrique. Je suis allé en Afrique du Sud, c'est un pays magnifique. Cependant, je n'en fais pas une fixation. Le football se développe partout en Afrique. Je suis content que ce ne soit pas toujours les mêmes qui le fassent et que le football ait vraiment cette vocation d'universalité, mais je ne fais pas cocorico parce que ça se déroule en Afrique du Sud. Aujourd'hui, c'est là, après ce sera au Brésil, après je ne sais pas où, peut-être en Angleterre… C'est une Coupe du monde et, quel que soit l'endroit où elle se déroule, c'est magnifique à faire. C'est une ambiance exceptionnelle et les gens sont heureux. On a l'impression que les gens y vont déjà pour faire la fête, quels que soient leurs espoirs de gagner ou de perdre. C'est généralement une période où il fait beau. Je ne sais pas si ce sera le cas l'année prochaine, dans l'hémisphère sud (rires). Il faudrait peut-être penser à ça : quand le Mondial se déroule dans l'hémisphère sud, il faudrait peut-être l'organiser au mois de janvier pour que ça change et qu'on préserve le même esprit. Ce qu'on a vécu en Allemagne, c'était extraordinaire ! Les gens qui m'en parlent me disent qu'au-delà des matches, ils étaient dans des restaurants, dans des bars, dans la rue, ils parlaient avec des personnes d'autres cultures et d'autres races. Un tel événement rassemble les gens. C'est ça, une Coupe du monde !
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C'est un peu les jeux Olympiques du foot…
C'est plus que les jeux Olympiques, mais c'est vrai que c'est ça : un rassemblement de bonheur. Tous les gens viennent pour ça.
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Lorsque vous avez été sélectionneur des Espoirs, vous avez eu sous votre responsabilité des joueurs qui ont ensuite joué chez les A. Ces joueurs ont-ils tous évolué suivant vos prévisions ?
Il y en a qui ont bien évolué. Si à 22 ou 23 ans, des joueurs sont les meilleurs de leur génération, on se dit qu'il y a des chances qu'ils continuent. Après, cela dépend de ce qu'ils vont faire, des clubs où ils vont jouer, du travail qu'ils vont effectuer, des entraîneurs qu'ils vont rencontrer. Quand un joueur joue régulièrement en Espoirs et que son équipe joue régulièrement les phases finales des championnats d'Europe, on sait bien qu'il a des chances d'aller plus haut. On ne se trompe pas beaucoup dans ces cas-là. Si on est agent, on peut les prendre en étant sûr de gagner de l'argent. Ce n'est pas un pari. C'est déjà écrit. Cependant, il y en a qui passent à travers parce qu'ils jouent au c…
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Il y en a justement deux qui étaient promis à un bel avenir et qui sont passés à travers : Antony Le Tallec et Camel Meriem. Ce dernier a même été annoncé comme le futur Zidane, mais il n'a cumulé que trois sélections…
Trois sélections où il avait d'ailleurs été très bon. Il était entré dans des matches et il a été à chaque fois très, très bon.
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Pourquoi quelqu'un comme Meriem s'est-il «éteint» ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas à la place des joueurs. Il y a leur vécu, ce qui se passe autour d'eux, ce qu'ils ont à l'intérieur, leur mental. La concurrence est toujours plus forte et il faut résister et être costaud. Je ne peux pas dire pourquoi certains ne sont pas devenus des internationaux confirmés.
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Il y a l'exemple inverse, celui de joueurs qui s'imposent en sélection sur le tard, comme c'est le cas de Makelele, Savidan ou Gignac en sélection de France. Est-ce le genre de joueurs qui ne se révèlent qu'en seniors ?
D'abord, Gignac n'est pas si vieux que ça. Savidan, en revanche, est plus vieux et c'est un exemple de ceux qui se révèlent sur le tard. Quant à Makelele, même s'il n'a pas été de la campagne de la Coupe du monde de 1998, il était dans la présélection et il avait fait tous les stages. Son problème est qu'il y avait trois monstres à son poste à l'époque : Deschamps, Petit et Karembeu. Vous savez, il y a des joueurs qui s'affirment en saisissant des opportunités comme l'absence ou la blessure de certains coéquipiers et il y en a d'autres qui sont très bons, mais qui sont bloqués par la présence de meilleurs qu'eux. Je peux vous citer un exemple de ma génération : à l'époque, celui qui voulait jouer arrière droit à Nîmes était mal parti puisqu'il y avait Kabile qui a joué pendant 15 ans à ce poste ! Il a tué toutes les générations qui arrivaient. Pourtant, Kabile avait une licence amateur et il avait signé au départ pour un an seulement, mais on lui renouvelait chaque année. Lorsqu'il a eu 30 ans, à chaque fin de saison, on se disait «Cette fois-ci, il va arrêter», mais il n'arrêtait pas ! Il a joué 15 ans et il a tué ainsi quelques espoirs. Il y a aussi cela dans une carrière : un joueur moyen peut trouver l'opportunité pour se faire une place et un autre plein de talent se voit bloqué par quelqu'un d'autre. Il faut donc des compétences, des qualités, mais aussi un brin de chance et un coup du destin.
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Parlons du football africain. Pensez-vous que le niveau élevé atteint par certaines sélections est dû au fait que des footballeurs africains s'exilent en Europe jeunes pour s'aguerrir au sein des grands clubs ?
On peut dire que nous avons vécu la même chose en France. L'équipe de France de 1998 était une équipe d'expatriés. Je crois que le fait d'avoir des joueurs qui évoluent dans les grands clubs européens est un plus pour tout le monde. On ne peut pas inverser la chose en disant : «Ce serait bien que les clubs africains soient de grands clubs gardent leurs joueurs et importent des joueurs européens.» Cela dit, pourquoi pas ? Si, un jour, les clubs africains se structurent, montrent des capacités et font quelque chose, pourquoi ? Pourquoi serait-il inéluctable que des jeunes Africains soient obligés d'aller en Europe pour progresser ? Moi, je prends le sujet autrement : si les clubs africains s'organisent et se structurent, il n'y a aucune raison pour que la tendance ne s'inverse pas.
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La tendance était justement inversée durant les années 1980 où, par exemple, les sélections d'Algérie et du Cameroun qui avaient tenu tête respectivement à la RFA et à l'Italie, futurs finalistes de la Coupe du monde, étaient composées majoritairement de joueurs formés en Algérie et au Cameroun, alors que c'est le contraire de nos jours...
C'est pour des raisons économiques évidentes. Un joueur qui part jouer en Angleterre, en Allemagne, en Italie ou en France gagnera plus d'argent que s'il reste dans on club en Afrique. C'est la première raison. Après, c'est l'engrenage. Les grands clubs attirent les meilleurs joueurs car ils ont plus de moyens et c'est ensuite difficile d'arrêter la machine. Tout le monde veut aller jouer au Real Madrid, à Manchester ou au Bayern Munich.
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Actuellement, la sélection algérienne renferme plusieurs joueurs formés au sein de clubs français. Pensez-vous que c'est une chance pour elle, surtout que le contexte politique difficile que l'Algérie avait vécu il y a quelques années avait freiné la formation au niveau local ?
Etre obligé de se faire former ses meilleurs joueurs à l'étranger, je ne crois pas que ce soit une chance. Je préfèrerais que l'Algérie fasse ce qu'elle faisait à une certaine période et forme ses joueurs. Moi, j'en ai connu quelques-uns et ils étaient de classe internationale, comme Salah Assad que j'ai eu comme joueur à Mulhouse. C'est des joueurs qui auraient pu jouer dans n'importe quel club européen. La vraie chance, c'est d'avoir ça et non pas d'être obligé d'attendre de récupérer des joueurs nés en France, et qui sont donc Français, pour former une équipe algérienne. Cela me dérange un peu. Je ne parle pas pour l'Algérie uniquement. C'est également le cas pour la Côte d'Ivoire, le Cameroun et plusieurs autres pays africains. Pour moi, la priorité pour un joueur né en France et formé par un club français est de jouer pour l'équipe de France. Cependant, si ce joueur arrive à un certain âge et n'est pas sélectionné par l'équipe de France, là il pourra penser à jouer pour son pays d'origine. Je prends pour exemple Frédéric Kanouté qui était en sélection de France Espoirs avec moi et qui, arrivé à l'âge de 24 ou 25 ans, n'a pas été pris dans la sélection A et il est donc parti défendre les couleurs de son pays d'origine, le Cameroun, ce qu'il fait d'ailleurs très bien. C'est une option intéressante. Dans un cas comme celui de Kanouté, personne n'est lésé : ni le pays formateur, ni le joueur, ni le pays qui le récupère.
*
Justement, la FIFA va examiner au cours de son congrès qu'elle tient à Nassau, aux Bahamas, un projet de loi permettant à tout joueur n'ayant pas joué dans une sélection nationale A de pouvoir évoluer dans la sélection de son pays d'origine, quel que soit son âge (entretien réalisé avant l'adoption du projet de loi par la FIFA, ndlr). Soutenez-vous un tel projet de loi ?
Puisque ce projet permet de supprimer la règle de l'âge limite pour le choix d'une sélection fixé à 21 ans, je vote tout de suite ! Je me suis battu pour ça. J'ai même envoyé un courrier à Blatter (le président de la FIFA) pour lui expliquer que cette règle de 21 ans est une aberration. Nous avons eu l'exemple d'un joueur d'origine tunisienne de Toulouse qui était international Espoirs en France, mais qui n'a aucune chance de jouer avec les A. C'était à l'époque où Roger Lemerre était sélectionneur. Il a raté l'occasion de jouer pour la Tunisie à cause de cette règle. Il avait envoyé une requête dans ce sens à la FIFA et ça s'était joué à un jour près. Le cachet d'envoi a été apposé au lendemain du jour de son 21e anniversaire. A cause de ce retard d'un jour, sa requête avait été refusée. Ainsi, il ne peut pas être sélectionné en Tunisie et il ne sera jamais sélectionné en A en France. C'est pour ça que je dis que le mec qui a inventé cette règle de 21 ans, il faut lui mettre un coup de fusil car il pénalise tout le monde. Là, en supprimant la limite d'âge, on permet à un joueur d'avoir le temps de la réflexion. Un joueur de 20 ou 21 ans doit se dire : «J'ai peut-être la possibilité de jouer en équipe de France, mais je n'en suis pas sûr.» Ainsi, il va se laisser le temps pour choisir. Avec la règle des 21 ans, on lui met le couteau ici (il montre son cou du doigt, ndlr) et on lui dit : «Choisis ! Et si tu ne choisis pas, tu es mort et tu n'es plus rien !» C'est dramatique.
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Il y a trois joueurs que l'Algérie pourra récupérer une fois que le projet de loi sera adopté : Hassan Yebda (Benfica), Mourad Meghni (Lazio) et Djamel Abdoun (Nantes)...
Je vote pour ! J'y suis favorable car cela peut relancer la carrière de joueurs comme Yebda ou Meghni. En jouant en sélection, ils auront une impulsion. Ce sont des joueurs de talent, quand même ! Ils ont été champions du monde à 17 ans, ce ne sont pas des pipes ! Puisqu'ils ne peuvent pas jouer en équipe de France et qu'ils ont une double origine, ce serait c… qu'ils ne l'utilisent pas. Là, tout le monde sera content. Vraiment, je trouve cette nouvelle règle superbe. C'est l'ancienne règle qui était aberrante.
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Cette nouvelle loi a été initiée, promue et défendue par l'Algérie, à travers le président de la Fédération algérienne de football…
… C'est très bien et je l'applaudis…
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… Mais ce même président a déclaré, dans une émission sur la télévision algérienne, que les résistances pour l'adoption du projet de loi provenaient de quelques pays européens, notamment la France…
C'est un gag ! Le vrai problème, c'est cette échéance de 21 ans qui ne laisse plus aux joueurs la possibilité de prendre leur temps. Je le dis toujours : s'il y avait eu cette règle-là il y a 15 ans, Zidane n'aurait peut-être pas joué pour la France. Lorsqu'il est devenu international A, il avait 22 ans, les mecs ont tendance à l'oublier. Si, à 21 ans, on lui avait dit qu'il pouvait faire la Coupe du monde et les jeux Olympiques avec l'Algérie, qu'aurait-il choisi ?
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Certainement l'Algérie et la France l'aurait perdu…
Complètement. Des pays comme la France, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, au sein desquels vivent de nombreux citoyens d'origine étrangère, doivent s'ouvrir à eux et prendre les meilleurs, de quelque origine qu'ils soient. Je pense qu'ils auront très envie de jouer en équipe de France ou en équipe d'Allemagne. Après, ceux qui ne peuvent pas le faire, on n'a pas le droit de les bloquer. Si on le fait, ce serait une injustice.
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Si on vous comprend bien, vous préconisez de laisser le joueur choisir la sélection qu'il veut défendre sereinement, sans aucune pression et sans date-butoir ?
Oui, et là, son choix sera réfléchi et définitif. Je connais peu de sélectionneurs qui vont faire jouer quelqu'un dans un match qualificatif s'il n'est pas bon. On ne va prendre le risque de le prendre en disant : «Je vais le faire jouer 5 ou 10 minutes. Je le prends déjà dans le groupe, même s'il n'est pas bon.» Si on le fait, on est malhonnête. Ce ne sera pas mon cas. Jamais.
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Justement, il y a des gens à la Fédération sénégalaise de football qui pensent que vous aviez sélectionné Gomis uniquement pour le «ferrer» et l'empêcher de jouer pour la sélection du Sénégal…
Quoi ? Gomis, je l'ai fait jouer à l'Euro ! Alors, les reproches, merci ! Si je l'avais pris pour un match contre les Iles Féroé où l'on mène par 4-0 ou 5-0 et je le fais rentrer pour cinq minutes, là on pourra me faire le reproche de l'avoir plombé. Or, je ne l'ai jamais fait. Gomis a participé à des matches durant l'Euro-2008. Donc, je croyais en ce joueur et j'y crois toujours. Je ne l'ai pas fait pour l'enlever aux autres. C'est un mauvais procès qu'on me fait.
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Il vous est également reproché d'avoir sélectionné Adil Rami en A' afin de le soustraire à la sélection du Maroc…
Il a été pris en A' certes, mais je ne l'ai jamais pris en équipe A et il n'a jamais joué de match officiel avec la France. Donc, il est toujours libre.
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C'est donc lui qui ne veut pas jouer pour le Maroc et qui a délibérément choisi la France ?
Oui. Lui a envie de jouer en équipe de France et je pense qu'il en a les moyens. C'est ce que je lui ai dit. C'est un bon joueur, c'est à lui de montrer ses capacités et c'est à lui de choisir. Je n'ai jamais choisi à leur place. Je n'ai jamais mis la guillotine sur le coup du mec pour le forcer à choisir la France. Jamais. Cela dit, Adil n'est jamais passé par les sélections françaises de jeunes. Il a donc cet avantage pour choisir librement, sans limite d'âge. Alors, qu'on ne me fasse pas de mauvais procès. Je n'ai fait ça qu'une fois dans ma vie, une seule fois. C'était lorsque j'étais sélectionneur des Espoirs. C'est d'ailleurs le regret de ma vie. Je ne citerai ni le nom du joueur ni ceux des personnes qui m'avaient demandé de le faire. On m'avait expliqué que c'était bien pour son club. Ils m'avaient poussé, poussé et poussé et j'ai fini par le faire (un silence). Mais je ne le sentais pas. Le joueur n'a pas pu jouer dans la sélection de son pays - c'était un joueur africain - et son club l'avait viré une année après. Voilà. Je l'ai toujours là, au fond de l'estomac.
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Vous ne voulez citer ni le nom de ce joueur ni le nom de son club, mais pouvez-vous au moins citer le nom de son pays d'origine ?
Non plus.
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Lequel des joueurs africains ayant été formés en France, et qui évolue dans une sélection africaine, auriez-vous aimé avoir en sélection de France ?
Il y a un nom qui me vient en tête et qui est au-dessus du lot par rapport aux autres : Didier Drogba. Je serai abruti de dire qu'il n'aurait pas joué en équipe de France. Il pourrait même y jouer à l'heure actuelle. Il a fait sa formation en France et, à quelques mois près, cela aurait pu se faire. Là, il fait une belle carrière avec son club et son pays d'origine. Tant mieux pour lui ! C'est vrai que, des fois, on se dit que c'est dommage pour la France.
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Lorsque vous étiez footballeur dans le championnat de France, avez-vous croisé des joueurs algériens ?
J'ai joué avec «Mousse» Dahleb au Paris-Saint-Germain. D'ailleurs, c'est lui qui avait fait mon déménagement lorsque j'étais parti de PSG vers Bordeaux. Il était joueur et il était déjà dans les affaires (rire). C'est un mec extraordinaire. Il est plein d'humour, malin comme un singe, à l'image d'ailleurs de son jeu : on croit qu'il va gauche et il dribble pour aller à droite. C'était un magicien du ballon. Je pense que dans les affaires il doit être pareil (rires). C'est vraiment un mec sympa. J'ai passé un an avec lui au club et c'est celui avec qui j'ai le plus sympathisé.
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Vous avez cité Salah Assad comme un joueur de classe internationale que vous avez eu sous votre responsabilité à Mulhouse. Qu'est-ce qui vous plaisait en lui ?
C'était un génie ! Sa vitesse, son pied gauche… Vraiment, c'est le type de joueur qui aurait pu faire une grande carrière dans tous les grands clubs européens. Dommage que, lorsqu'il était venu au PSG, il était blessé et il a souffert par la suite de blessures à répétition. Mais quel talent ! Il savait tout faire. Avec son équipe, il faisait ce que fait actuellement Cristiano Ronaldo : il dribblait, il tirait, il sautait pour disputer les balles aériennes. Lorsqu'il était dans son jour, il était insaisissable. Je me rappelle d'un match où il avait fait un geste fou, qui n'était pas à son honneur, pour dire vrai, puisqu'il se moquait de l'adversaire : il était près de notre banc de touche, il a dribblé un joueur, l'a passé, puis est revenu en marche arrière et il nous a salué avec des signes de la main avant de repartir ! Je lui ai dit : «Salah, t'as pas le droit de faire ça.» C'était fou. Non, mais Assad, c'est quelqu'un d'adorable.
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Est-ce après avoir eu Assad dans votre équipe que vous avez compris pourquoi l'Algérie avait battu la RFA lors du Mondial-82 ?
Je n'ai pas attendu d'avoir Assad pour le comprendre. J'ai vu jouer l'équipe d'Algérie. C'était une équipe exceptionnelle ! Comment s'appelait leur avant-centre ?
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Djamel Zidane, un homonyme de Zinédine Zidane.
C'est Zidane qui jouait toujours ? Il y en avait un autre, je crois…
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Contre la RFA, c'est Zidane qui avait joué, mais il avait Bensaoula comme doublure, un attaquant qui avait joué un certain temps au Havre.
Voilà, c'est Bensaoula. Je me souviens très bien de lui. Mais quelle équipe ! Avec deux génies sur les côtés, Madjer et Assad.
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Sur les onze titulaires face à la RFA, seulement quatre jouaient en Europe : Mansouri, Kourichi, Dahleb et Zidane. Les autres jouaient dans le championnat algérien.
Cela prouve que c'est possible de former en Algérie. Les gens sur place, dans votre pays, devraient s'en souvenir. On peut travailler sur place, on peut trouver de bons joueurs. Lorsqu'on se balade dans les pays du Maghreb et qu'on voit le potentiel qui existe là-bas, on se dit : ce n'est pas possible. Ils peuvent être champions du monde ! Les pays du Maghreb, c'est comme le Brésil. Il y a des talents dans toutes les générations.
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L'Algérie aurait pu peut-être être championne du monde, n'était le résultat arrangé du match entre la RFA et l'Autriche. Invité de notre journal lors de la cérémonie de remise du Ballon d'Or au meilleur footballeur algérien de la saison passée, Harald Schumacher avait présenté solennellement ses excuses aux Algériens. Pensez-vous que l'Algérie aurait pu aller loin durant ce Mondial-là ?
Le problème avec ces poules à quatre équipes est toujours le même : quand on dépend des autres, on est mort. Dans ce cas, il ne faut pas se plaindre après. Quelque part, c'est dramatique. Je suis d'accord que c'était une injustice, mais c'est le lot de ceux qui n'ont pas leur destin entre leurs mains. Quel intérêt avaient les deux autres à se battre alors qu'ils étaient qualifiés tous les deux et que s'il y avait un autre but de marqué, c'était l'Algérie qui passait ? Ce n'était pas fait contre l'Algérie. Cela s'était fait avant. C'est vrai qu'après la victoire des Algériens face à la RFA et avec la superbe équipe qu'ils avaient, ça avait fait mal à tout le monde qu'ils ne passent pas, mais c'est le lot des poules à quatre. Quand on n'a pas fait ce qu'il faut et qu'on dépend des autres, on est mal. Je me rappelle que lors du Mondial-2006, à la fin de notre match face à la Corée du Sud, j'ai dit aux joueurs : «Cela dépend de nous. Nous ne sommes pas encore qualifiés, mais nous ne sommes pas mal car il nous suffit de battre le Togo 2-0.» Donc, notre qualification dépendait de nous et non pas des autres. Tant que nous gagnions 2-0, les autres feraient ce qu'ils voulaient, nous passerions. C'est cela la loi : il faut faire ce qu'il fallait avant et avoir les clefs. Pour en revenir à RFA-Autriche, c'est vrai que cela faisait mal. C'est la valeur de l'équipe d'Algérie qui a fait que c'était scandaleux.
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Que pensez-vous du recul qu'a connu le football algérien, même s'il y a une amélioration sensible ces derniers temps ?
Je ne vis pas dans ce pays et je ne peux donc pas me permettre de porter un jugement. Cependant, c'est dommage qu'un pays qui possède autant de talents n'occupe pas en permanence la position de l'une des trois ou quatre meilleures équipes africaines à cause de l'absence d'une politique de formation. On le regrette, tout comme on le regrette chez certains autres pays africains et européens où il y a aussi des hauts et des bas. Je ne suis pas juge de ça. Cela arrive. Il faudra retenir les leçons de ce qui s'est passé et dire ce qui a bien marché et ce qui a mal marché. C'est ce que j'ai fait entre la Coupe du monde et l'Euro.
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Pouvons-nous avoir votre appréciation sur les joueurs algériens évoluant en Ligue 1 ?
Je n'aime pas donner des appréciations individuelles car ce serait tomber dans le jeu des comparaisons. Ce serait une manière indirecte d'influer sur le choix du sélectionneur de l'Algérie et je ne veux pas.
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C'est une sorte de solidarité entre sélectionneurs ?
Un peu, oui (rire). Franchement, autant je réponds à toutes les questions lorsqu'il s'agit d'équipes ou de politiques sportives, autant je ne réponds jamais aux questions qui concernent les joueurs, sauf les miens.
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Pouvons-nous au moins avoir votre appréciation sur le parcours de Karim Ziani, par exemple, avec l'Olympique de Marseille cette saison ?
C'est la même question posée autrement (rire). Non, je n'y répondrai pas car, quelque part, en parlant d'un joueur, je me risque forcément de porter préjudice à un autre joueur. Donc, je préfère m'en abstenir.
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Quelle équipe ou quelle sélection auriez-vous aimé entraîner, l'équipe de France mise à part ?
Pourquoi m'enlevez-vous le choix de l'équipe de France alors que c'est la seule que je veux entraîner (sourire) ? Je suis bien à la tête de l'équipe de France et mon rêve et de remporter avec elle la Coupe du monde. Je ne suis intéressé par aucune autre sélection et aucune autre équipe. Cela dit, au plan affectif, j'aime bien le Barça. Mon père est catalan et je me rappelle d'une fois, lorsque j'étais gosse, où il m'avait emmené au Camp Nou. Nous étions tout au haut, dans la tribune supérieure. J'étais contre la barrière et j'avais le vertige. J'avais peur et je disais : «Qu'est-ce qu'on fait ici ?» C'est un souvenir d'enfance qui m'a marqué. Je n'aime pas à Barcelone seulement le club. J'aime aussi la ville et toute la région. Sinon, mon seul amour est l'équipe de France.
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Etes-vous favorable pour un match Algérie-France ?
(Il sourit) Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j'appelle ce match de mes vœux. Je souhaite ardemment un tel match pour des raisons qui me sont propres et que je vous révèlerai un jour.
Entretien réalisé à Paris par
Farid Aït Saâda


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