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Les confidences de Lacen : «Ma famille n'a rien à voir avec les harkis !»
Publié dans Le Buteur le 20 - 03 - 2010


«Voilà ce qu'on s'est dit Mansouri et moi»
Lorsqu'on discute avec Medhi Lacen, on est toujours étonné de recevoir autant de sincérité, autant de spontanéité de la part d'un homme qui donne l'impression d'être distant et réservé. A vrai dire, Medhi est très loin de l'image qu'on peut avoir de lui avant de l'approcher. Ce qu'il nous a confié dans la présente interview qu'il nous a accordée autour d'un repas à Santander est très révélateur de la bonté de son âme et de la droiture de ses propos. «Je serai très gêné de voir Mansouri sur le banc et moi sur le terrain si je vais au Mondial !»
«Quel joueur serait assez fou pour donner des remords à son coach s'il le faisait jouer à la place d'un ancien ?»
Quel joueur fou pourrait annoncer cela publiquement, à moins de 90 jours du début du rêve suprême que constitue la Coupe du monde de football ? Qui oserait tenter le diable en faisant germer de la sorte la graine des remords dans la tête d'un sélectionneur qui est loin d'avoir fait un choix définitif quant à la composante de l'équipe qu'il va présenter en Afrique du Sud ? Oui, qui pourrait pousser son coach à décider de se passer de lui dans un Mondial, au prétexte que son rival s'y trouve déjà depuis plus de dix ans et qu'il porte avec fierté le brassard de capitaine ?
«Je ne veux pas fairesemblant d'ignorer les conséquences de ma titularisation !»
Dans un monde aussi égoïste que celui du football, il n'y a qu'un désaxé comme Medhi Lacen qui est capable d'un tel altruisme, d'une telle générosité et d'une telle franchise ! «Je ne veux pas faire semblant d'ignorer les conséquences de ma titularisation sur la carrière de mes coéquipiers, à commencer par mes concurrents directs», nous a-t-il asséné calmement, comme si le sujet n'avait rien de fragile.
Une discussion tout en sincérité !
Lors de cette rencontre avec lui, Medhi Lacen s'est lâché un peu plus que la dernière fois. Cette fois, il parlait en connaissance de cause. Il parlait d'une équipe, d'un pays et d'un public qu'il connaissait mieux l'autre jour. On a donc discuté librement, calmement, sans tension. Et surtout, sans jouer au journaliste et au joueur qui se livrent à un bras de fer pour faire échouer le vis-à-vis, sans se soucier de savoir qui de nous deux allait donner la meilleure réplique à l'autre. On a parlé amicalement, simplement et en toute sincérité. Voilà ce qu'il en est ressorti, en espérant qu'on n'a pas trahi le fond de sa pensée. Appréciez, l'échange !
*
Medhi, les supporters algériens s'inquiètent de ne plus vous voir titulaire à Santander depuis votre première sélection en équipe d'Algérie. Que se passe-t-il au juste ?
Au cours de ce match Algérie- Serbie, j'ai été blessé à un orteil du pied gauche. Je souffre en fait d'une fissure qui n'est pas encore complètement guérie. C'est pour cela que le coach m'a fait jouer que quelques minutes à Valence puis face à Saragosse à domicile.
*
Qu'est-ce qui a changé dans votre quotidien, après votre première sélection avec les Verts ?
Pas grand-chose, à part que mon téléphone n'arrête plus de sonner avec souvent comme indicatif le 00 213… (Il rigole).
*
Cette partie algérienne de votre vie ne s'est-elle pas manifestée un peu plus depuis ?
Intérieurement, je n'ai pas attendu ma première sélection pour ressentir l'Algérie en moi. Je le suis depuis ma naissance et je le resterai jusqu'à mon dernier souffle de vie. Maintenant, c'est vrai que depuis ce match contre la Serbie, les gens provenant du Maghreb me sollicitent plus souvent. D'ailleurs, c'est encore pire chez mes parents.
*
Comment ça ?
Eh bien, ils m'ont dit que tout le quartier s'est mis au rythme de l'équipe d'Algérie depuis ma première sélection avec les Verts. Certains Maghrébins sont allés manifester leur joie avec des drapeaux algériens, sous la fenêtre de notre appartement à Versailles. Ils ont chanté longuement les chansons de l'équipe d'Algérie dans une ambiance incroyable. Mes parents n'en revenaient pas !
*
Mais comment réagissez-vous à toute cette effervescence ?
Sincèrement, moi je suis loin de tout ça ! Je ne me sens pas concerné par cette effervescence comme vous dites. Ce n'est pas dans mes habitudes de scruter ce qui se dit ou se fait autour de moi.
*
Mais Medhi, vous ne pouvez pas être loin de tout cela, puisque c'est vous le premier concerné par le Mondial, pas votre famille, non ?
Mais je ne suis même pas sûr de jouer le Mondial ! Ce n'est pas moi qui décide de cela, c'est le sélectionneur national. Je me contente pour ma part de donner le meilleur de moi-même sur le terrain, mais sans donner plus d'importance qu'il n'en faut à ce qui se dit ou s'écrit à mon sujet. Je ne suis pas du genre à m'enflammer lorsqu'un journal écrit une belle page sur moi. Ce n'est pas dans ma nature de faire ça. Si vous voulez, je ne suis pratiquement jamais impressionné par ce qui se passe en dehors du terrain.
*
Mais si demain vous signez au Barça ou au Real, vous réagiriez comment ?
Je serai content, pas plus. Ce n'est pas un profil que j'essaie de donner de moi-même, mais c'est ma vraie nature. Je suis comme ça, peut-être un peu différent par rapport à ce qu'on a l'habitude de voir, mais c'est comme ça que je suis et pas autrement. Si vous voulez, mon frère ou mon père pourrait aller taper mon nom sur Google pour voir ce qui s'est dit à mon sujet, mais pas moi. Je ne le fais jamais. Tout ce qui se dit sur moi ne m'attire pas.
*
Franchement, vous n'avez jamais tapé votre nom sur Google pour lire ce qu'on dit de vous ?
Oui, je l'ai déjà fait au début, mais plus maintenant. Si j'y vais aujourd'hui, c'est que mes parents ou mon frère ont lu quelque chose de vraiment intéressant à mon sujet et qu'ils veulent que je le lise. Autrement, c'est vraiment loin de moi toutes ces choses. Je ne me lève pas tous les matins pour taper Medhi Lacen sur Internet afin de voir ce qui se dit sur moi.
*
On est un peu tenté par moments, non ?
Si je dis que je l'ai déjà fait, c'est que j'ai été tenté effectivement. Mais je veux dire que ce n'est pas une habitude, je ne vis pas pour cela, je ne joue pas au football pour lire ce qu'on a dit de moi. Si je joue bien ou pas bien, je suis sûr de le savoir une fois de retour dans le vestiaire. C'est le meilleur indicatif. C'est le coach qui fait l'équipe, pas les journalistes ou les Internautes.
*
C'est quand la dernière fois que vous l'avez fait ? Et ne nous dites pas qu'il y a 3 ou 4 ans de cela !
Trois ou quatre ans en arrière, il n'y avait rien sur moi ni dans les journaux, ni sur Internet. (Il rigole). Par exemple, le lendemain du match contre la Serbie, je n'ai pas sauté sur les journaux pour lire ce qu'on a écrit sur moi en Algérie. Je n'ai pas lu les journaux. Le seul journal que j'ai pris, c'est Le Buteur.
*
C'est tout à notre honneur !
C'est Walid (Sadi) qui me l'a donné quand on a été visiter le siège de la fédération et qu'on a pris la route pour aller à l'aéroport. Tous les autres journaux, je ne les ai même pas consultés. Je ne sais vraiment rien de ce qui s'est dit sur moi après ma première sélection. Quelqu'un d'autre aurait été curieux de le savoir, mais pas moi. Même en rentrant chez moi en Espagne, je n'ai pas été sur Internet pour lire ce qui a été dit sur moi. Je ne ressens pas le besoin de le faire. C'est bizarre, non ?
*
C'est sûr que c'est bizarre, c'est à vous d'en prendre compte !
Oui, je sais que c'est bizarre, parce qu'il y a beaucoup de joueurs qui le font systématiquement après n'importe quel match. Soit ils achètent une pile de journaux, soit ils courent vers Internet pour savoir ce qui a été dit sur leur prestation. Mais moi, je n'en éprouve pas le besoin. Et c'est cela que je trouve bizarre chez moi. Mais je ne dis pas que je n'achète jamais de journaux, il m'arrive de le faire comme tout le monde, c'est sûr ; sauf que ce n'est pas un grand besoin dans ma vie. En plus ici à Santander, c'est un journal local qui sort. Ce n'est pas le journal national que toute l'Espagne va lire, comme As ou Marca.
*
Et si on vous disait que As ou Marca ont publié une belle page sur Medhi Lacen, vous l'achèteriez ?
Franchement, je l'achèterai, mais vous savez pourquoi ? Pour le donner à mes parents ! Je sais que ça leur fera plaisir de lire des trucs comme ça sur moi. En plus, ma mère garde tous les articles des journaux qui parlent de moi. Tous les ans, elle réunit les articles qui parlent de moi dans un book qu'elle garde. Je suis content qu'elle le fasse, mais moi, je ne le ferai pas.
*
Vous l'auriez fait pour votre fils, s'il devenait pro ?
Je lui demanderais d'abord et s'il le voulait bien, je le lui ferais sans souci. Mais ma mère, a aujourd'hui du mal à le faire. Surtout depuis que «ça a chauffé» médiatiquement au sujet de ma sélection avec les Verts. Il y a eu trop d'articles sur moi. En fait, quand je rentre chez mes parents, je prends le book que m'a fait ma mère et je le consulte avec plaisir. C'est là que je me rends compte que j'ai raté 80% de ce qui a été écrit à mon sujet. Et puis, ma mère ne trie pas les articles. Elle prend les bons et les mauvais à mon sujet et elle les garde.
*
D'où vous vient ce côté d'humilité extrême qui vous fait fuir les lumières des stars ?
Je ne saurais vous dire d'où ça vient. Si vous voulez, je sais que je suis un joueur professionnel et je suis fier de jouer dans la Liga. Quand un gamin ou un adulte me demande de lui signer un autographe ou que je prenne une photo avec lui, je m'exécute volontiers, le plus normalement du monde, car je me dis que c'est le jeu qui le veut. Mais à aucun moment je ne me prends pour une star. Je garde toujours beaucoup de recul par rapport à ce côté-là de mon métier de footballeur. Si vous voulez, je joue le jeu, sans me prendre trop au sérieux, car je sais que le plus important est d'assurer mon rôle sur le terrain, pas ailleurs. Peut-être que je ne me rends pas compte encore assez pour l'instant ? Je ne sais pas…
*
Votre frère joue au même poste que vous. Pensez-vous qu'il a les moyens de jouer pro un jour ?
Je ne sais pas. Moi, je suis passé par un centre de formation. A 14 ans, j'étais déjà dans le centre de Laval. Ce qui n'est ps le cas pour lui. Par contre, je sais qu'il joue assez bien au ballon, mais lui, ce qui l'intéresse le plus, c'est de devenir entraîneur. Ça fait déjà un bon moment qu'il est dedans. Là, je sais qu'il a beaucoup de chance de réussir. Il est sérieux dans son travail et il se passionne pour ce qu'il fait.
*
Qu'est-ce que vous retenez avec du recul de votre premier séjour en Algérie ?
Tout s'est passé très bien au sein de l'équipe. Personne ne m'a fait ressentir que j'étais indésirable. J'ai beaucoup apprécié mon séjour et ma rencontre avec le staff technique et les joueurs. Franchement, ça a été parfait à tous les niveaux, sauf pour la défaite, bien sûr. Mais j'aurais bien aimé visiter un peu plus Alger. J'espère en avoir l'occasion la prochaine fois.
*
Vous aimeriez aller voir un peu le village natal de votre grand-père, en Algérie ?
Oui, j'ai bien l'intention de le faire un jour. Après, le jour où ça va se faire, je n'aimerais pas que ça soit ébruité et que les journalistes me suivent avec une caméra. Je veux que ça reste très intime et discret. C'est un côté qui appartient à ma famille, pas à tout le monde.
*
Le jour où vous vous y rendrez, vous irez voir au moins les voisins et les proches de vos cousins ?
Oui, avec plaisir. Je sais que ça fera plaisir aux enfants et aux jeunes de voir un footballeur professionnel qui joue en plus en Equipe nationale débarquer dans leur village. J'irai à leur rencontre volontiers. C'est la moindres des choses que je puisse leur donner. Je ne suis pas avare de contacts. Je dis juste que ça doit rester intime, loin des médias pour que ça soit authentique. Je ne voudrais pas faire cela pour qu'on écrive quelque chose du genre : «Après plusieurs années, Medhi Lacen retrouve sa famille et la terre de ses origines !» Ce sera un élan du cœur très sincère. Je ne veux pas que ça soit artificiel. C'est trop personnel, trop intime. Vous voyez ce que je veux dire ?
*
Lorsque vous voyiez Zidane parler de ses parents, de sa famille et de ses origines, ça vous intéressait tout autant que votre vie privée intéresse aujourd'hui les supporteurs des Verts, non ?
Oui, mais là, on parle de Zinédine Zidane ! Qui suis-je moi pour intéresser les gens ?
*
Vous avez joué pour l'Algérie et pas Zidane ! Pour beaucoup d'Algériens, vous êtes plus intéressant que lui actuellement. Vous comprenez cela ?
(Il rigole). Le problème, c'est que je ne trouve pas cela très normal ! C'est pour cela que je donne l'impression d'être un peu décalé par rapport à ce que tout le monde pense.
*
Mais votre histoire avec l'Algérie, celle de toute votre famille, est ce qu'il y a de plus intéressant, vous l'admettez ?
Oui, j'en conviens. Je sais que ce n'est pas une histoire ordinaire et dans ce sens, je peux facilement comprendre qu'on veuille s'y intéresser. C'est vrai que ce n'est pas facile d'en parler. C'est un peu compliqué. Un jour, j'en parlerai en détails, mais pas aujourd'hui.
*
Vous donnerez le vrai nom de votre famille et tous les détails de votre histoire ?
Déjà que cette histoire appartient plus à mon père qu'à moi. C'est avec son consentement que j'en parlerai, ça c'est sûr et certain.
*
Les gens comprendront enfin que votre famille n'a rien à voir avec les harkis ou une quelconque histoire louche, n'est-ce pas ?
On a raconté beaucoup de conneries au sujet de notre famille et de nos origines. Si ça peut calmer certains, ma famille n'a rien à voir avec les harkis. Mon père ça fait trente ans qu'il pouvait retourner au bled pour voir sa famille. Personne ne pouvait l'en empêcher. Il est déjà retourné à Alger à l'occasion du match du 3 mars contre la Serbie. Maintenant, il lui reste à aller voir la famille quand il le décidera. Je sais qu'il le fera dans pas longtemps. Je ne sais pas quand, mais il le fera, ça c'est sûr. C'est très important pour lui.
*
Vous comprenez qu'en Algérie on vienne de partout pour faire la photo avec vous ?
Oui, c'est sûr que je les comprends et j'en suis même fier. Mais je me dis que c'est parce qu'il y a eu toutes ces histoires avant au sujet de ma venue et toutes les incertitudes qui avaient entouré ma sélection, que le public a été aussi curieux de savoir si je venais ou pas. Je comprends que certains aient été dégoûtés par l'histoire de ma venue. Je me mets à leur place. Un jour, on leur dit que Lacen vient et le lendemain ils apprennent le contraire. Et le problème, c'est que cette histoire a duré très longtemps, trop même !
*
Maintenant que vous y êtes, que craignez-vous qu'on dise ?
Je ne crains rien, à vrai dire. Car je ne me suis pas imposé dans cette équipe. Je n'ai fait que répondre à l'appel du sélectionneur qui pense que je mérite une place dans son équipe. Mais d'un autre côté, j'espère qu'on ne va pas croire que je joue comme Zidane. Je ne suis qu'un demi-défensif. Je ne suis pas du genre à faire trois petits ponts avant de marquer un but en pleine lucarne.
*
Vous auriez aimé que votre arrivée en Equipe nationale se fasse en douceur. Mais d'un autre côté, c'est vous qui aviez provoqué toute cette tension avec vos hésitations, non ?
Oui, d'une part, je me dis que c'est ma faute, ça c'est sûr. Je me dis que j'ai un peu déconné dans cette histoire. Je me serais épargné beaucoup de choses, si je l'avais gérée un peu mieux. Mais d'autre part, je me dis que les gens aussi auraient pu comprendre qu'à ce moment, ça ne dépendait pas uniquement de moi. Il y avait cette histoire de passeport, de mon patronyme et de l'histoire de ma famille que les gens ignorent encore.
*
Y a-t-il eu des écrits qui vous ont fait particulièrement mal, lorsque vous hésitiez à venir en sélection d'Algérie ?
Non, pas vraiment. Mais je me rappelle qu'au tout début, lorsque j'avais dit que j'allais venir au mois de juin rendre visite à ma famille, ma femme avait lu un article d'une journaliste qui avait écrit quelque chose du genre : «Il faut cacher toute la misère en Algérie, nettoyer les rues, parce que le roi Lacen allait venir nous rendre visite…» Je l'avais lu parce que mon épouse me l'avait montré. C'est vrai que ça m'a un peu vexé, parce que ce n'était pas du tout moi qu'on décrivait !
*
Mais dans le contexte, vous vous faisiez désirer et c'est cela qui a lassé tout le monde. On n'allait pas vous dérouler le tapis rouge, non ? Vous n'auriez pas fait pareil à la place des supporteurs ?
Mais de mon côté, ça ne se passait pas de la sorte. Je n'ai jamais pensé à faire patienter qui que ce soit. Il me fallait au moins un contact avec le pays, avant de décider à aller défendre les couleurs de l'Algérie. C'est peut-être la manière qui a été mauvaise dans cette histoire. Car à aucun moment je n'ai pensé prendre de haut les gens. Mais quoi qu'on fasse, on ne peut rien faire contre les mauvaises langues. D'ailleurs même en venant, certains ont dit que c'est parce qu'il y a le Mondial à l'horizon que je me suis décidé de répondre à la convocation du sélectionneur. C'est l'une des premières choses que j'ai abordées avec les joueurs de l'EN, une fois à Alger.
*
Qu'est-ce que vous leur aviez dit au juste et à quels joueurs précisément ?
J'en ai parlé avec plusieurs, dont Mansouri en sa qualité de capitaine d'équipe. Je leur ai dit : «Si le coach ne m'appelle pas pour le Mondial, je n'en ferai pas un plat et j'attendrai tranquillement qu'il me rappelle après la Coupe du monde.» Une fois, on nous avait interviewé Mansouri et moi, comme quoi on jouait au même poste et qu'on était rivaux. A la fin de l'entretien, j'ai discuté longuement avec Mansouri qui m'avait très bien accueilli au passage, et je lui ai dit : «Franchement, s'il y a des joueurs au sein de l'équipe qui n'ont pas accepté que je vienne, aujourd'hui que l'équipe est qualifiée au Mondial et qui ne veulent pas que je fasse partie des 23 mondialistes, qu'ils me le disent et je suis prêt à ne pas y aller.» Il m'a assuré que personne ne pensait à cela et que tous les joueurs sont contents que je sois dans le groupe. Je lui ai alors dit que ç'aurait été plus facile pour moi, si j'avais pris part à la CAN en Angola.
*
Et que vous a répondu Mansouri à ce sujet ?
Il m'a assuré qu'au départ, personne n'avait compris que je ne vienne pas. Mais par la suite, ils ont appris que ma femme allait accoucher et qu'il y avait aussi d'autres raisons qui ont fait que je n'y aille pas…
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Vous pensez aujourd'hui que tous les joueurs sont d'accord pour que vous preniez part au Mondial ?
Je n'en sais rien, moi ! Mais au fond, je me dis qu'il peut encore s'y trouver certains qui ne soient pas encore totalement d'accord avec ça. A la limite, je peux comprendre cela facilement. C'est pour ça que j'ai dit à Yazid : «Tu n'as pas à me donner les noms des joueurs qui sont contre ma présence au sein de la sélection. Mais je veux juste savoir s'il y a encore des réticences au sein du groupe.» Il m'a assuré une fois de plus que personne, à part le coach, n'avait le droit d'intervenir sur ce plan et que si M Saâdane m'avait convoqué et donné le maillot, c'est qu'il a vu que je devais faire partie de l'équipe, c'est tout.
*
Mais si Saâdane décide de vous écarter à la dernière minute du Mondial, ça vous ferez un peu mal, non ?
Maintenant que j'ai goûté à l'ambiance au sein de la sélection, c'est sûr que ça me ferait mal de ne pas jouer le Mondial. Je ne vais pas être hypocrite et vous dire le contraire. Mais je peux vous assurer que j'accuserai le coup tranquillement et j'attendrai le début des prochaines éliminatoires pour défendre les couleurs de mon pays et tout donner pour qualifier l'Equipe nationale au prochain Mondial. Franchement, je vois mal comment prendre la place de quelqu'un qui a joué toutes les éliminatoires et qui se retrouve écarté dans la dernière ligne droite. A sa place, ça me ferait grave énerver !
*
Mais le public algérien a aussi besoin de voir les joueurs les plus en forme représenter le pays en Afrique du Sud. Si vous faites un mauvais Mondial, les supporteurs qui vous installent sur des nuages aujourd'hui vous accueilleront avec des pierres et des insultes à votre retour, vous le savez ?
Oui, je le sais très bien. Les joueurs m'ont tout raconté à ce sujet. Ils savent très bien que les supporteurs algériens sont versatiles et qu'ils peuvent changer d'un match à l'autre. On m'a raconté comment ils sont sortis après la défaite par 0-2 contre la Guinée au stade du 5-Juillet. Ils ont reçu des pierres en quittant le terrain. Moi aussi je sais à quoi m'attendre désormais. (Il sourit). D'un côté, c'est normal. C'est la passion qui veut cela. Mais encore une fois, je vois mal comment je pourrais prendre une place de titulaire, alors qu'un joueur comme Mansouri, qui évolue au même poste que moi, joue dans cette équipe depuis 10 ans et qu'il est capitaine d'équipe depuis un paquet d'années déjà. Je ne veux pas faire comme celui qui ne mesure pas les conséquences d'un tel chamboulement. Je veux rester honnête avec moi-même et avec les gens.
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Mais c'est la concurrence qui le veut. Si Mansouri est meilleur que vous le jour du match, c'est lui qui jouera et si vous êtes plus en forme, c'est vous que Saâdane choisira, c'est tout !
C'est sûr que c'est normal que ça se passe comme vous dites. Le coach et l'équipe auront besoin des joueurs les plus en forme le jour J. Maintenant, rien ne pourra m'enlever de la tête que si je voyais Mansouri sur le banc et moi titulaire le jour J, ça me ferait c… grave pour lui ! Le mec est capitaine de l'équipe et qu'il a attendu toutes ces années pour jouer un Mondial, et moi je débarque au dernier moment et je lui prends sa place. Non seulement je lui prendrai sa place, mais je lui prendrai aussi son rêve en même temps ! C'est cela que je n'arrive pas à admettre.
*
Mais rien ne dit que l'un de vous quatre ne sera pas blessé avant le jour J. Le coach a besoin des quatre milieux défensifs, même le jour du premier match, et les places de titulaires reviendront aux plus méritants !
C'est sûr que l'équipe aura besoin de tout le monde dans ce Mondial. La concurrence saine qui va animer les joueurs ne fera que relever le niveau de l'équipe, et c'est tant mieux. Mais moi, au risque de me répéter, je vous dis juste que je ne veux pas faire comme celui qui ne mesure pas les conséquences de tout cela. J'en suis conscient et je voulais être clair avec tout le monde.
*
Vous avez retenu quoi d'Alger, à part les encombrements ?
C'est vrai que c'est infernal ! On est sortis vite fait avec Walid pour faire un tour dans certains quartiers d'Alger. J'ai vu très peu de choses et j'en suis encore un peu frustré de ce côté-là. Mais je ferai en sorte de rattraper cela lors de mon prochain séjour.


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