Meriem, le grand gâchis. Benzema, la grande interrogation. La dernière tournée du sélectionneur national en Europe, en vue de superviser quelques éléments susceptibles de renforcer les rangs des Verts, n'a pas été sans susciter une sorte de polémique dans les coulisses du football français, dont certains responsables ont vite fait de réagir en posant un problème qu'ils qualifient de sérieux. Pour eux, il devient inadmissible que la France forme de jeunes talents qui passent par les différentes sélections et que l'Algérie vienne récolter le fruit d'un travail de longue haleine en leur faisant appel pour défendre ses couleurs. C'est le cas ces temps-ci du Clermontois Yacine Brahimi, ou celui de Sofiane Feghouli (Grenoble), pour ne citer que ces deux-là. Dans le fond, le raisonnement peut paraître logique, mais des cas de joueurs franco-algériens, ou d'autres origines africaines, et ils sont nombreux, montrent que les intentions des responsables du football français n'ont pas été toujours honnêtes, en ce sens où plusieurs éléments d'origine étrangère, dont l'avenir était prometteur, ont vu leur carrière internationale gâchée, après avoir opté pour les Bleus. Ni la France n'a profité de leurs talents, ni l'Algérie qui les convoitait en vain. Et les exemples ne manquent pas. Meriem, le grand gâchis Le cas le plus éloquent est sans doute celui de Camel Meriem, ex-meneur de jeu du FC Sochaux, des Girondins de Bordeau, de l'Olympique de Marseille et de l'AS Monaco. 257 matchs en Ligue 1 et un passage en équipe de France des plus timides, contrasté curieusement par un brillant parcours en Ligue 1. «C'est un garçon qui est passé à côté d'une belle carrière et c'est dommage», constate Elie Baup, son ex-entraîneur à Bordeaux (2002-2003). «Un gâchis. Je me pose les mêmes questions que vous, et je le regrette pour lui, car c'est quelqu'un d'attachant», regrettait-il il y a quelques mois sur les colonnes de L'Equipe. Toutefois, de nombreux observateurs remettent en cause, même s'il y a d'autres facteurs, son passage chez les Bleus pour expliquer le déclin de l'ex-prodige sochalien pour lequel personne en France n'a consenti des efforts. A l'époque, pour lui et pour toute la France, le choix des Bleus était plus qu'évident, d'autant que l'Algérie peinait à remonter la pente. Mais en même temps, tout le monde savait qu'il lui était impossible de s'imposer parmi les futurs finalistes de la Coupe du monde 2006, emmenés par un Zidane au sommet de son art. Ses quelques apparitions en trois sélections (2004-2005) lui ont valu d'ailleurs de sévères critiques. Il ne remettra plus le maillot de l'équipe de France et ne pourra pas non plus vêtir celui de son pays d'origine, l'Algérie. Dans la foulée, il fera un deuxième mauvais choix en déclinant une offre de Séville qui va remporter les deux prochaines Coupes de l'UEFA, pour choisir Monaco, club avec lequel il va connaître quatre saisons de galère. Plus tard, Meriem regrettera l'Algérie. Un grand gâchis. Benzema, la grande interrogation On ne le lui souhaite pas, mais Karim Benzema risque de connaître le même sort qu'a connu Meriem en équipe de France. Sa situation actuelle chez les Bleus en dit quelque chose. Après avoir postulé en force dans le onze type de Domenech, Benzema a aujourd'hui perdu, et sa place de titulaire et la confiance du sélectionneur français pour des raisons que personne n'arrive à expliquer encore. «Qu'attend-t-il pour le faire jouer ? Benzema ne joue-t-il pas dans la meilleure équipe du monde ? Que veut-il de plus ?», s'interrogeait Luis Fernandez dans sa rubrique sur RMC Luis attaque, en faisant allusion à Domenech. Le cas de Benzema ne ressemble pas à celui de Camel Meriem, certes, mais il montre à quel point il est difficile de gagner sa place dans l'équipe de France, même quand on s'appelle Benzema et qu'on joue dans l'équipe des Galactiques. Nasri, Ben Arfa et les autres Deux autres cas doivent également nous interpeller, ceux de Samir Nasri et Hatem Ben Arfa. Avec Benzema, le trio était annoncé comme la future ligne d'attaque des Bleus, l'espoir du football français. Après une entrée fracassante en sélection, les fans de ce trio de génie, d'origine maghrébine, vont vite déchanter. L'un après l'autre, Nasri et Ben Arfa ne feront plus partie du décor des Bleus, et aujourd'hui l'éventualité de ne pas voir Benzema parmi les 23 Français qui seront du voyage en Afrique du Sud n'est pas à écarter. Et pourtant, les trois joueurs jouent dans les clubs les plus huppés d'Europe, Arsenal, Marseille et le Real, où ils sont titulaires à part entière de surcroît. Que dire alors des chances de Brahimi (Clermont-foot), Feghouli (Grenoble) ou de Tafer (réserve de l'Olympique Lyonnais) ? Le débat mérite, en effet, d'être sérieusement engagé. Il ne s'agit pas uniquement des intérêts des deux nations, mais aussi de la carrière de ces joueurs qui risquent de se retrouver tous dans la même situation que les Meriem, Lamouchi (Tunisie), Nasri, Ben Arfa (Tunisie) et les autres. Car, parfois, on a vraiment l'impression qu'on les sélectionne en France juste pour les empêcher d'opter pour leur pays d'origine, et s'assurer ainsi un plus large choix à l'avenir, en cas de besoin. Tout cela devrait donner à réfléchir aux jeunes Franco-Algériens à qui on fait miroiter monts et merveilles ces temps-ci. En fait, Iil n'y a eu qu'un Zidane et il n'y en aura qu'un seul.