«L'Algérie ? On ne la calcule même pas !» «Votre pays, c'est à côté de l'Afghanistan, non ?» «Perdre contre l'Algérie ? Faut même pas que vous en rêviez !» Qu'ils soient jeunes ou vieux, hommes ou femmes, chauvins ou simples fans, Londoniens ou Provinciaux, les supporters anglais ne se posent même pas la question : battre l'Algérie est plus qu'une conviction, une évidence. Dans un pays où, parcours de qualification étincelant oblige, on pense déjà aux demi-finales, ce ne sont pas des Verts qui ont l'allure de bleus, pour eux, qui les empêcheraient de dormir. Déjà des paris sur l'adversaire en… 8es de finale Hier, au stade Wembley de Londres, où se déroulait un match amical opposant l'Angleterre au Mexique, les supporters anglais en étaient à parier sur leur adversaire en… huitièmes de finale. Alors qu'ils croyaient qu'ils allaient affronter la Serbie, qu'ils ont déjà «qualifiée» pour le deuxième tour comme deuxième du groupe D, voilà que la blessure de Michael Ballack remet tout en cause. «A présent, il n'est pas certain que les Allemands terminent en tête de leur poule», estiment certains. «Mais non ! Ils passeront et nous nous farcirons les Serbes», pronostiquent d'autres. Et le Ghana et l'Australie dans tout ça ? Ils comptent pour du beurre. Du même beurre que l'Algérie. «L'Algérie, c'est à côté de l'Afghanistan, non ?» D'abord, sachez qu'il y a des Anglais, pas trop brillants en géographie, qui ne savent même pas où se trouve l'Algérie. «C'est à côté de l'Afghanistan, non ?», avance Steve, la trentaine, entre deux bières. C'est vrai que l'Algérie, dans les médias locaux, est plus connue par ses «événements», avec tous les préjugés et confusions qui vont avec, que par son sport. «C'est plutôt au Sud de l'Europe», rectifie le plus sérieusement du monde Stephen. Quand on leur explique que c'est un pays africain, Stephen émet un «mais…» qu'il ne termine pas, mais qui est plein de sous-entendus. Comment lui expliquer qu'on peut être Africain sans être noir ? «4-0 pour l'Angleterre avec un triplé de Heskey !» Rentrons dans le vif du sujet : Angleterre-Algérie. Là, l'optimisme est aussi grand que la Grande-Bretagne. «Nous gagnerons 4-0 avec un triplé de Heskey», lance Ash sans réfléchir. Déjà, notez le choix du buteur : Emile Heskey, remplaçant au mieux. C'est comme pour dire que, face à l'Algérie, l'Angleterre jouera et gagnera avec ses remplaçants. «Ce n'est pas une fanfaronnade. L'Algérie est inexpérimentée en Coupe du monde. Vous auriez pu nous battre avant, mais pas avec notre équipe actuelle.» Son ami Stuart, plus nuancé, estime que la Slovénie est la plus faible sélection du groupe. «Je pense sincèrement que ce sera plus facile pour nous contre les Slovènes que contre les Algériens, mais nous gagnerons, c'est sûr.» «Vous irez en Afrique du Sud pour participer, point !» Andy, crâne rasé à la Barthez, se joint au cortège des optimistes : «Pour gagner, nous gagnerons, mais je ne crois pas que notre équipe aura trop à forcer.» L'Algérie ne lui inspire aucune crainte. «Vous serez en Afrique du Sud pour participer et c'est déjà tout à votre honneur. Cette équipe d'Angleterre est trop forte pour vous. Pour dire vrai, l'Algérie, on ne la calcule même pas ! Même les Etats-Unis ne nous résisteront pas, contrairement à ce que prédisent les analystes.» Même topo pour Steve (un autre, pas celui qui est nul en géographie) : «Contre nous, c'est perdu d'avance, mais vous avez vos chances pour passer au deuxième tour.» Merci quand même pour cette noble pensée. Les dames moins radicales que les messieurs Et du côté de ces dames ? Dans ce monde de brutes où on annonce sans tiquer une défaite brute des Verts, un peu de douceurs quand même parmi la gent féminine. «Je vous l'avoue : je ne connais pas l'Algérie. Cependant, je ne vous le cache pas, je suis raisonnablement optimiste pour mon équipe», estime Hillary entre deux bouffées de cigarettes. Hailey, une bouteille de bière à la main, préconise un 2-0 pour l'Angleterre «car je sais que les Algériens vont faire de cette confrontation le match de leur vie». 2-0, c'est aussi le pronostic de Claire, qui trouve que ce sera un match «très exotique». Hillary est plus sceptique. «Je vois plutôt un 2-1. Par expérience, je sais que nous éprouvons toujours des difficultés contre les équipes supposées faibles.» Thanks, my lady ! N'en déplaise aux misogynes, le bon sens est souvent féminin. «Je connais Belhadj parce qu'il a marqué contre mon équipe» Le plus surprenant dans les discussions que nous avons eues avec des supporters anglais, c'est que très peu parmi eux connaissent des joueurs algériens. Même ceux qui évoluent en Premier League ou en Championship (deuxième division anglaise) ne sont pas connus ! Le seul à avoir cité Nadir Belhadj a été Stuart. «Je me souviens de lui puisqu'il a marqué deux fois contre mon équipe, Liverpool. Il est vraiment fort», explique-t-il. Un autre Algérien a été cité : Madjid Bougherra. Celui qui l'a nommé est Chris, qui s'est contenté d'écouter jusqu'à ce qu'on évoque les joueurs algériens connus. «Je l'ai vu jouer avec les Rangers. Il est vraiment solide. On a parlé plusieurs fois de lui dans la presse anglaise.» Sinon, pour les autres, nada. Rien à signaler concernant les joueurs algériens. «Capello, c'est plus fort que Mourinho !» Les Anglais sont donc hyper optimistes et cela n'aurait pas pu être ainsi s'ils ne croyaient pas en un homme. Ce n'est pas un joueur – quoique, pour eux, l'Angleterre ait hérité d'un Rooney au sommet de sa forme -, mais un entraîneur : Fabio Capello. «On parle souvent de Mourinho, mais nous avons Capello. C'est lui le meilleur, le vrai», estime Andy. Depuis sa désignation à la tête de la sélection, l'entraîneur italien a apporté la touche de rigueur qui manquait à la constellation d'étoiles anglaises. «A lui seul, par la tactique, il peut vous battre, et même avec une équipe B», martèle-t-il. En attendant, les Anglais continuent de faire descendre les verres de bière l'un derrière l'autre en pensant déjà au 11. Pas au 11 juin, date du coup d'envoi du Mondial, mais au 11 juillet, date de la… finale.