«Yebda est impatient de rejoindre les Verts» Nadir Belhadj est un homme heureux à Portsmouth. Tous les supporteurs de Pompey reconnaissent son engagement total lors des matchs. C'est même cela qui a fait de lui, aujourd'hui, l'un des chouchous du club, après Younès Kaboul, à qui on pardonne pratiquement tout. Même ses «absences» défensives lorsqu'il se rue vers l'attaque. Face à Bolton, l'Algérien a brillé comme d'habitude à son poste et a été à l'origine des deux buts marqués par son équipe. Mais cela n'avait pas suffi pour gagner les trois points du match comme l'espéraient leurs fans. A la sortie des vestiaires et malgré la défaite dans les derniers souffles du match, Belhadj est resté un bon quart d'heure avec ses fans qui le sollicitaient qui pour une photo, qui un autographe ou tout simplement pour une poignée de main reconnaissante. En Angleterre, on sait reconnaître la valeur des joueurs et on respecte beaucoup l'énergie qu'ils dépensent sur le terrain. Après en avoir terminé avec ses fans, Nadir est venu nous voir pour nous accorder cette interview. Appréciez. * Comment vit-on de l'intérieur une défaite comme ça dans les toutes dernières minutes ? Ça fait mal, c'est sûr, parce qu'on s'est procuré beaucoup d'occasions, mais on a péché dans le dernier geste. Bolton qui a eu trois occasions a marqué trois buts. Il a été plus efficace que nous. Ce n'est pas facile à digérer une défaite comme celle-là. Mais ce fut un bon match très physique, parce qu'il jouait avec de longues balles pour chercher Davis qui est un très bon joueur et cela nous a fait beaucoup courir. On aurait pu gagner ce match puisqu'on a dominé pendant une bonne partie du jeu. Mais que voulez-vous, ça ne voulait pas sourire à la fin. Maintenant, il va falloir s'accrocher et travailler encore plus et ne rien lâcher. * Vous perdez le match pratiquement dans les arrêts de jeu et le public de Portsmouth vous a applaudi comme si vous aviez gagné. Vous imaginez une défaite comme celle-ci avec l'équipe nationale et la réaction du public algérien ? Ah, ça serait très difficile à vivre, c'est sûr. L'autre fois, on a joué contre une très bonne équipe de Zambie. On aurait pu encaisser un but dans les dernières minutes. Mais heureusement qu'on a pu rester solides jusqu'au bout. Ici, c'est la culture des Anglais qui est comme ça. Il suffit de mouiller le maillot pour que les supporters vous applaudissent, quel que soit le résultat final. Maintenant, c'est le football, on peut gagner comme on peut perdre aussi. Il faut travailler toujours plus pour se racheter après une défaite comme celle-là. * Il y a trois ans de cela, l'EN n'avait pas cette allure. Le groupe était plutôt fébrile, contrairement à aujourd'hui. Où situez-vous la force actuelle de l'EN et qu'est-ce qui avait manqué à ce même groupe de faire parler de lui un peu plus tôt ? En fait, notre groupe n'a pas tellement changé depuis trois ans, même s'il y a eu par la suite d'autres joueurs qui sont venus compléter le noyau de base. Je situerai la force de cette équipe à plusieurs niveaux, comme le mental des joueurs qui a pris une autre dimension avec la maturité des joueurs. Aujourd'hui, nous évoluons en majorité dans des clubs de bon niveau, contrairement à il y a trois ans. Il y a aussi l'entente entre les joueurs qui joue un rôle très important dans ce groupe. Nous vivons pleinement notre aventure et nous sommes potes sur et en dehors du terrain. Nous avons toujours beaucoup de plaisir à nous retrouver, on rigole bien tous ensemble et je pense que cela, tout le monde l'a remarqué et ça se sent lorsqu'on est sur le terrain. Il y a beaucoup de solidarité entre nous, quoi. * C'est vrai qu'on ressent cette envie d'aller jusqu'au bout du rêve dans cette équipe. Est-ce qu'il vous arrive de douter pendant le match ? Le doute est humain. Il ne faut pas se mentir. Mais lorsqu'on est sur le terrain, il faut tout faire pour ne pas le subir. Dans notre équipe, on a gagné beaucoup en confiance. On rentre toujours sur le terrain pour gagner. On a une énorme envie de faire quelque chose de grand cette fois et offrir la qualification en Coupe du monde au peuple algérien qui attend ce moment depuis 1986. * Et puis aussi pour vous les joueurs surtout, car vous allez changer le statut du joueur algérien, non ? Cela va de soi. C'est sûr qu'on a envie d'y être. C'est une occasion qui ne se présente pas tout le temps dans la carrière d'un joueur. Il y a tellement de grands joueurs qui ont joué quinze ou vingt ans dans le haut niveau mais qui n'ont jamais eu la chance de vivre une Coupe du monde de l'intérieur. Notre réussite sera aussi celle du peuple algérien et de toute l'Algérie. Ce serait vraiment bien d'être présents dans un an en Afrique du Sud. C'est donc vrai ce que vous dites. L'image du footballeur algérien va complètement changer, car au jour d'aujourd'hui, il maque au football algérien une vitrine pour qu'il soit suivi et sollicité par les grands clubs. La Coupe du monde aura aussi ça de bien pour notre football. C'est donc très important d'y être, parce qu'on aura la chance de mieux vendre l'image du footballeur algérien par la suite. * Parlez-vous entre vous de cette responsabilité que vous avez pour les générations à venir ? Franchement non, parce que, pour l'instant, on n'est pas encore qualifiés. Il faut rester concentrés sur le prochain match contre le Rwanda et se dire que notre destin est entre nos mains. A nous de faire en sorte qu'il ne nous échappe pas en si bon chemin. Dans notre tête, on gère ces éliminatoires match par match. Il ne faut pas se disperser et aller plus vite que la musique. * Comment voyez-vous l'événement de la Coupe du monde comme ça de loin ? Ah, c'est la Coupe du monde ! C'est le plus grand événement planétaire. Il n'y aura de place que pour les meilleurs. Le monde entier va suivre les matchs du début jusqu'à la fin. C'est dire que c'est très important de vivre cela de l'intérieur. C'est le rêve quoi ! * Lors de sa dernière conférence de presse, Saâdane a affirmé que les Egyptiens sont morts. Etes-vous d'accord avec lui ? Je pense que le coach l'a dit dans un contexte particulier. Personnellement, je ne dirai pas la même chose parce que mathématiquement, l'Egypte n'est qu'à trois points de nous. Ils sont partis gagner au Rwanda et ce n'est pas rien. On a affaire à une équipe très solide mentalement. Attention donc, les Egyptiens ne sont pas encore morts ! * Pensez-vous que les Egyptiens sont aussi capables de gagner en Zambie ? Pourquoi pas ? Tout est possible en football. Nous aussi, nous avons gagné en Zambie. Alors pourquoi pas eux ? Mais pour l'instant, je pense que le mieux est de rester concentrés sur nous-mêmes. Il n'y a pas mieux pour bien nous préparer au match face au Rwanda. Il faut éviter de se disperser avec les calculs des autres. Ces choses-là ne doivent pas nous encombrer dans notre préparation mentale. Il faut toujours revenir à l'essentiel. * Et l'essentiel justement, c'est quoi ? L'essentiel est de se dire qu'on est toujours premiers de notre groupe avec trois points d'avance sur nos concurrents. C'est cela la réalité. Notre destin est entre nos mains. Si on gagne face au Rwanda, ils ne pourront pas nous rattraper. Il faut donc garder cette ligne de conduite qui nous réussit bien jusqu'à présent et qui est faite de sérieux, de concentration et d'humilité. Ne pas trop écouter ce que racontent les journaux et les joueurs égyptiens pour nous allumer. Il faut gérer cela avec du recul et de la maturité. On sait que le 10 octobre, on a un match très important qui nous attend à la maison contre le Rwanda et qu'il peut être décisif pour notre qualification, avant d'aller jouer en Egypte. * Faisons un peu dans le pessimisme en pensant que la qualification se jouera lors du dernier match au Caire. Comment aborderiez-vous cette rencontre ? Eh bien, ce sera carrément la guerre ! On ira jouer ce match en guerriers. Ce sera la finale entre deux grandes équipes et le meilleur de nous deux méritera d'aller en Coupe du monde. * Des craintes particulières pour cette rencontre du Caire ? On n'aura pas de craintes particulières à se faire pour ce match, surtout si on gagne contre le Rwanda. Il y a un grand terrain au Caire et on fera sans doute un bon match chez eux. * Vous semblez plutôt zen en pensant à ce match. Est-ce une manière de ne pas vous mettre plus de pression qu'il en faut ? Non, mais je ne veux pas me prendre la tête avec ce dernier match, alors qu'il reste encore un autre très important et qui peut aisément être décisif pour tout le monde. Lorsque les Egyptiens avaient gagné au Rwanda le samedi, le lendemain nous aussi, on avait fait notre travail en prenant les trois points contre la Zambie. C'est ce qu'il faut faire aussi au mois d'octobre, tout simplement. Maintenant, on sait que l'Egypte possède une très bonne équipe qui peut gagner en Zambie. Ce ne sera pas un exploit en tout cas. Les Egyptiens peuvent très bien gagner en Zambie. On parle tout de même de l'Egypte qui a gagné deux fois de suite les dernières CAN. Ce n'est pas n'importe qui, non ? * C'est bien de ne pas s'enflammer, cela rassure beaucoup le public algérien… C'est sûr qu'on ne doit pas s'enflammer. Il faut rester constamment concentrés et, surtout, ne pas se dire qu'on est déjà qualifiés à deux journées de la fin. Le chemin est encore long avant de crier victoire. Il faut garder cet état d'esprit qui anime le groupe et ne pas se laisser disperser. Les conditions de préparation de l'équipe sont excellentes à l'hôtel militaire. Il faut maintenir l'équipe dans ces conditions pour ne pas perturber le groupe dans sa concentration. * L'isolement des joueurs n'a pas mis un peu plus de pression au groupe ? Franchement non. Au contraire, on était tranquilles entre nous et on rigolait bien ensemble. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui refuserait ces conditions de préparation. * Mais le fait d'être isolés comme ça, sans donner de nouvelles ne serait-ce qu'en conférence de presse, ne prive-t-on pas quelque part vos supporteurs qui auraient aimé savoir comment vous viviez de l'intérieur votre match ? Si vous voulez, une conférence de presse n'aurait gêné personne, c'est sûr. Nos supporteurs ont aussi le droit de connaître l'état d'esprit dans lequel se prépare l'équipe. Mais que les gens viennent comme ça à l'hôtel pour nous solliciter à longueur de journée, non, non, non (sic). Dans toutes les équipes nationales, il n'y a personne qui rentre comme ça se faisait en Algérie. Qu'il y ait une conférence de presse d'une demi-heure, je suis entièrement d'accord avec vous. Le peuple doit partager cela avec nous. Mais que les journalistes et les supporteurs soient constamment avec nous, ça je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas de cette manière qu'on va permettre aux joueurs de rester concentrés. En une phrase, ce n'est pas professionnel. * Avez-vous briefé Hassan Yebda pour le prochain match contre le Rwanda ? Oui, c'est sûr. On en a beaucoup parlé. Déjà qu'il est content et impatient même de venir rejoindre les Verts et on sent qu'il a envie de bien faire avec cette équipe. Il m'a dit qu'il était en Algérie lorsqu'on avait joué contre l'Egypte et il a eu donc le temps de voir l'ambiance qu'il y a au bled autour de l'équipe nationale et la ferveur des supporteurs. * Vous le côtoyez à l'entraînement tous les jours depuis qu'il a rejoint Portsmouth. Pensez-vous qu'avec son jeu, il pourra vite s'intégrer au sein de l'équipe nationale et répondre présent dès le match contre le Rwanda ? Hassan est un joueur intelligeant qui peut jouer à plusieurs postes. Il a donc cette facilité de s'adapter à différentes situations au sein d'une équipe. Je pense que vu son talent et son envie de rejoindre l'équipe nationale, son adaptation ne sera qu'une formalité. Il répondra présent d'entrée, à mon avis. Il n'y a pas de raison de douter de son intégration. * Déjà qu'on a apprécié l'entente entre vous deux, dès son entrée en jeu contre Bolton… C'est vrai qu'on s'est tout de suite trouvés lorsqu'il est entré en jeu pour son premier match avec nous. Le coach l'a fait jouer à gauche et il était donc de mon côté. Et comme vous l'avez vu, ça jouait bien entre nous deux. * Il était un peu crispé et on n'avait pas vu le vrai Yebda dans ce match, non ? C'est normal. Il n'a joué que 20 ou 25 minutes. C'était son tout premier match avec nous et ça faisait un mois ou un mois et demi qu'il n'avait pas joué. De plus, il y avait beaucoup de rythme dans ce match, ce qui ne lui a pas facilité les choses. Mais je pense qu'il va monter en puissance pour apporter ce que tout le monde attend de lui tant à Portsmouth qu'en équipe nationale. * Et comment ça se passe de l'intérieur pour Hadj Aïssa ? Ça se passe très bien pour lui à Portsmouth. S'il continue à s'entraîner avec nous, c'est que le club a apprécié son jeu et qu'on veut le garder ici. Je crois qu'ils veulent le voir encore pendant quelques jours et dans une semaine, ils vont prendre une décision finale. Franchement, il a toutes les chances de rester avec nous à Portsmouth. Pendant que j'étais avec l'équipe nationale, je n'avais pas pu m'occuper de lui, mais comme vous voyez, il va venir manger avec moi à la maison et on s'entend très bien, Lazhar et moi. C'est quelqu'un d'agréable. * Portsmouth a pris des couleurs très algériennes en ce mois de Ramadhan, non ? C'est sûr, comme vous voyez, il y a Hadj Aïssa, Hassan Yebda, Younès Kaboul et moi ainsi que d'autres musulmans qui jouent avec nous. Même le président est musulman, nous vivons donc dans une ambiance très musulmane. On n'est pas isolés de ce côté-là. Mais l'équipe est très diversifiée et on trouve pratiquement toutes les cultures au sein du club. J'espère qu'on aura l'occasion de gagner beaucoup de matchs et donner du plaisir à nos supporteurs qui méritent bien cela. * Entretien réalisé à Portsmouth par Nacym Djender ----------------- Hadj Aïssa et Belhadj mangent souvent ensemble Après avoir terminé notre entretien avec Nadir Belhadj, le latéral gauche algérien, qui s'était dépensé sans retenue pendant les 94 minutes qu'a duré le match Portsmouth-Bolton (2-3), a demandé à Lazhar Hadj Aïssa de monter dans sa voiture pour aller rompre le jeûne chez lui en famille. On se demande toujours comment il a fait pour résister à ce rythme élevé du match tout en observant le jeûne. Ce n'est pas la première fois que Belhadj invite son ami chez lui. «Je me suis absenté une semaine pour jouer contre la Zambie, mais aujourd'hui je suis de retour et Hadj sera mon invité autant de fois que je pourrai le convaincre de venir à la maison», nous a-t-il dit. ----------------- Le maillot 39 se vend bien à Portsmouth A voir tous ces jeunes fans qui portent le maillot numéro 39 avec le nom de Belhadj sur le dos, il n'y a pas de doute qu'il se vend très bien à Portsmouth. L'on comprend donc tout de suite à quel point l'Algérien est considéré à Pompey. Il faut dire que les Anglais ne se soucient pas des origines du joueur. Lorsqu'un footballeur joue bien et se dépense pendant le match, il ne tarde pas à gagner le cœur des supporteurs. Cela change beaucoup de la France où il est rare de voir des parents dépenser 40 euros pour acheter à leurs enfants le maillot d'un joueur d'origine maghrébine. Surtout lorsqu'il ne s'appelle pas Zidane ! ----------------- «Pompey come on, Pompey play on !» Pendant le match de Portsmouth, les supporteurs surprennent les non initiés en scandant tous comme un seul homme un chant court et joyeux dont l'air rappelle le son de l'horloge. On avait du mal à comprendre ce qu'ils disaient. Heureusement pour nous, Ali, cet Algérien ami de Nadir Belhadj et Lazhar Hadj Aïssa, était là pour nous donner le texte et son explication. «En fait, ils disent «Pompey come on, Pompey play on !» nous a éclairé ce fils de la place du 1er-Mai à Alger, grand chauvin du CRB bien évidemment ! ----------------- Belhadj, pas ridicule dans sa belle Brabus noire Dans le parking réservé aux joueurs de Portsmouth, les véhicules de luxe ne manquent pas. Ça va du Hammer à la BMW coupée dernier modèle. Notre international algérien n'est pas ridicule dans ce beau décor avec sa belle Brabus sV12s noire métallisée. La particularité de Belhadj est d'avoir gardé son véhicule ramené de France et immatriculée dans le 62 (Nord Pas-de-Calais) avec un volant très à gauche. Ce qui lui a sans doute compliqué la tâche à ses débuts dans ce code de la route inversé de Grande-Bretagne, où ça circule plutôt à gauche. C'est d'ailleurs cela qui empêche Hassan Yebda de prendre le volant de sa voiture, pour l'instant, paraît-il. ----------------- Ce que pense de lui un journaliste anglais David Mudie : «On l'appelle ‘The road runner' !» «Lorsque vous donnez le ballon à Nadir Belhadj et que vous le laisser jouer à sa guise, il est incroyable ! On l'appelle “The road runner“, c'est-à-dire une sorte de marathon man, un homme qui parcourt des distances incroyables sans se fatiguer. Il a un caractère incapable de recadrer. C'est un joueur entier qui se dépense sans retenue et ce type de joueur est très apprécié en Angleterre. Il est toujours très excité dans son jeu, très passionné dans son jeu, parfois même un peu trop passionné. Ce qui lui a valu beaucoup de cartons de la part des arbitres. On est vraiment toujours impressionnés par son abatage physique pendant les matchs. Il est, à mon sens, plus offensif que défensif, même s'il a tendance à vouloir corriger ce petit défaut cette saison. Il se plaît beaucoup à faire des allers-retours dans son couloir gauche.»