«L'Algérie a perdu face à la Slovénie parce qu'elle n'avait pas envie de gagner» «S'ils jouent comme ils savent le faire, les Algériens peuvent arracher le nul contre les Anglais» Ancien gardien de but international égyptien, l'un des rares à avoir évolué en Europe, Nader El-Sayed connaît le football algérien pour avoir souvent affronté des équipes algériennes du temps où il était joueur. A présent retraité, il exerce comme consultant dans différents supports médiatiques. Sa longue expérience et son palmarès, avec notamment un titre de champion d'Afrique des nations en 1998, font que ses avis sont autorisés. Nous l'avons sollicité pour donner son analyse sur la prestation de l'Algérie face à la Slovénie. Tout d'abord, votre avis sur la défaite concédée par l'Algérie face à la Slovénie ? Nous ne souhaitions pas du tout la défaite à la sélection algérienne. Nous avions tous l'espoir qu'elle puisse gagner du fait que c'est le seul représentant arabe en Coupe du monde. Je pense néanmoins que les Algériens ne voulaient pas gagner ce match. S'ils voulaient vraiment remporter le match, ils l'auraient fait. Où se situait le problème, selon vous ? Dans le manque d'ambition de gagner. Ils ont abordé le match d'une manière telle qu'ils pouvaient aussi bien le gagner que le perdre, sans cet enthousiasme et cette hargne qui leur aurait permis de gagner sans aucun problème. Connaissez-vous des joueurs qui abordent un match de Coupe du monde sans vouloir le gagner ? Si c'est le cas, il doit y avoir donc un problème, non ? Je ne peux pas répondre à cette question, car on ne sait jamais ce qui se passe chez le joueur en son for intérieur. Moi, je donne une appréciation de ce que j'ai perçu du rendement de l'équipe. Peut-être avaient-ils l'envie de gagner, mais cette envie n'était pas apparente sur le terrain. Celui qui veut gagner un match affiche de la force, de la vitesse, du mouvement, du pressing… Bref, quand on veut gagner un match, ça se voit. Or, ça ne s'est pas vu contre la Slovénie, alors que, intrinsèquement, l'équipe d'Algérie est bien meilleure que la Slovénie. En votre qualité d'ancien gardien de but, comment jugez-vous la responsabilité de Chaouchi sur le but de la Slovénie ? Un nouveau ballon peut-il constituer un handicap pour un gardien de but ? Non, je ne le pense pas. Certes, l'adoption d'un nouveau ballon peut avoir un mauvais effet, mais je crois que l'erreur est partagée entre la défense algérienne et Chaouchi. Les défenseurs ont laissé le champ libre pour le joueur slovène afin qu'il puisse tirer à son aise, alors que Chaouchi endosse la plus grande partie de la responsabilité en n'ayant pas pris la bonne décision. Par bonne décision, entendez-vous celle de dégager le ballon plutôt que de tenter de l'attraper ? Je parle surtout de la décision de se mouvoir et de se positionner au bon endroit afin de se détendre comme il se doit au moment du tir. Et puis, il lui fallait tout bonnement éloigner le ballon. Je pense que c'est cette erreur qui a fait perdre le match à l'Algérie. Cela doit-il pour autant remettre en cause le choix de Chaouchi comme gardien de but titulaire ? A mon avis, c'est un bon gardien de but, mais son rendement repose plus sur la condition physique que sur du talent et de l'intelligence. Dans certaines situations de jeu, l'audace ne suffit pas pour un gardien de but et il doit utiliser sa tête. Chaouchi utilise ses qualités athlétiques uniquement, alors qu'un gardien de but comme Gaouaoui est, à mon sens, plus posé et plus intelligent dans son jeu. Si j'étais Rabah Saadane, je ferais confiance à Gaouaoui. Déjà, ce serait une récompense pour ce qu'il a donné à la sélection car, à son âge, ce n'est pas évident qu'il soit encore en sélection lors de la prochaine édition de la Coupe du monde, à supposer que l'Algérie s'y qualifierait. Vous estimez donc que Gaouaoui est plus posé que Chaouchi ? Vous savez, un gardien de but doit posséder des qualités autres que le talent individuel. Il faut qu'il sache parler à ses coéquipiers, bien orienter ses défenseurs. Peut-être que Chaouchi va acquérir ces qualités dans le futur, mais je pense qu'actuellement, Gaouaoui est meilleur sur le plan du calme, de l'expérience et dans les prises de décision. En toute franchise, croyez-vous que la Coupe du monde se terminera pour l'Algérie à l'issue du match de vendredi ? Non. Nous espérons réellement que l'Algérie se ressaisira. Le football nous a habitués à tellement de surprises… Prenez la dernière CAN : personne ne s'attendait à ce que l'Algérie élimine la Côte d'Ivoire en quarts de finale. Pourtant, l'Algérie l'a fait en réalisant un très grand match. Donc, tout reste possible. La défaite inattendue concédée par l'Espagne face à la Suisse peut-elle constituer un motif d'espoir ? Je ne pense pas que les deux situations soient comparables. Ce qui est certain, c'est que je crois en la capacité de l'Algérie de tenir tête aux Anglais et d'arracher un nul qui lui laissera ses chances de qualification pour le prochain tour intactes. Quel que soit le gardien de but qui sera aligné, que lui conseillez-vous ? Je lui souhaite de faire un grand match tout en lui rappelant qu'un match de football est constitué d'un ensemble de situations de jeu qu'il faudra négocier l'une après l'autre, tout en ne liant pas une situation à une autre. Ainsi, s'il prend une mauvaise décision, cela ne doit pas influer ses décisions suivantes. Un gardien de but est jugé sur le nombre de bonnes décisions qu'il prend dans un match. Il en aura trois, quatre ou même six importantes à en prendre au cours d'un match. Il ne doit pas penser au plus difficile en négligeant les situations qui semblent les plus faciles. Un gardien de but a tendance à réfléchir à la meilleure manière de contrer un éventuel tir de loin d'un attaquant, mais cela lui fait parfois oublier à réfléchir à la manière de capter des balles simples. Il faut donc qu'il soit concentré jusqu'au bout.