«M'bolhi m'a impressionné. Il a sorti deux énormes matchs face à l'Angleterre et les Etats-Unis et a démontré qu'il état très bon» «Nadir Belhadj a franchi un pallier incroyable durant ce Mondial. Il déborde d'énergie et d'activité et il a beaucoup apporté sur son couloir gauche» L'ancien sélectionneur du Cameroun, du Ghana et actuellement d'Oman, le Français Claude Leroy a gentiment accepté de répondre à nos questions et de nous parler du parcours de l'Algérie durant ce Mondial sud-africain. Même s'il juge que les Verts ont réalisé de bonnes prestations dans l'ensemble lors de leur séjour au pays des Bafana Bafana, notamment face à la redoutable équipe d'Angleterre, il estime néanmoins que le résultat aurait pu être meilleur. Il pense que l'actuelle équipe d'Algérie a une grande marge de progression devant elle, et avec le travail et l'abnégation de tout le monde, elle finira par devenir encore plus forte. Tout d'abord, on aimerait que vous nous établissiez un petit bilan de la participation de l'EN algérienne durant ce Mondial sud-africain… Sincèrement, je crois que l'Algérie a fait bonne figure durant sa participation à ce Mondial. Elle a fourni dans l'ensemble de bonnes prestations et n'a nullement été ridicule. Il faut reconnaître qu'il y a de la qualité dans cette équipe. Néanmoins, on a pu constater quelques erreurs individuelles qui ont influé négativement sur le résultat de l'équipe. L'expulsion gratuite de Ghezzal lors du premier match face à la Slovénie a été fatale à l'équipe, qui a dû par la suite abdiquer et s'incliner dans cette partie. Beaucoup estiment que n'avait été ce revers concédé bêtement lors de ce premier match face à la Slovénie, l'Algérie aurait certainement eu plus de facilité à se qualifier pour les 8es de finale. Partagez-vous cet avis ? Vous savez, le premier match d'un tel tournoi demeure très important, surtout pour les équipes dites de moyenne envergure. Il faut bien le négocier pour éviter de jouer après sous pression et avec la peur constante d'être éliminé à tout moment. Ce n'est pas par exemple comme l'Espagne, qui, à mon sens, peut se permettre de rater son entrée en lice dans ce genre de compétition mais qui peut aisément se racheter par la suite, du moment qu'elle possède dans ses rangs des joueurs de classe mondiale. Je pense que la faute de l'Algérie durant ce match face à la Slovénie était son manque de concentration. S'il avait été bien concentré sur son sujet, Ghezzal n'aurait jamais mis sa main de la sorte et provoquer ainsi son expulsion de la rencontre quelques minutes seulement après son entrée en jeu. En voulant trop bien faire, il a pénalisé sa formation encore plus. Quels ont été, selon vous, les points forts et les points faibles de la sélection algérienne durant cette Coupe du monde ? D'après ce que j'ai vu, je dirai que l'Algérie a démontré beaucoup de solidité et de rigueur surtout sur le plan défensif. La défense algérienne fut à la hauteur durant ce Mondial, il faut l'avouer. Aussi, le milieu de terrain défensif a bien accompli son rôle. En somme, on a vu une bonne et solide assise derrière, contrairement à la ligne offensive qui demeure a priori le point faible de l'équipe algérienne. Les attaquants n'ont réussi à marquer aucun but dans ce tournoi, et ça c'est infligeant comme constat. Qu'est-ce qui a fait que les attaquants n'ont pas su comment s'illustrer dans ce Mondial ? Selon vous, le fait est dû au système tactique adopté par le sélectionneur ou au faible niveau de nos attaquants ? Je ne pense pas que le système tactique mis en place par le sélectionneur peut être la cause principale de cette inefficacité des attaquants. L'entraîneur a, certes, choisi de privilégier l'aspect défensif mais ça n'explique pas. N'oubliez pas que l'équipe d'Algérie, surtout sa défense, a pris l'eau durant ses derniers matchs de préparation, et de ce fait, il fallait vite remédier à cela. La priorité est souvent de sécuriser sa défense avant de penser à l'offensive. En tout cas, quand on voit les occasions ratées par Djebbour et consorts lors du dernier match face aux USA, on peut dire que la tactique n'a rien à avoir. Des actions pareilles dans le haut niveau, on ne les rate pas. En décortiquant le jeu de ce match USA-Algérie sur la chaîne française L'Equipe TV, vous avez signifié que l'Algérie aurait dû jouer avec deux défenseurs centraux et non trois, pour avoir la possibilité d'incorporer un attaquant supplémentaire qui donnerait un plus à cette ligne offensive… Sur un tableau, c'est facile de décortiquer et d'analyser comme on veut. Certes, je suis quelqu'un qui prône l'offensive dans le jeu, mais de là à juger les choix d'un entraîneur, ça, je ne pourrai le faire aussi directement. Vous savez, chaque coach a sa méthode propre à lui. On ne vit pas dans le groupe, donc on ne peut pas juger avec exactitude les choix que peut prendre un entraîneur. Cela dit, sur ce match face aux Etats-Unis c'est clair que ça aurait été plus judicieux si le sélectionneur avait apporté plus de folie dans le jeu de son équipe vers la fin du match, en incorporant un joueur qui sait manier le dribble. Il fallait oser et tout tenter, puisque l'équipe était toujours éliminée. Quels sont les joueurs algériens qui vous ont le plus impressionné ? Celui qui m'a le plus impressionné c'est le gardien M'bolhi. Ce joueur a sorti deux énormes matchs face à l'Angleterre et les Etats-Unis. Il a démontré qu'il était très bon et qu'il avait du potentiel. Il y a aussi Nadir Belhadj qui, à mon sens, a franchi un palier incroyable durant ce Mondial. Il déborde d'énergie et d'activité et tous s'accordent à dire qu'il a beaucoup apporté sur son couloir gauche. Bougherra et Halliche aussi ont fait un excellent tournoi. Et comment avez-vous trouvé Ziani ? Je dirai que Ziani n'a pas fait un grand tournoi. Il n'a pas été brillant, mais n'a pas été mauvais. Un joueur comme lui aurait pu faire mieux et apporter plus de soutien à ses coéquipiers. Il a raté pas mal de corners, de coups francs et de tirs. C'est dommage lorsqu'on sait que la force de la sélection algérienne réside dans les coups de pied arrêtés. Sur ce plan-là, on peut dire qu'on n'a pas vraiment su profiter de nos balles arrêtées… Voilà. Les tireurs de ces balles arrêtées ont manqué d'application et de concentration. Je reste persuadé que si l'Algérie avait bien exploité tous ses coups de pied arrêtés, elle aurait sans doute marqué quelques buts. Tout le monde est unanime pour dire que l'Algérie a gagné malgré tout une équipe d'avenir, sur laquelle elle pourra compter dans les années à venir. Partagez-vous cette opinion ? Bien évidemment. L'Algérie a gagné une équipe, et je peux ajouter aussi qu'elle a une grande marge de progression devant elle. Il faudra prendre soin d'elle et persévérer dans le travail. Cette équipe, il faut aussi l'enrichir et lui laisser la porte ouverte. Les joueurs actuels ne doivent en aucun cas se dire que la sélection leur appartient. Seuls les meilleurs doivent être retenus. Aussitôt la Coupe du monde terminée pour l'Algérie, on a commencé à parler d'un probable successeur de Saâdane à la tête de la sélection. Selon vous, le coach devrait-il rester ou quitter son poste, d'après ce qu'on a vu durant cette compétition et bien avant aussi ? Me concernant, je dirai qu'il vaut mieux qu'il reste et qu'il ne quitte pas ses fonctions maintenant. Saâdane a démontré sa valeur en qualifiant son équipe au Mondial et en faisant au final un bon tournoi. Il connaît parfaitement le groupe, et je pense qu'il peut encore apporter à cette sélection algérienne. Cela dit, je préfère ne pas m'immiscer dans quelque chose qui ne me regarde pas. Saâdane est quelqu'un que j'apprécie et que j'estime. Beaucoup lui reprochent le fait de n'avoir pas su gérer l'affaire Mansouri qui, pour rappel, s'est vu prendre sa place de titulaire et son capitanat aussi… Que voulez-vous que je vous dise ? Tout dépend de la nature des joueurs, c'est tout. Un joueur professionnel doit avant tout penser à l'intérêt de l'équipe et non pas à sa petite personne. A ma connaissance, Mansouri n'a pas été évincé de la liste des 23 ; il a été juste mis sur le banc, et cela ne doit pas lui poser trop de problèmes en principe. Vous savez, certains cadres doivent donner l'exemple même s'ils ne jouent pas. C'est ça le football. En équipe de France, par exemple, si c'était moi l'entraîneur je prendrais Patrick Vieira parmi le groupe pour le Mondial, et ce même si je sais qu'il n'a plus ses jambes de 20 ans. C'est un cadre de l'équipe que tout le monde respecte et je sais qu'en sa présence l'EDF n'aurait jamais connu le fiasco qu'elle a vécu en Afrique du Sud. Justement, en tant qu'entraîneur français. Comment expliquez-vous ce qui s'est passé au sein de votre sélection durant son séjour au pays de Mandela ? Ce qui s'est passé est tout simplement désastreux et pitoyable. On aurait tout imaginé mais pas ça quand même. On est dans un pays de communication, mais quand la politique s'en mêle, les choses deviennent encore plus incompréhensibles. Alors que les grèves sévissent partout en France, le chef de l'Etat trouve le moyen d'avoir un tête-à-tête avec un joueur de foot. Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Je suis dégouté.