«L'Algérie a mérité de nous battre en 1982» Quand certains entendent parler de Franz Beckenbauer, ils imaginent certainement un type glacial, distant, voire même arrogant. Quand on est allemand, qu'on est surnommé «Kaizer» (empereur en allemand) et qu'on a l'un des plus beaux et des plus complets palmarès de l'histoire du football, on donne l'impression d'être égocentrique et de dégager une grande froideur. Pourtant, dans le réel, il est d'une humilité rare pour une personnalité de son envergure, toujours souriant et l'humour au bout des lèvres. En marge de la cérémonie de Golden Foot à Monaco, où il était l'un des invités de marque pour être sacré Légende du football, il a accepté de nous accorder un petit moment de son temps pour nous livrer quelques propos. Vous avez gagné la Coupe du monde en tant que joueur et en tant qu'entraîneur, le championnat d'Europe des nations, la Coupe d'Europe des clubs champions, le Ballon d'Or, plusieurs titres individuels et voilà que vous venez d'être sacré Légende du football mondial. Vous sentez-vous comblé ? Oui, je le suis, d'autant plus que je rejoins quelques-uns parmi les plus grands footballeurs de l'Histoire. Cependant, je dois reconnaître que j'ai eu de la chance dans ma carrière, car j'ai souffert de très peu de blessures. Il y avait des joueurs certainement plus talentueux que moi, mais qui ont eu moins de chance en contractant des fractures ou des ruptures des ligaments qui ont freiné leurs parcours. Certes, j'ai eu cette blessure à l'épaule durant la Coupe du monde de 1970 au Mexique, mais ce n'était pas très grave. Donc, on peut dire que la chance de ne pas avoir été souvent blessé a été pour beaucoup dans la réussite de ma carrière. Vos succès en tant qu'entraîneur et joueur font de vous l'un des observateurs les plus avisés sur la scène footballistique internationale. Si tout le monde s'accord à dire que la sélection d'Espagne est actuellement la meilleure au monde, peut-on savoir qui vous voyez comme le meilleur entraîneur à l'heure actuelle ? C'est très difficile à dire, car chaque entraîneur a son style et sa personnalité propres. De plus, la réussite d'un entraîneur dépend aussi parfois de la qualité de ses joueurs. Cependant, si j'avais à en désigner un actuellement, ce serait José Mourinho. Je trouve qu'il a la faculté de tirer le maximum de ses joueurs. Il est autoritaire, charismatique et travailleur. Il a l'étoffe d'un patron. Le fait qu'il réussisse dans tous les clubs par où il passe démontre bien qu'il maîtrise bien son travail. Le terrain vous manque-t-il ? Je suis retraité des terrains, mais je ne suis pas inactif pour autant. J'occupe plusieurs fonctions passionnantes qui prennent beaucoup de mon temps. Donc, je n'ai pas le temps de m'ennuyer. L'Allemagne du football garde deux mauvais souvenirs de l'Algérie. Le premier a été la défaite concédée contre toute attente par la RFA face aux Algériens en 1982 à Gijon, en Espagne. Vous en rappelez-vous ? Comment ne pas s'en rappeler. Cela avait été une bonne leçon pour les Allemands. Il faut reconnaître que ce jour-là, c'était le meilleur qui avait gagné. Puisque les Algériens ont gagné, c'est qu'ils le méritaient. En tout cas, j'avais été charmé par le niveau affiché par vos joueurs. Le deuxième mauvais souvenir a été la défaite du Bayern Munich, votre club de cœur, en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions en 1987 à Vienne face au FC Porto, dont le «bourreau» était un Algérien, Rabah Madjer, d'une astucieuse talonnade… C'était un beau but, d'ailleurs l'un des plus beaux buts de l'histoire. Ce match avait montré qu'il ne faut jamais crier victoire avant son terme. Il est toujours difficile d'anticiper ce genre de gestes. On peut maîtriser et contrôler une équipe adverse, mais les exploits individuels sont imprévisibles. Si l'Algérie avait battu les Etats-Unis lors du dernier Mondial en Afrique du Sud, elle aurait affronté l'Allemagne en huitième de finale. N'espériez-vous ce match pour tenter de prendre votre revanche et effacer ainsi le douloureux souvenir de Gijon ? Si ce match avait eu lieu, rien ne dit que cela aurait été facile pour nous. Un match n'est jamais gagné d'avance. Je peux même dire que si notre adversaire en huitièmes de finale était l'Algérie, il nous aurait posé plus de problèmes que l'Angleterre (l'Allemagne avait battu l'Angleterre 4-1, ndlr).