En 2006, main dans la main lors de la remise du Ballon d'Or. Alors que tout baignait dans l'huile pour Karim Ziani avec sa nouvelle équipe du Kayserispor, voilà que le destin décide de le priver d'un des êtres les plus chers de sa famille, son grand-père adoré. Ammi Fateh est décédé, hier, dans un hôpital de Paris où il suivait des soins intensifs depuis longtemps. La triste nouvelle, c'est Rabah, le papa, qui l'a communiquée à son fils par téléphone juste avant la prière du Maghreb. Karim était à mille lieux de se douter de cela, bien qu'il savait que l'état de santé de son grand-père se dégradait chaque jour. Le choc a été si terrible que Karim ne put s'empêcher de pleurer. Seul dans sa chambre, il était inconsolable, malgré tout ce que lui avait dit son père au téléphone pour le rassurer et, surtout, le convaincre de rester en Turquie où ses engagements professionnels l'attendaient. Le soutien précieux de Farid Ayache, son ami d'enfance Son ami d'enfance, Farid Ayache, que Karim avait invité à Antalya pour lui tenir compagnie dans son nouvel environnement, a vite fait d'aller à sa rencontre pour l'assister dans cette terrible circonstance. Un soutien qui s'avérera très précieux, puisque les deux amis ne tarderont pas à quitter la chambre pour aller prendre un peu d'air. C'est là qu'on a revu Karim Ziani, les yeux rougis à cause des larmes versées et qu'il cachait tant bien que mal lorsque nous lui présentions nos condoléances. Karim Ziani : «Il était comme un père pour moi» En lui rappelant avec un petit sourire en coin, pour détendre l'atmosphère, les bons souvenirs passés avec son grand-père, Karim a tout de suite souri à son tour. «C'est vrai, je lui ressemble beaucoup», nous dit-il non sans fierté. «Il est un peu aussi mon papa, puisque c'est lui qui m'a élevé», ajoute-t-il, en dévoilant dans les traits de son visage tout l'amour qu'il avait pour son «papa». Farid Ayache nous aida dans cette mission délicate pour lui enlever un peu de cette douleur qui le transperçait. «Allons prendre un thé», lui lâche-t-il en l'entraînant vers le salon… La tête à l'hôpital et à Béjaïa Le café que Karim avait commandé refroidira dans le plateau de la serveuse qui ne retrouvait plus le monsieur qu'elle cherchait. Et pour cause, un coup de téléphone d'un des membres de sa famille qui voulait partager avec lui ce terrible moment. Quelques minutes plus tard, le voilà qui revient avec son ami, avec cette fois un visage légèrement moins fermé. Les paroles qu'il avait entendues auparavant y sont sans doute pour quelque chose… Le Marocain Amrabat, le premier à venir lui présenter ses condoléances Karim vient tout droit dans notre direction et s'assoit dans un fauteuil. La serveuse le reconnaît et lui demande s'il n'avait pas oublié son café. Tout confus, Karim Ziani s'excuse et la prie de le servir à nouveau. La tête était sans doute ailleurs, à l'hôpital et à Béjaïa où son grand-père allait être enterré le lendemain, sans lui. Nordin Amrabat, l'international marocain, est le premier à venir lui présenter ses condoléances avec Mohammed Sinouh, qui est à l'origine de son transfert au Kayserispor, suivis du Camerounais Souleyman Hamidou, puis de tous ses camarades. Shota, le coach, viendra également un peu plus tard lui serrer la main chaleureusement et l'assurer de son profond soutien. Les liens se renforcent plus vite dans de telles circonstances… «Karim ressemble beaucoup à mon père» Karim est resté avec nous jusqu'à l'heure du dîner où il est allé rejoindre ses camarades, sans le moindre appétit. Il reviendra une demi-heure après, avec l'ensemble de ses nouveaux amis qui l'entouraient comme il se devait. Il a sans doute apprécié et cela se voyait sur son visage, nettement plus détendu. C'était surtout pour ne pas montrer, comme d'habitude, qu'il pouvait fléchir. Un peu à l'image du joueur qu'il est sur les terrains. Karim savait qu'il avait toute la nuit pour revoir son grand-père et pleurer sa perte. Il le pleurera beaucoup, mais il sourira aussi vers la fin, soulagé de l'avoir revu il y a quelques jours à l'hôpital où Ammi Fateh avait retrouvé sa fierté de voir son Karim adoré. La complicité entre les deux hommes était palpable dès l'instant où ils se retrouvaient. «C'est Karim qui ressemble le plus à mon père. Il est comme lui, parfois distant, sévère aussi, mais d'une extrême générosité qui s'ajoute à sa simplicité. C'est leur manière de se protéger», nous a confié Rabah Ziani. En 2004, son grand-père a reçu en son nom le trophée de Meilleur espoir Pour illustrer le lien particulier qui a toujours existé entre Karim Ziani et son défunt grand-père, il n'y a qu'à sa rappeler qu'en 2004, alors que le premier avait été élu Meilleur espoir de la saison 2003-2004 dans le sondage du Ballon d'Or El Heddaf - Le Buteur, c'est le deuxième qui était venu recevoir le trophée au nom de son petit-fils. En effet, le joueur s'était senti mal la veille de la cérémonie au cours d'un entraînement avec le FC Lorient, son club à l'époque, et avait été évacué pour des soins et les médecins lui avaient déconseillé de voyager. Il avait donc demandé à son grand-père de le représenter, ce que ce dernier avait fait avec fierté, tellement il était content que les Algériens rendent hommage à Karim. Le trophée était une réplique du Ballon d'Or en cristal, soit un symbole pour dire que le Meilleur espoir est un potentiel futur lauréat du Ballon d'Or, pour peu qu'il persévère dans ses performances. Ammi Fateh était au comble du bonheur en recevant ce trophée, lui l'ancien Moudjahid qui avait rêvé de voir son petit-fils porter dignement les couleurs nationales. En 2006, main dans la main lors de la remise du Ballon d'Or Le bonheur du vénérable grand-père n'allait pas s'arrêter là puisque deux ans plus tard, en décembre 2006, Ziani remportait le Ballon d'Or au sortir d'une saison où il avait mené le FC Lorient vers l'accession en Ligue 1, avec le titre de meilleur joueur de Ligue 2 en bonus. L'international algérien était présent pour se faire remettre son trophée, mais il avait tenu à ce que son père et son grand-père soient également de la fête. Le père, Rabah, n'avait pas pu se libérer, mais le grand-père était bel et bien là. L'émotion était à son comble lorsqu'ils étaient montés ensemble sur la scène, main dans la main, afin de se faire remettre le précieux trophée des mains de Abdelaziz Belkhadem, à l'époque Chef du gouvernement, et de Nabil Amra, directeur d'El Heddaf et du Buteur. Voir son petit-fils être honoré dans son pays, en présence de hautes autorités, a fait perler des larmes dans les yeux de Ammi Fateh qui, tout au long du cérémonial de remise, tenait son petit-fils par le bras. Pour lui, il ne manquait plus que Karim aille en Coupe du monde pour que sa joie soit totale. Dieu lui a prêté vie pour vivre pareil moment l'été dernier. 1992 : bombe à l'aéroport d'Alger, ammi Fateh protège Karim et sa sœur S'il est vrai que Karim, depuis sa naissance, a partagé une grande complicité avec son grand-père, un événement allait raffermir davantage leurs liens. Le 26 août 1992, une bombe a explosé dans le hall de l'ancien terminal international de l'aéroport Houari-Boumediène d'Alger. Ce jour-là, parmi les gens présents sur les lieux, il y avait Karim Ziani, sa sœur et leur grand-père qui attendaient d'embarquer pour Paris, après avoir passé des vacances à Alger et Béjaïa. Lorsqu'il y a eu la déflagration, ammi Fateh, dans un réflexe paternaliste, a agrippé ses deux petits-enfants et s'est couché sur eux pour les protéger, de son corps, des éclats et débris. «Je n'oublierai jamais cette image-là» Du haut de ses 10 ans, Karim, avec sa naïveté d'enfant, ne comprenait ni le comment ni le pourquoi de ce carnage. Mais une image lui est restée gravée à jamais : celle de son grand-père, sexagénaire, pensant avant tout à le protéger au mépris de sa propre vie. Cet acte, ce geste, a sanctifié à vie l'âme de son grand-père dans son cœur. «Oui, je me rappelle très bien de cette scène», nous a confié hier Karim, à Antalya, alors que nous la lui avons rappelée. «Cela fait partie de ces images que je n'oublierai jamais. Pour cet acte de courage et pour bien d'autres, mon grand-père m'a toujours été très cher, comme mon père», a-t-il ajouté, au bord des sanglots.
Son nationalisme, il le doit à son grand-père En discutant avec Rabah, le papa du patron des Verts se rappelle surtout de «la fierté d'avoir eu un papa douanier incorruptible et exemplaire dans son métier, malgré la pauvreté dans laquelle on avait grandi, mais surtout d'avoir pu réaliser son rêve, celui de voir Karim jouer pour l'Algérie. Il était très content de recevoir le premier maillot de l'EN et il ne ratait aucun de ses matchs tant avec les Verts qu'avec le club. C'est grâce à lui surtout que Karim a eu cette fibre nationaliste qui l'anime à chacune de ses rencontres avec le maillot de l'Algérie. C'est mon père qui lui a appris que quand on aime l'Algérie, il faut être toujours prêt à laisser sa vie sur le terrain. Et c'est avec ce tempérament que Karim aborde ses matchs avec l'EN. Il lui doit beaucoup», ajoute Rabah, avec des sanglots sincères perceptibles dans sa voix. --------------------------- Condoléances C'est avec une profonde affliction que nous avons appris le décès de Fateh Ziani, grand-père de Karim Ziani, survenu hier à Paris à l'âge de 81 ans à la suite d'une longue maladie. En cette douloureuse circonstance, l'ensemble du collectif du Buteur présente ses plus sincères condoléances à Karim, à son père Rabah, à ses oncles et à toute la famille du défunt et l'assure de sa sympathie. Puisse Dieu Tout-Puissant accueillir le défunt en Son Vaste Paradis. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons. ------------------------- Ziani s'est entraîné hier avec les remplaçants Alors que les joueurs de Kayserispor ayant joué plus de la moitié de la partie amicale disputée dimanche soir contre Genk se sont contentés hier matin d'un léger décrassage, les remplaçants et ceux ayant peu joué, comme Karim Ziani, ont eu droit à une séance d'entraînement pleine. Cela ne pouvait qu'arranger les affaires du joueur algérien, qui veut travailler sa condition physique afin d'être au point pour la reprise du championnat turc le week-end prochain. Après l'entraînement, les joueurs ont eu quartier libre pour l'après-midi.