Matmour : «J'ai démontré que je ne suis pas en manque de compétition» Yahia : «C'est dur d'encaisser un but de la sorte» L'acte I du face-à-face fratricide entre Karim Matmour et Anthar Yahia pour une place en Bundesliga a tourné en faveur du premier. Jeudi soir, le Borussia Möchengladbach, qui a terminé 16e de la Bundesliga, et Bochum, 3e de la Bundesliga 2, se sont affrontés au Borussia Park en match aller du barrage qui déterminera qui des deux sera en Bundesliga la saison prochaine. Le match joué dans une ambiance de folie a basculé dans les toutes dernières secondes de la partie. Une tête de Yahia sauvée sur la ligne Donné favori pour le match, du fait qu'il reçoit et, aussi, qu'il a évolué en Bundesliga cette saison, le Borussia Mönchengladbach n'a pas été aussi souverain sur le terrain qu'on le pensait. Comme il fallait s'y attendre, Matmour était remplaçant alors que Yahia conduisait la défense de Bochum. C'est paradoxalement le défenseur qu'il est qui a failli être le premier buteur du match : sur un corner tiré par Faton Toski, Yahia reprend de la tête au point de penalty et le ballon se dirigeait vers les filets, sous la barre transversale, alors que le gardien de but local, Ter-Stegen, était battu, mais le défenseur Tony Jantschke sauve sur sa ligne en sautant assez haut. C'était le premier tournant du match. Un match que Yahia a livré avec rigueur et concentration, surtout dans ses duels parfois rugueux avec l'attaquant du Borussia, Mike Hanke. Sur deux occasions, il a sauvé sa défense par des dégagements extrêmes. Il s'est aussi distingué par des relances propres à coups de longues transversales. Vraiment, un match plus que correct. Matmour rentre et fait le ménage à droite Alors que les deux équipes se dirigeaient vers un nul qui n'arrangeait pas les locaux, surtout que Bochum a globalement dominé la deuxième mi-temps, l'entraîneur Lucien Favre a eu la bonne idée de faire rentrer Karim Matmour. C'était à la 83', en remplacement de la star locale, Marco Reus. Du coup, le Borussia Mönchengladbach assiège littéralement le camp de Bochum grâce à la percussion dont fait preuve Matmour sur l'aile droite. En 9 minutes de présence sur le terrain, le Borussia s'est procuré 3 occasions nettes de scorer, soit une toutes les trois minutes, alors qu'il en avait eu 4 sur 83 minutes auparavant. Sur l'une d'elles, Matmour déborde son vis-à-vis et adresse un centre pour Hanke dont la tête est détournée in extremis par le gardien de but, Andreas Luthe. L'attaquant algérien aurait même pu ouvrir la marque à la 87', mais Igor De Camargo a «oublié» de lui passer le ballon alors qu'il était absolument seul dans la surface de réparation. Yahia a sauvé sur sa ligne, mais… Cette domination outrancière des dernières minutes a fini par payer : suite à une touche, Hanke place une tête que Luthe détourne difficilement sur Arango qui, sans se poser de question, remet du gauche au point de penalty pour le même Hanke qui, dans sa précipitation, frappe mollement le ballon, ce qui permet à Yahia de le dégager sur la ligne, mais le cuir revient vers De Camargo qui, avec un peu de réussite, reprend victorieusement d'un extérieur lobé. C'est l'explosion de joie au Borussia Park. Matmour jubile, Yahia fulmine pour ce but encaissé dans le temps additionnel. La rentrée de Matmour a été décisive, la tête de Yahia, en première mi-temps, aurait pu l'être également. Les deux hommes se donnent rendez-vous mercredi à Bochum pour l'acte II. -------- Matmour : «J'ai démontré que je ne suis pas en manque de compétition» La victoire a été quand même longue à se dessiner, non ? C'est vrai que nous avons souffert aujourd'hui face à un adversaire qui a nous surpris par son niveau de jeu. Sincèrement, je ne m'attendais pas à voir Bochum jouer aussi bien. Ajouté au fait que nous n'étions pas très bons aujourd'hui, cela explique que ça a été dur. Cependant, l'essentiel est là : nous avons gagné et nous nous présenterons sur le terrain de Bochum avec un avantage. Pensez-vous que ce petit avantage sera suffisant pour assurer votre maintien ? L'équipe de Bochum sera certainement revancharde après avoir perdu aujourd'hui. Elle nous pressera sûrement et c'est là que nous devrons faire montre de notre force mentale. Je pense que ça se jouera sur l'état d'esprit. Sur le terrain, ce sera, je pense, ouvert car Bochum va certainement nous laisser plus d'espace qu'aujourd'hui. En tout cas, c'est clair : nous irons là-bas pour confirmer notre résultat de ce soir. Vous avez été incorporé durant les dernières minutes du match. Pensez-vous avoir apporté de la percussion pour faire la décision ? Je ne suis pas de ceux qui se jettent des fleurs. Posez plutôt la question à ceux qui ont vu le match. Ce sont eux qui peuvent apprécier si j'ai apporté quelque chose ou non. Ce dont je suis satisfait, c'est de ma forme physique. Je crois que j'ai démontré que je ne suis pas en manque de compétition et qu'on peut compter sur moi à tout moment. C'est de bon augure par rapport au match de l'Algérie face au Maroc. Un mot sur la prestation de Anthar Yahia ? Il a été impérial en défense, comme d'habitude. Je regrette néanmoins que notre but soit intervenu suite à un dégagement qu'il a effectué. Certes, il a dégagé le ballon dans une position très difficile, alors qu'il se dirigeait vers les filets, et il n'y est pour rien dans le but, mais les gens méchants sont parfois impitoyables et peuvent dire que c'est sur mauvais dégagement de Anthar que le but est venu. Ce qui m'a vraiment plu dans son jeu, ce sont les transversales qu'il a transmises aux ailiers de Bochum. Que ce soit du pied droit ou du pied gauche, il en a fait trois ou quatre de grande classe. C'est vraiment dommage que l'un de nous deux ne soit pas en Bundesliga la saison prochaine, mais c'est la dure loi du football. «Je ne suis pas en sélection pour prendre la place d'un autre» Très heureux d'être rappelé en sélection nationale à l'occasion du match face au Maroc à Marrakech, Karim Matmour affirme, toutefois, avoir une pensée pour ceux qui ne sont pas convoqués, surtout qu'il a été dans ce cas lui aussi. Surtout, il tient à éviter des mots qui pourraient provoquer la zizanie au sein du groupe. «Je reviens en sélection avec plaisir, mais ce n'est pas pour prendre la place de quelqu'un d'autre. Si je suis rappelé, c'est, je le crois, parce que je suis bon, tout simplement. La sélection nationale n'est pas un parking gardé où chacun a sa place. La concurrence ne devrait pas exister en sélection. On doit prendre les meilleurs du moment, quels qu'ils soient, et préserver l'esprit du groupe», insiste-il. Matmour, un statut énigmatique Jeudi soir, c'était trop flagrant : Karim Matmour a vraiment sa place dans l'équipe du Borussia Mönchengladbach. Alors que son équipe était à la peine sur le terrain et que même les supporters étaient presque résignés au nul, sa rentrée à la 83' a galvanisé l'attaque locale, faisant du flanc droit une réelle source de danger. Les téléspectateurs qui ont regardé le match peuvent en attester. Tout au long de la saison, alors même que l'équipe enchaînait contre-performance sur contre-performance, l'entraîneur du début de saison et l'actuel coach l'ont rarement titularisé, préférant maintenir un onze qui perd. Certes, sur le côté droit, le Borussia possède l'une des stars montantes du football allemand et qui intéresse même Arsène Wenger, l'entraîneur d'Arsenal : Marco Reus. Or, ce même Reus n'a rien montré jeudi soir et il a fallu que Matmour rentre pour emballer le côté droit. Même à supposer que Reus soit indéboulonnable à droite, Matmour peut aussi être positionné sur le côté gauche ou à la pointe de l'attaque. Cette marginalisation, qui ne dit pas son nom, cache certainement quelque chose. Yahia n'a pas simulé En première mi-temps, sur un duel avec l'attaquent Mike Hanke au milieu du terrain, Anthar Yahia a couru quelques mètres, avant de s'écrouler subitement sur le terrain en se tenant le ventre, alors que Hanke était parti avec le ballon. L'arbitre a sifflé l'arrêt du jeu, alors qu'une attaque du Borussia Mönchengladbach était amorcée. Le public de l'équipe locale a longuement sifflé et conspué le défenseur algérien, croyant à une simulation, surtout que ce dernier s'est relevé quelques instants après. Questionné à la fin du match, Yahia a nié toute simulation. «Hanke m'a donné un coup de coude involontaire au ventre et en me mettant à courir derrière lui, j'ai senti que ma respiration était coupée. Je m'étais écroulé parce que j'avais vraiment mal», nous a-t-il déclaré. Yahia : «C'est dur d'encaisser un but de la sorte» A la fin du match, Anthar Yahia paraissait le plus affecté de tous les joueurs de Bochum. Déjà qu'avec son tempérament de gagneur, il déteste la défaite. Quand, en plus, celle-ci survient au bout du temps additionnel, cela lui laisse une grande amertume. «Oui, je suis déçu et même plus que déçu. Sur le vu de la partie, nous ne méritions pas de perdre. C'est dur d'encaisser un but de la sorte. Surtout, le but a été inscrit à la 3' du temps additionnel, alors qu'il était annoncé qu'il n'y en aurait que 2 minutes», regrette-t-il. Et d'ajouter : «C'est d'autant plus frustrant que nous n'avons pas du tout été ridicules dans ce match. Bien au contraire, il y a eu des phases où nous maîtrisions parfaitement le jeu.» «Quand j'ai dégagé, j'étais en déséquilibre» Le plus dur a été le fait que Yahia, dans l'action «billard» du but a été celui qui a dégagé le ballon en dernier : «Quand Arango a rabattu le ballon vers Hanke, j'étais le seul défenseur sur la ligné du but et, après que Hanke eut frappé mollement le ballon, il fallait que je dégage à la hâte, car il y avait le feu. Malheureusement, mon dégagement n'a pas été très puissant puisque j'étais en déséquilibre et la balle a été reprise dans les filets par De Camargo qui a été chanceux sur ce coup-là.» Les regrets de Yahia ont été illustrés par son effondrement sur le terrain après le but, frustré surtout de la manière dont le but est venu. «Au retour, nous allons les bouffer !» Cependant, à la sortie des vestiaires, la déception semblait avoir été un tant soit peu digérée. «Nous avons montré aujourd'hui que Bochum a le niveau de la Bundesliga. Au match retour, nous allons les bouffer ! Dans notre petit stade, portés par nos supporters, nous pouvons battre n'importe qui», assure-t-il. Et de poursuivre : «De toute façon, même si nous n'avions pas encaissé de but aujourd'hui, il va bien falloir qu'on en marque au moins un si on veut se qualifier. Donc, cette défaite ne changera pas grand chose.» «Sur mon coup de tête, j'ai vraiment vu le ballon au fond» Autre frustration pour le défenseur international algérien : sa tête au début du match qui aurait pu tout changer. «Franchement, lorsque j'avais repris le ballon de la tête, j'avais cru au but pour nous, mais voilà que le défenseur de Mönchengladbach saute haut et empêche le ballon de rentrer. Vraiment, je voyais le ballon aller secouer les filets. C'est bien dommage !» Il y a quand même matière à consolation : «Cela prouve bien que nous pouvons parfaitement battre cette équipe. Il suffit juste d'y croire.» «Je ne comprends pas pourquoi Karim n'a pas sa place dans cette équipe» Par ailleurs, Yahia a apprécié le rendement de Karim Matmour durant les quelques minutes que ce dernier a jouées, même s'il n'y a eu aucun duel entre les deux internationaux algériens. «Franchement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi Karim n'a pas sa place dans cette équipe. Sa rentrée a permis au Borussia Mönchengladbach de terminer le match très fort, alors que nous maitrisions l'adversaire. Sincèrement, je ne comprends rien…» Comme Matmour a joué comme ailier droit, il n'a pas «croisé» Yahia sur le terrain. «Je n'ai pas apprécié que Hanke le dénigre» Cependant, ce dernier a relevé un détail qui ne lui a pas du tout plu : «J'ai été surpris de la façon dont Karim est dénigré par certains de ses coéquipiers. Par exemple, j'ai entendu Hanke dire, à la suite d'une action où Karim a tenté d'éliminer son vis-à-vis d'un dribble : ‘C'est quoi, ça ? Qu'est-ce qu'il fait ?' Je ne vous cache pas que cela m'a choqué. Chez nous, à Bochum, il n'y a pas ça. Jamais on ne critique un coéquipier, même quand il commet une énormité sur le terrain.» Cela ne fait qu'accroître la détermination de Yahia à voir Bochum retrouver la Bundesliga «car, que ce soit dans le jeu ou dans l'état d'esprit, nous le méritions».
