«Il y a deux ans, mon père m'a tenu un discours dur pour me secouer et ses mots ont été un tournant dans ma carrière» Après avoir traversé des moments pénibles dans sa jeune carrière de footballeur, Carl Medjani, le joueur algérien d'Ajaccio AC, a réalisé son rêve avant-hier au stade de Nîmes, en parvenant à se hisser avec son équipe en Ligue 1. Dans cet entretien exclusif réalisé sur place, Carl raconte son sacre et livre ses impressions aux lecteurs du Buteur après cet exploit. Fier de ses parents venus à Nîmes l'encourager, le défenseur central ajaccien revient aussi sur ce moment magique d'émotion partagé avec eux, au stade Les Costières. Carl, tout d'abord, une réaction à chaud, après cette accession en Ligue1 ? Je suis vraiment content pour moi, ma famille, le club, mes proches et mes coéquipiers, pour le public corse et aussi pour le peuple algérien, parce que là je ressens une grande fierté d'avoir dignement représenté mon pays l'Algérie à travers cette accession réalisée avec Ajaccio. C'est une fierté aussi pour l'Algérie qui pourra ainsi compter sur des joueurs qui évoluent dans le haut niveau. Je vais enfin pouvoir me dire que j'ai rejoint la crème des joueurs de la sélection, tels que Bougherra, Ziani, Yebda, Mesbah et tous les autres. On dirait que vous êtes marqué par ces joueurs au riche capital expérience… En effet, en les côtoyant, j'ai appris beaucoup de choses. J'ai aussi pris en confiance en moi et je me suis rendu compte aussi que je n'étais pas loin du niveau qui est le leur. On a trop parlé de ces joueurs qu'on convoque de Ligue 2, qu'est-ce cela vous fait d'être un joueur de Ligue 1 ? (Rires) Attendez, je ne suis pas encore un joueur de Ligue 1. Mais bon, on verra si je reste à Ajaccio ou pas, car comme tout le monde le sait, je suis en fin de contrat avec mon club. Donc, il faudra patienter pour en savoir plus. On espère que cela sous-entend que vous allez peut-être jouer dans un autre championnat étranger, vous n'allez tout de même pas continuer en Ligue 2 ? Ça, seul Dieu le sait. Mais je ne vous cache que j'ai pas mal de contacts, mais ce n'est pas le moment d'en parler, j'aimerais d'abord savourer cette accession avec Ajaccio. Deuxième de la Ligue 2, c'est un exploit magnifique pour vous… Oui, cette année, j'ai vécu des moments exceptionnels. Il ne faut pas minimiser notre exploit, car personne ne nous attendait là. Nous avons l'un des plus petits budgets de Ligue 2, on a de tout petits moyens, et voilà qu'on est parvenus à finir seconds de notre championnat, ce qui n'est pas rien à mes yeux. Au coup de sifflet final, à qui avez-vous pensé en premier ? Bien entendu à mes parents qui étaient présents et aussi aux Algériens qui m'ont toujours soutenu, au peuple corse et mes amis en sélection qui sont certainement fiers de moi. C'est ce qui explique le fait que vous ayez plongé dans les bras de vos parents… Ah oui, les parents sont très importants pour moi. Ils ont été toujours là pour moi. Ils ont souffert un peu avec moi. J'ai promis à mon père que l'année 2011 sera celle du renouveau pour moi, et après avoir bien honoré la fin de l'année 2010, avec une participation à la Coupe du monde, cette saison finit bien avec une participation active à cette accession en Ligue 1. Je tiens à dire que je ne compte pas du tout m'arrêter là. Vous avez envie de viser des clubs plus huppés ? Oui, bien sûr, je prends exemple sur mes frères Bougherra qui est convoité par de grands clubs, Lacen qui a signé à Getafe, et d'autres qui sont en train de réussir de belles choses avec leurs équipes. Vous savez, si eux ont l'habitude de me voir occasionnellement sur Eurosport en Ligue 2, moi, je ne les rate jamais sur «L'Equipe du Dimanche». En fin de match, on vous a vu fondre en larmes… Vous savez, plusieurs images ont défilé dans ma tête. Mon père, qui a perdu un peu espoir de me revoir jouer au plus haut niveau, m'a une fois tenu des propos un peu durs mais qui se sont avérés précieux. Il fallait que j'écoute son discours afin de réagir, et je réalise maintenant que ses mots ont été un déclic. D'ailleurs, c'est pour cela que je lui ai dédié mon maillot, en souvenir de tout ce qu'il m'avait dit. Je suis passé par des moments difficiles, j'ai joué en Ligue 1, je suis redescendu en Ligue 2, après avoir touché le plus haut niveau en signant un contrat pro à Liverpool. J'ai été un peu mis aux oubliettes par les recruteurs. Croyez-moi, sans ces mots justes que mon père m'a dits, je ne serais jamais revenu à ce niveau. Déçu d'avoir débuté ce match comme remplaçant ? Bien sûr, surtout que j'avais pris part à toutes les rencontres du championnat en tant que titulaire. Mis à part les matchs que j'ai ratés pour raison de suspension, j'étais régulièrement présent avec mon équipe. Le coach Pantaloni explique votre mise sur le banc pour des raisons purement techniques… Je sais, j'ai compris qu'il a voulu jouer l'offensive à outrance, car il fallait impérativement remporter ce duel face à Nîmes pour accéder. C'est son choix. Comme je l'ai dit, je suis à la disposition de l'équipe, donc je n'ai pas à contester ses décisions. Votre entrée en jeu en début de seconde mi-temps a donné un meilleur équilibre défensif à l'équipe… C'est vrai que c'est dans ce poste de milieu de terrain qu'il m'a souvent utilisé. Je comprends qu'il n'a pas voulu changer sa défense car, il faut le dire, notre arrière-garde a donné satisfaction cette année. Maintenant, en regardant mes statistiques, je suis entièrement satisfait de ma participation. J'ai fait plus de 31 matchs avec pas moins de 27 titularisations cette saison, ce qui n'est pas mal pour un joueur professionnel. Le président et le coach sont unanimes, vous faites partie des priorités du club, allez-vous continuer l'aventure ? Oui, mais il va falloir discuter pour trouver un terrain d'entente. Une aventure en Ligue1 avec ce club serait très intéressante. J'ai connu des moments extraordinaires avec Ajaccio, mais je dois d'abord connaître ce qu'on me proposera pour renouveler. Cette accession est-elle le beau jour de votre vie ? Non, j'ai connu d'autres moments fantastiques, comme cette Coupe du Monde jouée avec la sélection algérienne, le match d'Annaba. Mais bon, on va dire que cette montée avec Ajaccio restera un grand moment de ma carrière. En Algérie, il y a un engouement qui dépasse l'imagination. Donc à chaque fois, on attend avec impatience de se replonger dans cette ambiance de l'EN. Revenons à ce duel, ce fut difficile… Oui, très dur. Ce match était d'une importance capitale pour l'accession. Personnellement, j'ai acquis une certaine expérience de ce genre de matchs décisifs à travers les rencontres disputées avec la sélection, notamment le derby joué à Annaba contre le Maroc. Donc, ça m'a permis de gérer cette empoignade difficile contre Nîmes. Maintenant, je dois savourer tout cela, bien me reposer, pour arriver en sélection la tête bien fraîche et aborder le match contre le Maroc dans les meilleures conditions. Il va falloir maintenant redescendre de votre nuage, alors ? C'est clair, je sais que (vendredi soir) la nuit sera longue à Ajaccio, je veux dire qu'on va bien fêter ça avec les supporteurs. D'ici dimanche, je serai inch'Allah à La Manga Club pour préparer le rendez-vous face au Maroc, car je sais qu'il s'agit d'une empoignade importante qui sera similaire d'ailleurs à celle que nous avons livrée au match aller. Seriez-vous prêt pour ce derby ? Bien sûr, je me sens en possession de tous mes moyens et j'avoue que je suis impatient de rejoindre mes coéquipiers en Equipe nationale. J'ai pris part au match aller en disputant une bonne partie de la seconde mi-temps, et je serai à la disposition du coach pour aider l'EN à revenir avec le meilleur résultat possible de Marrakech, inch'Allah. Mehdi Mostefa n'est pas venu vous féliciter en fin de match, vous ne l'avez pas vu avant ? Franchement non, avant le coup d'envoi du match chacun était concentré dans son coin, après il est allé directement au vestiaire. Je comprends qu'il doit être extrêmement déçu par la relégation en National. Il y a aussi le fait peut-être qu'ils ont voulu terminer par une victoire aujourd'hui pour quitter la Ligue 2 sur un succès, mais nous, on avait une accession en jeu, donc il nous fallait gagner. Vous ne lui en voulez pas ? Non, pas du tout, Mehdi, à l'instar de tous les autres membres de la sélection, reste un frère. Je vais l'appeler après, tranquille, et on va discuter un peu et se fixer rendez-vous pour rejoindre ensemble dimanche prochain la sélection. Ça va être chaud au Maroc… On le sait, et on se prépare convenablement pour aborder ce match dans les meilleures conditions possibles. Je fais confiance à notre entraîneur et nos joueurs, et je suis confiant quant à une belle opération au Maroc. Avez-vous eu échos de la préparation des Verts en Espagne ? Non, personne ne m'a appelé. Je dois dire que moi aussi je n'avais pas le temps de le faire, parce j'avais à préparer un match décisif avec mon club. Donc, j'étais concentré sur ma performance avec Ajaccio, mais j'ai pu m'informer à travers les journaux, notamment Le Buteur, sur tout ce qui se passe à La Manga Club. On parle beaucoup de revanche du côté marocain… Je ne me soucie pas de ce qu'ils disent. Les Marocains peuvent dire ce qu'ils veulent, mais c'est sur le terrain que ça va se jouer. Yebda est qualifié en Ligue des champions, Boudebouz en Europa-League, Bougherra champion d'Ecosse, et vous-même champion de Ligue 2 française, l'Algérie arrive avec un grand moral pour ce derby contre le Maroc… Oui, je trouve que c'est important pour une sélection de constater que ses joueurs arrivent au top et assez motivés mentalement. J'espère que cela va se répercuter sur notre rendement. Après, cela pourrait ne pas s'avérer suffisant, car il faudra bien respecter les consignes du coach et être au top le jour du match. Le renfort de Matmour, Ziani, Bougherra, Kadir et Guedioura va vous être utile… Je ne vous le fais pas dire, c'est une très bonne chose pour l'équipe. Avant de conclure, qu'avez-vous ressenti lorsque ces Algériens venus au stade vous ont remercié d'avoir honoré l'Algérie ? C'est aussi un moment de fierté immense que je garderai pour toujours. Je tiens à les remercier à mon tour du fond du cœur. J'en profite aussi pour remercier Le Buteur de vous avoir envoyé jusqu'ici pour faire partager à mes frères algériens cette accession. Sincèrement, je suis très touché par ce geste de votre journal.