«Raymond Domenech a raison» «Si Amri travaille, je le reprendrai» «Chaouchi a compris que c'est dans son intérêt de s'assagir» C'est dans la soirée de samedi, après le déjeuner (pris tard compte-tenu des festivités pour la victoire face à la Zambie), que Rabah Saâdane, un peu reposé, est revenu à froid sur le match et aussi sur les perspectives d'avenir. La discussion à bâtons rompus a été intéressante, surtout que l'homme s'est dévoilé un peu plus que d'habitude. «Cette victoire est capitale» «Avant le début du match, j'ai dit aux joueurs lors de la réunion : il y a un bon coup à jouer. C'était le dernier match de la saison et, en même temps, de la première phase du dernier tour qualificatif et une victoire nous donnerait une très bonne option pour aller vers le Mondial. C'était ça l'objectif. De plus, nous étions dans des conditions idéales. Nous n'avions à avoir peur de personne. Vous avez vu combien le public zambien a été sportif. C'est aussi une leçon pour nous. Même dans le jeu, le match a été propre. Cela faisait six ans que l'Algérie n'avait pas gagné à l'extérieur. Ces trois points sont un résultat capital pour la suite des événements. Non seulement ça nous permet de compter sept points après trois matches, mais il va certainement assommer nos adversaires sur le plan psychologique. Le tournant dans ce groupe est le troisième match. Nous avons fait le break car plus on gagne de points dans la première phase, plus on se met en position de force.» «Nous avons appris à être efficaces» «Ce n'est pas que nous n'avons jamais cru à la possibilité de nous qualifier pour la Coupe du monde, mais le fait est qu'il faut savoir gérer match par match. Nous sommes en progrès car nous sommes solides défensivement et il y a désormais de la qualité en attaque. Aujourd'hui, nous avons géré le match intelligemment sur le plan tactique, nous avons su nous maîtriser sur le plan tactique dans des conditions assez difficiles, face à une équipe qui n'a pas baissé les bras jusqu'à la dernière minute. Nous avons été très efficaces sur le plan offensif. C'est ce qui a fait la différence avec lez Zambiens : nous avons eu des occasions et nous les avons exploitées, ce qu'eux n'ont pas fait. Nous ne sommes pas parfaits, nous sommes loin de l'être. Il faut continuer à travailler, mais c'est le temps qui me manque. Il y a de la qualité chez les joueurs, mais cela ne suffit pas. Il faut travailler le collectif.» «La valeur de la triplette de l'axe a fait la différence» «Le plan tactique arrêté correspondait au jeu des Zambiens. J'avais essayé le 4-4-2 à l'entraînement, mais j'ai vu que cela ne convenait pas au jeu adverse. Nous avons étudié leur jeu et avons remarqué qu'ils procédaient par de longues balles en direction de leurs deux attaquants. La valeur de nos trois arrières centraux (Halliche, Bougherra et Yahia, ndlr) a beaucoup joué. Face à une équipe autre que l'Algérie, la Zambie aurait sans doute gagné. J'ai reconduit la même triplette que lors du match face à l'Egypte parce qu'elle correspondait à la disposition tactique adverse et cela a marché.» «Matmour a verrouillé le flanc droit» «Matmour a su gérer ses efforts sur le côté droit en contrôlant son vis-à-vis. En première mi-temps, il est monté quelque fois, mais il a été plus prudent en deuxième mi-temps. Son mérite est d'autant plus grand qu'on lui a mis un autre attaquant sur son côté. Si je ne l'ai pas fait remplacer, cela veut dire qu'il a donné satisfaction. Que ce soit sur les duels aériens ou au sol, il a verrouillé son couloir. Il était primordial de bloquer les couloirs car les Zambiens entamaient leurs offensives sur les côtés. Cela n'était pas parfait en première mi-temps puisque des attaquants adverses ont pu se glisser dans les intervalles, mais nos deux latéraux ont mieux travaillé lors de la seconde période.» «Je sais qu'il y a eu des mécontents» «Déjà que c'est la fin de saison, ce n'est pas facile de faire un long stage dans un pays éloigné comme l'Afrique du Sud. Rien que d'y penser, on est fatigué, mais les joueurs l'ont fait et ont travaillé sans rechigner et sans protester. Je sais qu'il y a eu des mécontents. J'avais d'ailleurs dit aux joueurs qu'ils pouvaient ne pas être contents sur certains aspects, mais qu'ils devaient respecter le collectif. S'ils sont mécontents, ils n'avaient qu'à aller dans leur chambre laisser éclater leur colère, mais ne devaient pas perturber la sérénité de l'équipe. Un joueur doit également respecter les consignes tactiques, la discipline de groupe. Vous avez vu comment tout le monde bataillait pour récupérer le ballon. Nous devons apprendre à garder beaucoup plus le ballon lorsqu'on est fatigué.» «Seuls les joueurs qui amélioreront notre jeu seront les bienvenus» «J'ai toujours été pour la stabilité et la continuité. J'ai un groupe avec qui je travaille et à qui j'ai très peu de reproches à faire. Nous devons continuer à travailler avec. Si des joueurs de haut niveau apparaissent en cours de route, comme cela avait été le cas pour Ghezzal et Djebbour, nous les accueillerons à bras ouverts, mais à condition qu'ils contribuent à améliorer la qualité de jeu. Moi, je préfère continuer avec le groupe que j'ai, tout en laissant la porte ouverte à tout apport qualitatif.» «Aujourd'hui, tous nos attaquants peuvent marquer» «J'entends dire que ce n'est pas l'Algérie qui a battu la Zambie, mais c'est plutôt Saâdane qui a battu Renard. Moi, je dis que le résultat est le fruit d'un travail collectif auquel les joueurs et tous les staffs ont participé. C'est vrai que je suis un peu le chef d'orchestre car je sais où on va et où il faut aller. Cela ne m'a pas dérangé que le onze ait été dévoilé avant le match. La Zambie a joué avec le schéma prévu et nous avons su les juguler. Si Saïfi a marqué, ce n'est pas juste du bon coaching. Il y a eu un peu de chance. Ghezzal a donné tout ce qu'il avait, non seulement offensivement, mais aussi défensivement. Il est généreux et il se dépense sans compter. Je l'ai donc remplacé parce qu'il était fatigué. Aujourd'hui, nous avions quatre attaquants de qualité et n'importe qui aurait pu marquer.» «Zaoui et Saïfi ont soudé pros et locaux» «Vous avez remarqué qu'il n'y a plus le clivage entre les pros et les locaux. Le travail commence hors du terrain, en créant une dynamique de groupe. Là, on peut voir des émigrés qui ne parlent que le français parler l'arabe et vice-versa. Cela fait plaisir. Si cela s'est fait, c'est parce qu'il y a eu des joueurs qui ont constitué des liens entre les deux bords et les ont soudés, comme Zaoui ou Saïfi. Aujourd'hui, vous remarquez qu'il y a un seul et même groupe. Je l'avais dit à tout le monde : Celui qui n'accepte pas de se fondre dans le groupe n'a qu'à partir. Nul n'est indispensable car je peux sélectionner des joueurs dans toute l'Algérie et même en France.» «Domenech a raison» «J'ai lu les déclarations de Raymond Domenech sur le fait que l'Algérie se fait former ses joueurs par la France et je dis qu'il a tout à fait raison. Je dirais même plus : dans cette période transitoire où il n'y a plus de clubs qui produisent de joueurs de haut niveau, nous devons remercier Dieu que nous ayons des joueurs qui ont été bien formés à l'étranger et qui jouent à l'étranger, sans que l'Algérie ne dépense un seul sou pour eux. L'émigration, non seulement pour l'Algérie, mais pour tous les pays, a quand même du bon dans cet aspect. Donc, nous devons nous estimer heureux d'avoir ces joueurs formés là-bas. Cela en attendant que le projet de refondation du football algérien se concrétise.» «Il faut prendre exemple sur l'Académie du PAC» «J'ai tenu une réunion avec Abdelhak Benchikha qui va prendre en mains la sélection A'. Nous tenons à ce que les joueurs locaux soient pris en charge plus sérieusement à travers des regroupements pour être la vraie antichambre de la sélection A. Nous sommes pour une formation à la base, avec le mérite comme seul critère. Pourquoi l'Académie du PAC a-t-elle réussi ? Pourquoi les gens prennent-ils du plaisir à aller regarder les matches de ces enfants ? Tout simplement parce que, là-bas, on a pris les meilleurs, sans favoritisme ni piston. C'est ce qui nous manque.» «J'ai dit à Hadj Aïssa d'aller à l'étranger, mais il ne m'a pas écouté» «Regardez à quel point Halliche a progressé depuis qu'il est parti en Europe. J'ai toujours encouragé les jeunes talents locaux à partir à l'étranger car je suis conscient qu'en Algérie, ils ne travailleront pas. Lorsque Adel Maïza était parti en Arabie Saoudite, j'ai été très content pour lui. Il a maigri et a progressé sur le plan tactique. J'ai encouragé Lazhar Hadj Aïssa à en faire autant, mais il ne m'a jamais écouté. Il est en train de perdre son temps. Ici, il lui arrive de ne pas s'entraîner, d'aller à Batna et de revenir jouer le jour du match. Est-ce sérieux ? Voilà comment ça se passe, malheureusement. Je demande toujours aux joueurs locaux de prendre exemple sur les pros, de les observer et de travailler comme eux. Voyez Lemmouchia : il apprend et travaille sans rechigner. Il ne se contente pas de ce qu'on lui donne. Il travaille en dehors des entraînements, au lieu d'aller parader en voiture, comme font les autres.» «Si Amri travaille et explose, je le reprendrai sans problème» «Ma philosophie, concernant les professionnels, est que ceux qui viennent soient nettement supérieurs aux locaux. En reprenant la sélection, j'avais constaté, en examinant le groupe de Jean-Michel Cavalli, qu'il y avait jusqu'à cinq joueurs au même poste. Il y avait un déséquilibre dans le groupe. J'avais Chadli Amri avec moi, mais il n'était pas performant à ce moment-là. S'il travaille, bouscule la concurrence et fait ses preuves, je le reprendrais sans problème. C'est comme pour Matmour : il n'avait plus fait partie de l'effectif à cause d'une blessure, mais il a travaillé et il a repris sa place. Halliche et Matmour, en une année, ont explosé. Comment ne les prendrai-je pas ? Donc, tout joueur qui fait ses preuves sera pris, qu'il soit pro ou non.» «Chaouchi a compris que c'est dans son intérêt de s'assagir» «Comme je l'ai dit, je suis pour la stabilité, la continuité et l'expérience, même au niveau des postes clef. Lorsque j'ai ramené un entraîneur des gardiens de but, je n'ai attaqué personne. Je dis seulement qu'il fallait que les gardiens de but internationaux travaillent davantage car ils ne travaillent pas assez. Pour moi, le choix de Gaouaoui comme titulaire est naturel car il est expérimenté et je n'avais aucune raison de le changer. Concernant Chaouchi, il s'est assagi et, pour le moment, cela se passe très bien avec lui. C'est dans son intérêt. J'ai toujours dit que c'est un gardien de but qui a beaucoup de qualités, mais il a des choses qu'il faut qu'il élimine. Nous sommes en équipe nationale, pas dans un club. Il y a une discipline collective qu'il faut respecter.» «Depuis 1986, je n'ai jamais voulu revenir» «Depuis 1986, je ne voulais plus revenir en équipe nationale. Je voulais protéger ma famille qui est à ce jour traumatisée. Lorsque j'avais pleuré l'autre jour, les gens n'ont pas compris. Des gens nous assaillaient même à la maison. Mon fils aîné, lorsqu'il entendait parler de match de football, perdait connaissance. Or, à chaque fois, on fait appel à moi pour dépanner. Je viens pour dépanner, mais je reste, mais je ne veux toujours pas rester. Quand je vais à l'étranger, je me dis : «Pourquoi travaillerai-je loin de chez moi alors que je peux être parmi les miens en Algérie ?» Après le Mondial-2010, je continuerai à servir le football algérien d'une manière ou d'une autre, peut-être comme DTN. Lorsque nous mettrons en place le projet de rénovation, nous verrons ce qui arrivera. Je travaillerai à n'importe quel poste. Je suis un formateur d'entraîneurs, un formateur de jeunes, un entraîneur… Je servirai d'une manière ou d'une autre.» Entretien réalisé par Farid Aït Saâda et Redouane Bouhanika