«Faire un bon match sans connaître ses coéquipiers, c'est qu'il a des qualités» «Je me souviens de Saïb à Monaco, vraiment un bon joueur» Trois gardiens de but ayant ou ayant eu le statut d'international, c'est un luxe que seul un club comme l'AC Milan peut se permettre. Flavio Roma, qui a fait l'essentiel de sa carrière en France, à l'AS Monaco plus précisément, a été recruté, il y a trois ans, par le club milanais pour constituer un palliatif de qualité en cas de défection d'Abbiati ou d'Amelia. Il a aimablement répondu à notre sollicitation, afin d'expliquer au public algérien l'esprit de l'AC Milan, un club où il ne fait pas bon de perdre. Vous avez plusieurs clubs dans votre carrière et divers championnats. Qu'est-ce qui fait, cependant, la particularité de l'AC Milan par rapport à d'autres clubs ? Il y a d'abord son palmarès, ce qui est déjà une chose importante. Ensuite, l'AC Milan est plus qu'un club de football. C'est une entreprise où, à chaque palier et dans chaque domaine, tout est réuni pour la réussite de l'équipe. Le joueur ne manque de rien, que ce soit dans sa vie professionnelle ou privée. Je ne sais pas, moi… C'est vraiment difficile à expliquer avec des mots. C'est quelque chose d'impressionnant quand on le vit de l'intérieur. Cela fait trois saisons que je suis là et je peux dire que, même si je suis italien et que j'entendais parler de l'AC Milan, j'ai bien vu qu'il y a un plus dans ce club. Nous avons des joueurs qui ont évolué dans de très grands clubs, comme le Real Madrid et le FC Barcelone et même eux disent que, l'AC Milan, ce n'est pas pareil. Il y a beaucoup de choses en plus au niveau de l'organisation et même au niveau des rapports humains. Les gens qui sont là et qui travaillent avec nous et autour de nous sont exceptionnels. Voulez-vous dire qu'ils sont plus que des employés, des «militants» ? Oui, c'est un peu ça. C'est particulier. Vous pouvez le constater par vous-même ici à Milanello, tout le monde s'investit pour l'équipe. Tu peux les appeler à n'importe quel moment de la journée quand tu as besoin de quelque chose, ils sont toujours disponibles et derrière toi pour t'aider. Dans un club comme l'AC Milan, où il y a obligation de résultats, la pression existe forcément, mais est-ce une pression positive qui fait transcender le joueur ? La pression ici est énorme. C'est normal, il s'agit de Milan. Si tu termines deuxième du championnat, c'est presque une défaite. Si tu sors de la Ligue des champions en quarts de finale ou en demi-finale, c'est une défaite. Si tu perds en finale de la Coupe d'Italie, c'est une défaite… C'est normal. Cette pression est positive, mais pas pour tous. Je pense que peu de joueurs, à cause de cette pression, peuvent jouer à l'AC Milan. La pression est énorme et constante. Elle est présente tous les jours, à chaque instant, à l'entraînement, dans les matchs et même dans ta vie de tous les jours. Moi, j'ai aujourd'hui un rôle différent de mes coéquipiers, mais je les vois être toujours sous pression du matin au soir. Confirmez-vous qu'à l'AC Milan, un joueur qui se rate dans un match même, après en avoir réalisé auparavant de très bons, peut payer ses erreurs ? Oui. C'est comme ça. Il faut toujours confirmer. C'est pour ça que je parle de pression. Hier (entretien réalisé vendredi, ndlr), nous avons gagné (contre la Lazio 3-1 en quart de finale de la Coupe d'Italie, ndlr), mais aujourd'hui, c'est fini et oublié. Cette victoire relève du passé et il faut penser à gagner le prochain match. Tu ne peux pas t'imaginer passer à côté d'un match. C'est la qualité qu'ont beaucoup de joueurs à l'AC Milan. Certains d'entre eux ont tout gagné dans leur carrière, que ce soit dans ce club ou avec d'autres, mais on les voit s'entraîner avec acharnement. Quand ils parlent, ce n'est pas pour évoquer les trophées de Ligue des champions qu'ils ont gagnés, mais pour parler des objectifs à atteindre absolument cette année. Ils disent qu'il faut gagner le championnat, la Coupe d'Italie et la Ligue des champions. C'est comme ça. Nous sommes là pour gagner. On remarque aussi la richesse de l'effectif de l'AC Milan. Pour preuve, les trois gardiens de but, dont vous faites partie, sont tous passés à un moment donné par la sélection d'Italie. Cela constitue-t-il le grand avantage de l'équipe ? Absolument. Dans un club qui veut tout gagner, il faut qu'il ne manque de rien. Par exemple, c'est Amelia qui a joué hier parce que Abbiati était blessé et il a très bien joué parce que lui aussi est habitué au haut niveau. C'est ça, l'AC Milan, chaque joueur doit avoir une doublure valable. Il faut pour Seedorf ou Ibrahimovic des remplaçants du même niveau qu'eux, parce que ce n'est pas évident de pouvoir jouer tous les matchs. Milan ne peut pas se permettre d'avoir un manque de joueurs de haut niveau. Un joueur algérien, Djamel Mesbah, est arrivé à l'AC Milan durant le mercato. Aviez-vous entendu parler de lui auparavant ? Je le connaissais déjà parce qu'il a joué à Lorient, je pense… C'est vrai, il avait fait un passage de 6 mois là-bas… Voilà. Je me souviens de ce nom quand je jouais en France. Depuis deux ans, j'entendais parler de lui et je l'ai découvert à l'occasion des deux matchs que nous avons disputés contre Lecce l'année dernière. C'est un bon joueur. Hier (jeudi, ndlr), il a confirmé ses qualités parce qu'il a fait un bon match. De plus, il peut jouer derrière et au milieu du terrain. Il a les qualités requises pour jouer dans les deux postes et c'est important pour nous. Quand on vient d'un club modeste comme Lecce, qui était dernier du championnat, la priorité est-elle d'abord de travailler pour progresser ? Ici, tu es obligé de progresser et tu progresses forcément. Quand tu es entouré de 25 champions, tu ne peux que progresser. Si ça n'arrive pas, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas (rire). Je vois Mesbah à l'entraînement. Il travaille vraiment bien, est toujours très concentré. Tu vois du premier coup qu'il aime ce qu'il fait. De plus, il est assez réservé puisqu'il ne parle pas beaucoup… Oui, c'est vrai, il ne parle pas beaucoup et c'est pour ça que je dis qu'il est très concentré sur son travail durant les entraînements. Il est attentif aux consignes et à ce que font les autres. Avec votre longue expérience, voyez-vous en lui un joueur qui peut encore s'améliorer ? Oui. Dans la petite semaine passée avec nous, on voit que c'est un mec qui s'applique aux entraînements. Arriver à faire le match qu'il a fait hier, après deux ou trois entraînements avec nous, ça veut dire clairement que c'est un joueur qui a des qualités. Il a démontré ces qualités, mais il peut encore s'améliorer, c'est sûr. De plus, il ne connaissait pas bien ses nouveaux coéquipiers, la méthode du coach, le style de jeu, mais il a fait quand même un bon match. Cela veut dire qu'il peut faire mieux. Lorsque vous étiez à l'AS Monaco, vous aviez certainement croisé des joueurs algériens. Vous souvenez-vous de quelques-uns ? (Il réfléchit en soupirant) Il faut remonter à loin ! J'ai croisé beaucoup de joueurs algériens. Il y en avait un avec qui j'ai joué, Saïb, si je me souviens bien… Oui, Moussa Saïb avait joué quelque temps à Monaco sous la conduite de Didier Deschamps, en 2002… A l'époque, je ne connaissais pas bien le championnat de France ni les meilleurs joueurs qui y évoluaient, mais j'avais vu en lui un bon joueur. C'est par la suite qu'on m'avait dit qu'il avait été champion de France et qu'il avait joué en Espagne et en Angleterre. J'ai joué 6 mois avec lui, puis il avait eu des soucis avec le coach et a été écarté. Je ne peux pas citer d'autres joueurs algériens, car je ne me rappelle pas des noms, mais en France, c'est sûr que j'ai joué contre des Algériens. Ce qui est bien chez eux, c'est qu'ils s'adaptent bien en France et au niveau du championnat français. Certes, ils connaissent déjà la langue, mais c'était méritoire de s'imposer aussi sur le terrain. Je me souviens aussi que le magasinier à l'AS Monaco était un Algérien. C'est dire que je garde de bons souvenirs des Algériens de France. Même en Italie, ils sont plusieurs à s'être imposés en Serie A, car en plus de Djamel Mesbah, il y a eu Mourad Meghni à la Lazio, Hassan Yebda à Naples et Abdelkader Ghezzal à Cesena. Est-ce à dire que les joueurs algériens peuvent s'adapter en Italie ? Oui, parfaitement. Pour Ghezzal, je sais qu'il a fait le tour de plusieurs clubs, toujours en Serie A, ce qui démontre qu'il peut s'imposer. On pourrait dire que les joueurs algériens sont Européens. C'est clair qu'ils s'adaptent bien aux championnats en Europe. Il y en a aussi beaucoup en Allemagne. Pour moi, c'est une richesse pour ces championnats. A mon avis, les Européens doivent prospecter davantage en Afrique du Nord qui constitue un réservoir intarissable. Je pense que les Italiens n'ont pas encore conscience de cela. Ils commencent tout juste de découvrir les joueurs maghrébins. Beaucoup d'observateurs s'accordent à dire que les footballeurs algériens sont intrinsèquement pétris de qualités, mais qu'il leur manque une culture tactique. Pensez-vous que la Serie A pourrait leur convenir de manière à combiner leurs qualités techniques avec la formation tactique qui leur est prodiguée lors des entraînements ? C'est sûr qu'en Italie, un joueur va beaucoup progresser sur le plan tactique. Le travail qui est fait dans ce domaine est énorme chaque semaine, chaque jour et même chaque minute. Aujourd'hui, par exemple, nous avons fait de petits jeux de 5 contre 5 à dominance tactique. Il faut toujours faire attention à ton placement sur le terrain, à ce que tu fais. Ailleurs, on fait de petits jeux pour se régaler, mais pas ici. Hassan Yebda nous avait déclaré, lui qui est passé par Le Mans en France, Benfica au Portugal et Portsmouth en Angleterre, que le travail qu'il faisait à l'entraînement à Naples était complètement différent de tout ce qu'il avait connu… C'est vrai. L'Italie, c'est ça. Pour moi qui ai fait les centres de formation en Italie, c'est normal. J'ai grandi avec ça. On ne s'en rend presque pas compte. Quand tu vois les étrangers qui arrivent, même s'ils sont de très haut niveau, ils ont toujours des problèmes au début parce que le travail tactique ici est vraiment énorme. Savez-vous que beaucoup d'Algériens sont des admirateurs du football italien depuis toujours, de l'AC Milan (bien avant la venue de Djamel Mesbah), d'autres clubs et de la sélection d'Italie ? Oui et c'est sûrement parce que nous sommes méditerranéens. De plus, nous ne sommes pas très loin (rire). Les Algériens peuvent prendre l'avion à tout moment pour venir regarder des matchs en Italie. Ça fait plaisir, d'autant plus que ces derniers temps, il y en a eu Europe qui critiquent le niveau du championnat de Serie A. Pour moi, ce championnat reste toujours du très haut niveau. Espérez-vous remporter le triplé championnat-coupe-Ligue des champions cette saison ? Nous y travaillons depuis l'été dernier. Nous avions fait un stage de préparation athlétique et nous avions dit que nous viserions tout. Ici, on ne peut pas choisir de viser le championnat ou la Ligue des champions. On est là pour tout gagner, même les matchs amicaux et les tournois que l'on fait avant le début de la saison. Quand tu arrives à l'AC Milan, il faut que ça devienne une habitude, même si ce n'est pas évident. Tu n'as pas le choix. Un mot pour le public algérien qui vous connaît et qui est devenu, grâce à la venue de Mesbah, plus supporter de l'AC Milan qu'il ne l'était auparavant ? Je peux juste féliciter les Algériens parce qu'ils ont, je pense, de bons centres de formation puisqu'ils fournissent de bons joueurs à l'Europe. Quant à Mesbah, sa présence à l'AC Milan constitue un plus pour lui et, à mon avis, il va faire beaucoup de matchs ici.