«Les choses s'accélèrent au tour de moi. Je dois par conséquent prendre le train en marche, sous peine de me faire distancer par les événements.» Léo Messi ne se laisse pas griser par autant de succès. Le triple Ballon d'Or qui a tout raflé avec le Barça en 2010-2011 trouve toujours les ressources nécessaires pour se lancer à d'autres nouvelles conquêtes, dont la Coupe du monde Fifa 2014 serait la consécration suprême pour le génie qu'il est, avide de faire aussi bien avec l'Argentine qu'avec le Barça. Dans cette interview accordée au Time Magazine, le stratège du Barça parle de tout. De son arrivée précoce à Barcelone, de son compère Cristiano Ronaldo et de «son» Argentine à laquelle il reste attaché. Echange. Comme peut-on se motiver après avoir tout gagné la saison d'avant ? Je ne sais pas trop. Ce qui est certain, c'est que j'essaye chaque année de faire mieux que celle d'avant. Cela passe nécessairement par une remise constante de soi. J'oublie mes réalisations. J'oublie mes titres. Je crois en une chose : rien ne vient sans sacrifices. Comme je le disais, il faut à chaque fois se remettre en cause. Bosser et encore bosser. Après, je dois aussi m'adapter à la situation. Les choses s'accélèrent au tour de moi. Je dois par conséquent prendre le train en marche, sous peine de me faire distancer par les événements. Pour le moment, je ne réfléchis pas. Je vis ça normalement. Lorsque je prendrai ma retraite, j'aurais tout le loisir de penser à ce que j'ai fais. Y a-t-il au moins une explication à votre perpétuel progrès ? Franchement, je n'en sais rien. Je ressens, cela étant dit, que je m'améliore chaque saison. J'ai plus de confiance en moi. Je pense que le fait d'avoir commencé ce métier très jeune m'a beaucoup aidé. Aussi, je dois rendre hommage aux différentes écoles par lesquelles je suis passé. Aujourd'hui, je suis au Barça. Pepe Guardiola y est pour beaucoup dans ma maturité, notamment tactique. Grâce à lui, mon rôle est plus important dans l'équipe. Aujourd'hui, plus qu'hier, je pense à chaque fois à mon positionnement sur le terrain, surtout lorsque je ne suis pas en possession du ballon. C'est ce qui fait que je sois, je pense, meilleur. Votre hygiène de vie est-elle pour quelque chose ? Je n'ai jamais rien changé à mes habitudes. Je pense que mon amour pour le foot a fait que je lui consacre tout mon temps. Quand j'étais gamin, mes copains m'invitaient souvent à sortir, mais je refusais. Je préférais rester chez moi pour jouer au foot. Le lendemain, je sors tout seul ! Ce n'est pas que j'aime pas leur compagnie, loin de là, mais lorsque je suis concentré sur le foot, il est très difficile de me faire changer d'avis sur le moment. Comment un garçon de 12 ans peut-il consentir autant de sacrifices pour le football ? C'était par passion. Je savais à 12 ans déjà que j'allais être footballeur professionnel. Du coup, je ne pensais à rien d'autre. J'avais compris que pour atteindre cet objectif, il me fallait mettre le reste entre parenthèses. C'était un choix. J'ai dû quitter l'Argentine très jeune. Ça n'a pas été facile d'être séparé de ma famille. C'était changer carrément de monde ! Se faire de nouveaux amis, s'adapter à un nouvel environnement, j'ai fait tout ça pour le foot. Sur cette base, toute réussite vient au bout d'âpres efforts. C'est comme ça… Qu'en est-il de l'école du Barça, vous a-t-elle aidé à améliorer vos qualités intrinsèques ? Beaucoup, surtout au début. Je débarquais d'Argentine très jeune. A la Mazia , je trouve des jeunes venus de divers horizons. J'ai dû m'adapter. La vérité, j'ai été bien accueilli. On m'a aidé à m'intégrer. Des années plus tard, je me remémore les bons moments que j'ai vécu à la Mazia. Nos avons tissé des liens d'amitié indéfectibles. Bien que beaucoup aient pris des chemins différents, on est restés amis à ce jour. Comment préparez-vous vos matches ? De la même façon. J'accorde la même importance à tous mes matches. Pour moi, il n'y a pas de différence entre une rencontre de Coupe du monde et une de Coupe d'Europe, ou de Coupe du Roi. Je suis un joueur professionnel et de ce fait, je respecte tous les adversaires que j'affronte. Est-ce que jouer pour la sélection ou pour le club est la même chose ? Non, la proche est complètement différente. La pression est la même, mais l'ambiance, le contexte sont différents. En sélection, on a d'autres sensations. Ce que j'ai vécu avec la sélection d'Argentine lors de la Coupe du monde Fifa 2010 en Afrique du Sud est vraiment incroyable. J'ai appris qu'un groupe soudé et homogène est le plus important dans un tournoi de cette envergure. Aimez-vous concurrencer Cristiano Ronaldo pour le titre de Meilleur joueur du monde ? Pas du tout. Je n'aime pas défier Ronaldo, ni aucun autre joueur d'ailleurs. J'essaye chaque saison de donner le meilleur de moi-même pour marquer le plus grand nombre de buts, m'améliorer individuellement pour ainsi être utile à mon équipe, sans pour autant me soucier de ce que font les autres. Bien qu'il ne soit pas là avec nous, je suis prêt à parier que Ronaldo aussi raisonne de cette façon. Ce qui se dit dans la presse à ce sujet est un petit peu exagéré à mon sens. Vous le voyez comment ? Qui ? Ronaldo … Un gars généreux. Un grand joueur aussi qui apporte beaucoup pour son club. C'est un exemple de gars qui peut tout faire au cours d'un match. Mais lorsque Ronaldo marque, vous essayez d'en faire autant… Pas du tout. Ce n'est pas une obsession. J'essaye d'être toujours bon particulièrement face au Real, parce que c'est notre concurrent pour le titre, mais contre Ronaldo, non. Dans ce genre de matches, comment est la défaite ? Amère ! Je suis un compétiteur né. Je suis donc dans un état second lorsque je perds un match. Quand je perds, je deviens fou ! Je ne parle à personne. Je dis bien à personne. Je me sens vraiment mal que je me pose des questions sur mon rendement, les raisons de la défaite et d'autres aspects que mon statut de joueur professionnel m'oblige à analyser. Vous êtes dans cet état jusqu'à… Jusqu'au match d'après. C'est pour que je trouve qu'on doit jouer sans continuellement. Ça m'aide à passer à autre chose. La défaite provoque chez moi un sentiment de déprime. Je n'aime pas quand ça perdure. Ça devient critique. On vous accuse de ne pas avoir le même rendement en sélection qu'en club, ça vous agace que le Messi de la sélection soit tout le temps comparé au Messi du Barça ? Beaucoup. Cette comparaison est devenue carrément insupportable dans la mesure où ce qui se dit à ce sujet est complètement faux. Je n'aime pas qu'on dise de moi que je ne mouille pas le maillot de l'Argentine. C'est faux ! Je ne raisonne pas de cette manière. C'est ce que les gens doivent comprendre, le style pratiqué en sélection est complètement différent de celui du Barça. C'est peut-être la raison qui fait que je suis pas aussi… disons différent. Après, que les gens sachent que j'essaye toujours de donner le meilleur de moi que ce soit avec le Barça ou avec la sélection. Certains disent que vous avez oublié l'Argentine du fait que vous l'avez quittée à 12 ans pour le FC Barcelone, que leur répondrez-vous ? Je n'ai pas oublié l'Argentine. Je suis fier de mon pays et de mes origines. Je dis souvent que Barcelone, c'est chez moi du fait que j'y suis depuis l'âge de 12 ans. Les gens là-bas me considèrent comme l'un des l'autres et c'est réciproque. Mais cela ne veut nullement dire que je renie mes origines. L'Argentine est dans mon cœur. Les ponts n'ont jamais été coupés. Comment réagissez-vous au propos de ceux qui minimisent de votre attachement à l'Argentine ? Ça m'affectait avant. Les chaînes me critiquaient beaucoup. Plus maintenant. A voir comment je suis accueilli à chaque fois que je retourne en Argentine, cela prouve que j'aime mon pays. Votre notoriété ne vous a-t-elle pas fait prendre la grosse tête ? Non. Je suis resté le même. Les principes auxquels m'ont élevé mes parents sont mon cheval de bataille. Le respect des autres est quelque chose de sacré chez moi. La simplicité met les gens à l'abri de tout orgueil. La Coupe du monde est dans deux ans, y a-t-il chez vous une envie de faire taire définitivement vos détracteurs ? Je pense qu'il est temps pour que l'Argentine remporte la Coupe du monde. Personnellement, je serai présent au Brésil et j'aspire à donner le meilleur de moi-même pour aider mon pays à remporter le trophée. Après, il est certain que cela ne viendra pas sans sacrifices.