«Mourad a toujours eu un passeport algérien» «Saïfi, Messaoudi et son frère ont joué un grand rôle dans sa décision de jouer pour l'Algérie» Depuis la promulgation de la loi permettant aux joueurs ayant joué dans les différentes équipes nationales dans les petites catégories d'opter pour leur pays d'origine, on ne cesse en Algérie de parler de votre fils qui a déjà, par le passé, défendu les couleurs de la France, en participant particulièrement à une Coupe du monde des moins de 17 ans. Voudriez-vous nous parler de votre fils, de son enfance, de ce qu'il a emmagasiné comme souvenirs, puisqu'il lui est arrivé à plusieurs occasions de venir passer ses vacances dans le pays de ses ancêtres ? Que voulez-vous que je vous dise, si ce n'est qu' El Heddaf a déjà eu l'occasion de le mettre en Une en 2000, la veille d'un match que notre équipe nationale devait disputer contre le Maroc à Casablanca. Mourad, qui est le cadet de mes enfants, a vécu une enfance des plus normales avec bien sûr des séjours fréquents en Algérie. Mais ces dernières années, il n'a pu venir se ressourcer au pays faute de temps. * Est-ce en raison de ses obligations professionnelles ? Pas particulièrement. D'ailleurs, ses dernières vacances il les a passées en Egypte. Et là, je préfère ne pas m'étaler sur les véritables raisons qui l'ont contraint de faire un choix entre son pays d'origine et un autre. Ma foi, le commun des mortels est en mesure de trouver la réponse idoine. * Ce ne serait pas lié avec la situation sécuritaire de l'Algérie ? Exactement. En effet, Mourad avait l'habitude de passer ses vacances en Algérie dans les années 90, lorsque le problème sécuritaire ne se posait pas. Je ne vous cache pas par ailleurs que les problèmes inhérents aux réservations qui demeurent un point noir en Algérie l'ont quelque peu dissuadé de venir passer des séjours en Algérie. Pour vous dire, j'ai eu les plus grandes peines du monde à programmer mon prochain séjour en raison des problèmes qu'on rencontre pour trouver une place par avion. Pour toutes ces raisons, on préfère choisir d'autres destinations. * Quand serez-vous en Algérie ? Je serai à Alger le 16 juillet. Je me ferai aussitôt délivrer un acte de naissance pour compléter le dossier administratif de Mourad pour qu'il puisse opter définitivement pour son pays d'origine et rejoindre par là même ceux qui seront ses futurs coéquipiers en Equipe nationale. * Pourrait-on penser que son dossier est prêt ? Hier (entretien réalisé dimanche), j'ai eu une discussion avec Mourad qui est venu me rendre visite. Il m'a affirmé qu'il avait reçu un courrier électronique de la FAF comportant les pièces à fournir pour constituer son dossier. Il doit joindre entre autres une demande manuscrite justifiant son désir d'opter pour l'Algérie, son extrait de naissance, le mien, deux photos, une photocopie de nos passeports. * Aurait-il un passeport algérien ? Je vous surprendrai en vous répondant par l'affirmative. D'ailleurs, je tiens à vous assurer qu'il le garde jalousement depuis sa tendre enfance. Pour l'anecdote, je vous dirai qu'il a souvent égaré son passeport français à trois reprises. * A-t-il terminé avec les formalités administratives ? Oui, puisqu'il a rédigé la demande et il ne me reste qu'à lui faire parvenir mon extrait de naissance. * Sincèrement, pensez-vous qu'il est vraiment motivé pour défendre les couleurs de l'Algérie ? Je vous assure qu'il était aux anges quand il a pris connaissance de la décision de la FIFA. Sa joie était indescriptible et celle de son frère Saïd encore plus. Ce dernier a vraiment l'Algérie dans le sang. C'est un véritable chauvin. Je vous avoue qu'il a été pour beaucoup dans le choix de Mourad sans oublier aussi le rôle de Rafik Saïfi qui a trouvé les mots qu'il faut pour inciter Mourad à envisager l'aventure avec son pays d'origine. * Voulez-vous nous parler du rôle de Saïfi dans cette affaire ? Saïfi et Mourad ont tissé des liens qui se sont raffermis du temps où mon fils jouait à Sochaux. Saïfi n'arrêtait pas de lui parler de l'Algérie, surtout de l'ambiance qui prévalait en équipe nationale. Il faut dire que la rencontre avec Messaoudi, l'ancien joueur du Mouloudia auquel il a rendu visite dans une clinique italienne a provoqué en lui cette envie d'espérer un jour vêtir le maillot vert. C'est en un mot grâce à Saïfi, Messaoudi et Saïd qu'il a répondu favorablement au souhait de Raouraoua de le voir porter les couleurs nationales. * Quand a eu lieu la première entrevue entre Raouraoua et Mourad ? Il y a de cela une année, avant que Raouraoua ne prenne une nouvelle fois attache avec lui, deux jours après la promulgation de la nouvelle loi de la FIFA permettant aux joueurs jouissant de la double nationalité d'opter pour leur pays d'origine. Depuis, il a eu des discussions avec le président de la Fédération mais aussi avec Saâdane. Les entretiens qu'il a eus avec le président et le sélectionneur l'ont conforté dans son désir de jouer pour son pays d'origine. * Saâdane lui a-t-il parlé du prochain stage en prévision du match amical que devra jouer l'équipe nationale le 12 août ? A vrai dire, je n'en sais rien. Mais ce que je sais, c'est que Mourad attend un signe de Saâdane pour se manifester. D'ailleurs, je pense que le sélectionneur ne tardera pas à le faire, puisqu'il en a déjà parlé à la presse et même à la radio. En prévision de ce match, Mourad m'a demandé s'il y avait une desserte directe entre la Chine et l'Algérie. * Pourquoi vous a-t-il posé cette question ? Parce qu'il sera en regroupement précompétitif en Chine, avec la Lazio de Rome qui participera à un tournoi qui coïncidera avec le match amical que l'équipe nationale doit jouer contre le Cap-Vert. Il aimerait donc bien savoir s'il pourrait rejoindre les Verts en temps opportun. * Selon vous, qui est responsable de la situation dans laquelle se trouve actuellement Mourad qui pouvait bien faire partie de l'équipe nationale depuis belle lurette ? Personnellement, je ne peux accuser personne. Je vous dirais cependant que personne n'a daigné penser à lui jusqu'au jour où il a été transféré à Bologne, après un passage à Claire-Fontaine. Depuis, les organes de presse et même certains hommes politiques, le ministère aussi ont pris le relais pour évoquer cette nouvelle déperdition. Mais malheureusement, personne n'a véritablement fait bouger les choses. Le comble, c'est que le consul d'Algérie à Vitry m'a contacté juste pour savoir si j'étais algérien. * Lui avait-on au préalable fait la proposition de jouer pour l'Algérie ? Le premier à s'être renseigné sur lui n'est autre que l'ancien capitaine de l'équipe nationale, Fergani en l'occurrence. Il m'a appelé pour savoir si Mourad pourrait jouer pour l'Algérie, du temps où il était à la tête de l'EN. Mais depuis, il n'y a pas eu de suite, Fergani ayant évidemment quitté l'EN. * Qu'avez-vous ressenti quand Mourad a été convoqué en équipe de France ? En toute franchise, j'étais le plus heureux des hommes. Je ne voulais en aucun cas le dissuader ou l'empêcher de porter le maillot tricolore. Je n'ai pas pour habitude de m'immiscer dans ses affaires. D'ailleurs même s'il m'avait consulté, je l'aurais encouragé à opter pour la France. En Algérie, on attend toujours que le fruit soit mûr pour qu'on daigne le cueillir. C'est le cas de mon fils qui a été carrément ignoré par les responsables algériens. Il a fallu qu'il se fasse un nom en équipe de Fance pour qu'on pense à lui. Pourquoi ne crée-t-on pas une cellule de prospection pour détecter nos talents émigrés susceptibles de défendre l'Algérie avant que ces jeunes ne soient accaparés par la France ? Le comble, c'est que certains s'érigent en moralisateurs allant jusqu'à traiter de fils de harkis les jeunes qui sont convoqués en équipe de France. Les footballeurs issus de l'immigration choisissent le challenge sportif avant toute autre considération. Zidane en est l'exemple le plus frappant. J'irai jusqu'à dire que même les joueurs nés et formés en Algérie ne cracheraient pas éventuellement, si l'occasion se présentait à eux, pour une aventure européenne. * Mourad aurait-il répondu présent, si on l'avait convoqué en équipe nationale avant qu'il n'explose ? Sincèrement, je ne puis vous répondre. Et même si c'était le cas, avec qui allait-il jouer ? Dans quelles conditions allait-il le faire ? Je reconnais que beaucoup de choses avaient changé au sein de la fédération, mais le flou était toujours de mise. Actuellement, nous possédons désormais des sélections dans toutes les catégories, c'est déjà un grand pas en avant. Maintenant, nous avons une équipe des U17 qui a fait bonne figure en Coupe d'Afrique. Etait-ce le cas du temps où Mourad avait 17 ans ? * Le fait qu'on dise que Mourad était sur le point d'opter pour la France ne vous indispose-t-il pas ? J'ai déjà entendu de tels propos. Vous n'êtes pas sans savoir qu'en France, si l'on devait choisir entre Mathieu et Mourad, on choisirait le Français. Une chose est sûre, c'est que Mourad s'est imposé grâce à son talent et à ses qualités techniques. Il a bien été champion du monde des moins de 17ans. N'étaient les blessures à répétition, il serait actuellement en équipe de France. * A-t-il suivi les dernières prestations de l'équipe nationale ? Sans l'ombre d'un doute. Il a vibré comme tous les Algériens et je tiens à porter à votre connaissance qu'il suit avec beaucoup d'intérêt tout ce qui se passe au niveau de la sélection, même s'il a d'autres préoccupations depuis la venue au monde de son fils. Personnellement, je suis perpétuellement à l'écoute de toute l'actualité footballistique en Algérie et en contact permanent avec des amis, particulièrement Rabah Ziani, le père de Karim, qui est un ami de longue date, disons depuis que j'accompagnais Mourad, alors que lui le faisait avec Karim. * Mourad sera bientôt convoqué en équipe nationale en compagnie de Yebda. Sont-ils en contact ? Ce sont des amis intimes et ils sont en contact permanent. Il ne faut pas oublier qu'ils ont été ensemble sacrés champions du monde. Je suis convaincu que leurs discussions ne tournent qu'autour de la sélection nationale. Pour terminer, peut-on dire que vous êtes un homme heureux ? Mais bien sûr ! Je dirais cependant que le plus heureux c'est Saïd, mon fils aîné. Entretien réalisé par C.K.