Jérôme Alonzo : «C'est un artiste du ballon» Jean-Claude Darcheville : «Djamel est notre maître à jouer à Nantes» Jérôme Alonzo : «C'est un artiste du ballon» Qui mieux que ses partenaires peut juger de l'efficacité de Djamel Abdoun ? Lorsqu'on a été le voir à Nantes, le nouvel international algérien nous a ramené deux de ses coéquipiers les plus chevronnés pour nous parler de lui. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Jérôme Alonzo et Jean-Claude Darcheville ont fait de la microchirurgie avec le profil de Djamel Abdoun. Appréciez la justesse des jugements. * Jérôme, un petit mot sur votre ami Djamel ? Djamel, c'est la perle barbue (il se marre un bon coup). Non sérieusement, pour moi et comme je le dis souvent, Djamel est un artiste, c'est donc difficile de dissocier l'homme de l'artiste qu'il est. C'est quelqu'un de très intéressant et attachant à la fois. * Comment qualifiez-vous son jeu ? Djamel joue tout simplement comme il vit. C'est-à-dire tantôt bien, tantôt moins bien. Il va au rythme de son humeur. Le matin, lorsque j'arrive au vestiaire, je sais tout de suite si Djamel est en forme ou pas. On se connaît bien et on se comprend du regard. * Comment le comprenez-vous ? Une simple poignée de main, un regard ou un mot et on voit tout de suite si on va passer une belle journée ou pas. Et moi, je suis un peu comme lui ; on est des gens d'instinct, on aime notre métier et c'est pour cela qu'il y a des jours où on est moins bons. On n'aime pas se forcer, quoi. C'est ça les artistes, il faut les laisser faire. C'est le cas de Djamel, il faut le laisser faire. Si un jour je deviens son entraîneur, premièrement il va en chier (il se marre) et deuxièmement je lui foutrai la paix. C'est ce que Gernot Rohr a décidé de faire cette saison et on voit bien le résultat. * Que pourriez-vous dire par exemple sur Djamel pour aider le sélectionneur national à cerner un peu son profil ? D'abord, je voue un grand respect au sélectionneur algérien, je sais que je n'ai pas de conseil à lui donner, mais si ça peut l'aider, je dirai que Djamel n'est pas un coup pour ces deux derniers matches qui restent avant la Coupe du monde. Il ne faut pas le percevoir comme un joueur pour deux matches d'urgence, mais plutôt comme un cadre de l'équipe d'Algérie pour la décennie à venir. Il est encore très jeune et loin d'être mûr. C'est même son défaut. Djamel est encore un enfant, un jeune artiste. * A ce point ? Oui, mais lorsqu'il aura mûri, quand il aura compris qu'il faudra souffrir sur le terrain, qu'il faut aussi défendre sur le terrain… là il sera au top. * Il défend moins ? Il défend, mais lorsqu'on lui donne des coups de pied dans le derrière. Sinon, il a du mal à le faire. La saison dernière, il a fait un match référence pour moi, c'était à Monaco. C'est marrant parce qu'il n'aime pas ce match. Il dit : «Je n'ai fait que défendre pendant tout le match !» Et pourtant, c'était son meilleur match de la saison. C'est bien de provoquer, de faire rêver les gens comme il le fait. Il va falloir qu'il apprenne à se donner plus en défense, car le football moderne, malheureusement, ce n'est pas que le rêve. * Son tempérament un peu fougueux ne risque-t-il pas de le desservir quelque part ? Djamel est quelqu'un qui aime trop le ballon. Il le réclame à tout instant. C'est clair, souvent à l'entraînement, on dit qu'il faut qu'on lui achète un ballon à lui tout seul, parce qu'il veut tous les ballons (il se marre encore). Si vous mettez un micro pendant notre entraînement, vous n'entendrez que la voix de Djamel qui engueule ou qui réclame le ballon. Mais, plus sérieusement, Djamel est quelqu'un de très attachant. C'est juste un joueur qui aime jouer avec le ballon. C'est son pinceau, c'est comme un peintre, il en est amoureux. * C'est parce que Djamel est un passionné qu'il n'aime pas perdre, non ? C'est sûr qu'il n'aime pas la défaite. C'est un grand passionné. Sur le terrain, il se donne à fond, il ne triche jamais. Tout le monde sait qu'il peut avoir des relations conflictuelles dans les vestiaires ou sur le terrain, parce que Djamel dit les choses en face des gens. Quand quelque chose ne lui plaît pas, on le sait tout de suite. Il est trop franc. Mais, dans le monde d'aujourd'hui, cela ne plaît pas trop à tous. Mais si on sait comment le prendre, il est adorable. * Ça risque de le desservir dans un groupe où il n'y a que les meilleurs des clubs, comme en sélection. . . C'est à lui d'être intelligent et de se fondre dans le groupe sans faire de bruit. Il ne faut pas qu'il arrive en terrain conquis. Il va falloir qu'il respecte les anciens et leur vécu. Les premiers jours, il va falloir qu'il se fasse tout petit, mais pas sur le terrain. Je parle dans les vestiaires, à l'hôtel, dans l'avion et dans son attitude. C'est à lui de ne pas faire le gamin et de respecter les gens autour de lui. * Pensez-vous que Djamel a le mental pour intégrer l'équipe d'Algérie ? Djamel a un niveau largement supérieur à la moyenne, et je ne vois pas de raison pour qu'il ne réussisse pas en équipe d'Algérie. Vous savez, lorsque les joueurs vous aiment, ils feront tout pour vous. Surtout quand on joue à son poste, le mec derrière lui viendrait l'aider à défendre et à couvrir ses lacunes. S'il se fait aimer des autres joueurs, Djamel fera une très grande carrière avec l'Algérie. Il n'y a pas de doute. * Vous avez connu des joueurs algériens comme Mohamed Benhamou au PSG. Que gardez-vous d'eux ? Ah, Momo ! J'espère qu'il va bien. Je l'ai eu au téléphone il y a près d'un an. Il joue toujours en Algérie ? * Oui, il a changé de club un peu tardivement. C'est pour cela qu'il n'a pas été retenu en sélection… Je ne garde que du bien de lui. On a fait notre plus belle saison ensemble au PSG, quand on a fini deuxième au classement. Quand Lionel Letizi était blessé, c'est lui qui était sur le banc avec moi, notamment une victoire au Vélodrome contre L'OM. Momo, je le comparais à Jérémie Jeannot de Saint-Etienne dans le gabarit, dans le type de jeu. C'est vrai que j'étais très content pour lui l'année dernière quand il m'a appris qu'il avait repris sa place en équipe d'Algérie. Momo a sa place dans n'importe quel club de Ligue 2 en France. En tout cas, si un jour il veut revenir en France, je serai prêt à l'aider à retrouver un club ici, parce qu'il a le talent pour. Il y a eu aussi Ali Benarbia avec lequel j'ai joué une année. Les Algériens sont en général très techniques, à l'image de tous les Maghrébins. * A l'image des joueurs que l'Algérie a perdus au profit de la France comme Zidane, Nasri, Benzema ou Meriem… C'est sûr que le Maghreb et l'Algérie notamment ont offert beaucoup de grands joueurs au football français, qu'ils aient joué ou pas pour l'équipe de France. Par exemple, quand j'étais petit, mon père était entraîneur de l'équipe réserve du PSG. Et une de mes premières idoles de l'époque était un certain Mustapha Dahleb. Mous m'a vu grandir, quoi ! Et puis, le hasard de la vie a voulu que je le retrouve à Nice en fin de carrière, alors que j'étais stagiaire au même club. Je ne vous raconte pas mon bonheur de l'avoir retrouvé dans le Sud. Dahleb, je le connais bien et je l'aime toujours comme un fan. De toutes les façons, je suis un grand admirateur du football africain en général. Je rêve de voir par exemple un Algérie-Cameroun à Alger. * Qu'est-ce qu'on peut lui souhaiter, à lui et à l'équipe d'Algérie ? Une belle qualification avant le dernier match pour aller en touristes en Egypte. J'espère que Djamel va gagner en constance et gagner sa place de titulaire avec l'équipe d'Algérie. Je suis sûr qu'il y arrivera, car il est pétri de qualités. Entretien réalisé à Nantes par Nacym Djender -------------------- Jean-Claude Darcheville «Djamel est notre maître à jouer à Nantes» * Que pensez-vous de Djamel Abdoun en tant que coéquipier ? En tant que partenaire, c'est une chance d'avoir un bon milieu de terrain comme lui, capable de nous faire de bonnes passes. A Nantes, Djamel c'est notre maître à jouer. C'est lui qui nous fait les belles passes et qui nous fait marquer. C'est un joueur qui nous donne beaucoup de bons ballons. * Il vous a donné combien de passes décisives à ce jour ? Il m'a donné beaucoup de bons ballons, mais je les ai tous ratés. Et du coup, il m'engueule tout le temps (il rigole). C'est vrai que si j'avais tout marqué, il serait encore plus largement en tête des meilleurs passeurs de la Ligue 2. * Et qu'en est-il de son tempérament fougueux ? C'est très bien d'avoir du tempérament, parce que si on veut réussir dans le haut niveau, il faut avoir un mental comme ça. Il nous engueule, mais il a raison de le faire. Mais il ne le fait jamais méchamment, Djamel est quelqu'un de très agréable à vivre. Son problème est qu'il n'aime pas la défaite et tant mieux pour nous. * Qu'est-ce que vous pensez de l'équipe d'Algérie ? Je connais beaucoup de joueurs de l'équipe d'Algérie et je trouve que c'est très solide ce qu'ils sont en train de réaliser. J'ai joué l'année dernière à Glasgow Rangers, avec Madjid Bougherra, et à Valenciennes, j'ai joué avec Djamel Belmadi. A Lorient, j'ai aussi connu Rafik Saïfi et bien d'autres. Maintenant, c'est aussi dommage que des Algériens comme Zidane, Benzema, Nasri ou Meriem aient choisi de jouer pour la France. Vous auriez eu une équipe de géants. Djamel a bien fait d'aller défendre les couleurs de son pays. Il y a eu trop de joueurs africains qui ont manqué au football africain. J'espère que la saignée va s'arrêter dans le futur. * Que pourrait apporter Djamel à l'équipe d'Algérie ? Ses passes lumineuses, sa hargne de jouer et son intelligence dans le jeu d'abord. Il a un gros volume de jeu aussi, avec lequel il va beaucoup aider l'équipe. J'espère qu'il va vivre de grands moments avec son pays car on m'a dit que lorsque l'Algérie gagne, le pays entier est retourné. J'espère qu'il aura l'occasion de vivre cette explosion de bonheur contre le Rwanda. Entretien réalisé à Nantes par N. D.