«Ce n'est qu'un match de football et celui qui mérite le plus d'aller en Coupe du monde gagnera la partie et représentera les Arabes en Afrique du Sud.» * Antar, comment va votre jambe aujourd'hui ? Al Hamdoulillah, les médecins qui m'ont opéré m'ont dit que tout s'est bien passé. Je suis en train d'effectuer la rééducation et je sens que ça va de mieux en mieux. En principe, je serai de retour à Sétif dans dix jours in cha' Allah. * L'Entente a fait un grand pas vers le titre africain à Casablanca. Vous avez vu le match ? Non, je n'ai pas vu le match, mais je me tenais au courant du score au fil des minutes. Je suis très content de ce match nul qui va augmenter nos chances au match retour. Nous avons une équipe très solide qui peut encore nous offrir ce titre et tant d'autres à l'avenir. * Et l'EN, vous la voyez faire quoi au Caire ? Je ne peux pas penser à autre chose que la qualification. Pour moi, notre équipe nationale mérite largement d'aller au Mondial sud-africain. Mais cela ne va pas être facile face au double champion d'Afrique. Les joueurs le savent sans doute et ils doivent garder en mémoire qu'ils vont jouer pour tout un peuple et non pas seulement pour eux. C'est de cette manière qu'on se motive un peu plus dans ce genre de confrontation. * Vous avez déjà vécu un match pareil et vous l'avez perdu au Caire. De quoi vous rappelez-vous le plus ? De la tension extrême qui planait autour de ce match. Nous avons été accueillis par une foule de chauvins qui a tout fait pour nous intimider. * Quelles sortes d'intimidations aviez-vous vécues alors ? Déjà à l'aéroport, la foule de supporteurs qui nous attendait était déchaînée. On criait de partout et on chantait des slogans à la faveur de leur équipe pour nous impressionner. Il a fallu que les services de police installent un cordon de sécurité pour nous frayer le passage vers notre bus. Mais même une fois dans le bus, les supporteurs se passaient le mot entre eux pour nous embêter. Ils nous avaient empêchés de rejoindre notre hôtel rapidement. * Que faisaient-ils pour vous embêter au juste ? Imaginez un peu ce que c'est de faire une heure et demie dans un trajet qui ne demande en fait qu'un quart d'heure ! Les voitures se mettaient exprès devant notre bus pour l'empêcher d'avancer. Et je ne vous raconte pas le délire dehors, avec ces klaxons et tous ces cris pour nous intimider. * Vous étiez impressionnés ? Il en fallait beaucoup plus pour nous impressionner. On les regardait plutôt avec amusement. C'était comme un spectacle qu'on nous offrait, c'est tout. Que pouvions-nous faire sinon avancer au rythme qu'on nous imposait ? Une fois à l'hôtel, on avait également subi d'autres dérangements comme la musique à fond le soir avec toutes ses troupes qui ne s'arrêtaient que tard la nuit. Les fêtes ne s'arrêtaient jamais. * Est-ce que les supporteurs vous avaient insultés ? Personne ne nous a insultés, il faut le reconnaître. Ils nous criaient dessus pour nous intimider, ils chantaient les slogans de chez eux, mais jamais de méchanceté. Pour moi, c'était de bonne guerre. * Et une fois sur le terrain ? Là, c'était autre chose. Dès lors qu'on avait mis les pieds dans les vestiaires, on était tous dans notre match, titulaires et remplaçants. * A quoi on pense au moment où on commence à s'habiller et se préparer pour un match aussi décisif ? On pense surtout à ne pas perdre et à la victoire. On pense au bonheur qu'on va ressentir si on parvient à gagner. Les joueurs de l'équipe nationale d'aujourd'hui vont sans doute penser aux mêmes choses. Ils doivent se rappeler à tout instant qu'il y a tout un peuple qui attend la délivrance qui attend la qualification pour le Mondial pour sortir défiler aux quatre coins du pays et même de la planète. C'est à cela qu'on pense lorsqu'on est dans les vestiaires. * Est-ce que le public du Caire est plus impressionnant que d'autres ? Vous savez, lorsque vous avez 20 000 ou 100 000 supporteurs qui soutiennent votre adversaire du jour, c'est du pareil au même. Une fois sur le terrain, le match ressemble à tous les autres, avec tout ce que cela englobe. Le stade du Caire n'est pas plus impressionnant que les autres. Mais il suffit que Ghezzal et ses camarades enchaînent deux ou trois actions rassurantes pour refroidir tout le stade aussi plein soit-il. * Vous avez gagné contre le Ahly devant 100 000 spectateurs et perdu contre l'Egypte avec l'EN. Vous pouvez nous parler de ces deux matchs ? Avec l'EN, j'avais remplacé Larbi qui s'était blessé après seulement cinq minutes de jeu. La pression du début de match est toujours importante face aux Egyptiens. Il faut rester extrêmement vigilant pour ne pas fléchir, car les joueurs égyptiens usent de tous les moyens pour énerver leurs adversaires. Mais malheureusement, on n'a pas réussi à se qualifier. Avec l'Entente par contre, on avait réussi à les éliminer aux penalties. J'en avais arrêté deux et on a pu apprécier le silence du Caïro-Stadium à la fin du match. C'est cela que je souhaite du fond du cœur à Saâdane et ses joueurs. * Que faisaient sur le terrain les joueurs égyptiens pour vous énerver ? Ils tirent le maillot sur les corners, ils vous insultent et peuvent même vous dire des grossièretés pour vous pousser à commettre la faute. Ils savent que les Algériens réagissent au quart de tour. C'est cela que nos joueurs doivent éviter. * Vous avez joué contre Ahmed Shoubeïr. Quel souvenir gardez-vous de ce gardien de but ? C'était un excellent gardien de buts, mais aussi un vrai gentleman. Après avoir battu Al Ahly en 1988 en ½ finale avec l'ESS, Shoubeïr est venu nous voir dans le vestiaire pour nous serrer la main et nous féliciter pour notre victoire. Ce comportement en dit beaucoup sur ce monsieur. Il est le symbole du frère égyptien. J'en garde une image très forte. * Entre Gaouaoui et Chaouchi, vous auriez titularisé qui ? Sans diminuer des qualités de Chaouchi qui est également excellent, on ne peut pas écarter un gardien de but de la trempe de Gaouaoui. Il faut qu'il soit rassuré pour donner le meilleur de lui-même. Lounès est en pleine confiance et il a prouvé lors des derniers matchs qu'il est capable de sauver l'EN par ses prouesses. * Quels conseils avez-vous à donner à Gaouaoui ? Il faudrait qu'il soit persuadé qu'il constitue à lui seul 50% de l'équipe. Il doit prendre ses responsabilités et s'imposer sur toutes les balles. Il est fort et rassurant. Face aux Egyptiens, il faudra qu'il reste concentré pendant toute la partie. Il faut aussi qu'il fasse encore plus attention sur les balles arrêtées car les joueurs égyptiens ne se gêneront pas de lui tirer le maillot ou de le pousser à l'erreur même si l'arbitre n'est pas loin. Ce sont des pratiques qu'il connaît en principe, car il est très expérimenté. Avec Gaouaoui dans les buts, je n'ai aucune crainte pour l'EN. * Où réside la clé du match selon vous ? Ce match sera très difficile pour les deux équipes. A mon sens, la clé du match reposera sur la façon par laquelle Rabah Saâdane va préparer ses joueurs mentalement. * Les trois points d'avance que nous avons peuvent-ils déstabiliser les Egyptiens ? Les trois points d'avance sont très importants. Il vaut mieux les avoir pour nous que contre nous. Cependant, il ne faut pas que nos joueurs partent trop confiants. Car les Egyptiens ne vont rien lâcher dans ce match. Il faut leur imposer le respect pour qu'ils reconnaissent que notre rage de vaincre est supérieure à la leur. * Que pensez-vous de ceux qui veulent salir l'image des Algériens ? Notre histoire est connue. On n'attend pas que des charlatans nous l'apprennent. Ceux qui veulent semer la zizanie entre les Algériens et les Egyptiens répondront devant Dieu de leur comportement. A vrai dire, ce n'est qu'un match de football et celui qui mérite le plus d'aller en Coupe du monde gagnera la partie et représentera les Arabes en Afrique du Sud. Si les Egyptiens sont plus forts que nous, on leur souhaite bonne route vers la Coupe du monde et s'ils n'arrivent pas à nous battre loyalement, qu'ils nous cèdent le chemin en toute sportivité et avec le fair-play qui s'impose. Que le meilleur gagne, un point c'est tout ! Entretien réalisé par Nacym Djender