Il a gagné 17 titres en 6 ans avec Al Ahly «L'Egypte est ma seconde patrie, mais c'est l'Algérie qui passera» La sélection d'Egypte, c'est de notoriété publique, est composée essentiellement des joueurs d'Al Ahly au point où les détracteurs de Shehata n'hésitent pas à narguer le sélectionneur des Pharaons en lui disant que son seul mérite c'est d'avoir su tirer profit du grand travail de Manuel José. Le Buteur a réussi à joindre l'homme par qui les plus grands succès d'Al Ahly sont arrivés. En six ans, Manuel José, qui a été derrière l'éclosion d'un certain Luis Figo lorsqu'il entraînait le Sporting, a remporté pas moins de 17 titres dont 4 ligues des champions avec Al Ahly. Pour les Egyptiens, le Portugais connaît le mieux les meilleurs joueurs de la sélection. Nous l'avons confirmé dans l'entretien qu'il nous a accordé depuis Luanda où il prépare l'Angola pour la CAN-2010. * Comment voyez-vous de loin le match du 14 novembre entre l'Egypte et l'Algérie ? Ah, c'est un match auquel j'aurais aimé assister sur place. L'ambiance va sans doute être extraordinaire. Il s'agit d'un match entre le double champion d'Afrique et l'Algérie qui n'arrête pas d'étonner tout le monde depuis le début des éliminatoires. Ce sera très difficile pour les deux équipes. Je sais qu'il y a déjà une tension extrême entre les médias des deux pays avec beaucoup de débordements de part et d'autre. Mais c'est le football et la passion qu'il génère autour qui en sont la cause. Pour moi, c'est un peu normal tout ça tant qu'il n'y aura aucun dérapage le jour du match. * Et pensez-vous justement qu'il y a des risques de dérapage ce 14 ? Franchement non. Car la sécurité sera omniprésente. N'oubliez pas qu'il s'agit d'un match décisif pour un billet en Coupe du monde. Au moindre dérapage, l'Egypte risque la disqualification. Et je pense que M. Samir Zaher en est parfaitement conscient. Il sait qu'il n'a pas le droit à l'erreur s'il veut éviter des sanctions de la FIFA. * Vous avez sans doute eu l'occasion de voir l'équipe d'Algérie évoluer. Qu'en pensez-vous précisément ? L'Algérie n'est pas une équipe très forte, mais elle a la particularité d'être complémentaire à tous les niveaux. C'est ce qui fait sa force. Les Algériens jouent beaucoup avec le cœur et leur volonté peut leur permettre de soulever des montagnes. Vous avez de vrais battants qui ont la formidable capacité de rester concentrés pendant tout le match. Ceci est très important en vue de la confrontation du 14. * Vous encensez beaucoup les Algériens ! Non, je ne dis que ce que je pense. Je me base sur ce que j'ai vu de cette équipe. Ils peuvent encaisser un but prématurément et ne pas s'affoler par la suite. Ils savent gérer leurs efforts et rester concentrés. C'est un élément qui aide dans ce genre de match. * Pensez-vous que l'Egypte a des chances de marquer trois buts aux Algériens ? (Il sourit.) Je suis un peu gêné de dire avec regret que je ne vois pas les Egyptiens marquer trois buts aux Algérins. Sincèrement, cela relèverait du miracle. Ce n'est pas parce que l'Egypte est moins forte, mais il faut rester réaliste. Ils doivent marquer non pas un ou deux buts, mais trois buts, mine de rien ! Vous comprenez pourquoi je suis sceptique ? * Mais pourquoi tous ces doutes ? Tout simplement parce que l'Algérie possède une défense compacte et très solide. Je ne vois pas comment cette défense qui n'a encaissé que deux buts dans ces éliminatoires va trouver le moyen de flancher si près d'une qualification au Mondial. Les défenseurs algériens sont très vigilants et concentrés. En plus de cela, il va falloir faire attention aux attaquants algériens qui peuvent surprendre à tout moment par des contres dont ils ont le secret. * Et l'équipe égyptienne ? Je pourrais paraître un peu pessimiste pour mes amis égyptiens, mais je dois rester honnête dans mes propos. Les attaquants égyptiens ne sont pas au mieux de leur forme depuis quelque temps. Même aujourd'hui, ils ne sont pas au point. Ils n'ont plus le même rayonnement qu'on leur connaissait pendant la CAN. Il n'y a que Mohamed Aboutrika qui pourrait faire la différence. Les espoirs de l'Egypte reposent totalement sur Aboutrika. Je ne vois pas qui pourrait inquiéter les défenseurs algériens à part lui. C'est pour cela que je ne vois pas les Egyptiens inscrire trois buts à l'Algérie. Pire encore, même deux buts seront durs à marquer contre l'Algérie. Je regrette de dire cela, mais c'est la vérité. 3 à 0, je ne le crois pas ! * Vous voyez donc l'Algérie aller au Mondial sud-africain ? (Il sourit un moment.) C'est une question embarrassante. Au fond de moi, il n'y a aucun doute. Je souhaiterais que l'Egypte aille en Coupe du monde, car j'ai beaucoup d'affinités avec ce pays. J'ai laissé là-bas d'excellents amis et beaucoup de souvenirs avec les joueurs. J'adore l'Egypte et les gens de là-bas. Vous savez, je considère l'Egypte comme ma seconde patrie. Mais il faut bien se rendre à l'évidence et rester honnête avec soi-même. Je ne vois pas l'Egypte barrer la route à l'Algérie. * C'est bien, vous êtes très réaliste… Je ne peux pas ne pas l'être car c'est une évidence. L'Algérie possède une équipe compacte et complémentaire, comme je l'ai dit. Vous avez des joueurs fougueux qui ne lâchent rien. C'est leur force et c'est toujours difficile de manier une équipe aussi vaillante. C'est le mental des Algériens qui fera la différence, pas leur jeu. Et cela, toute l'Egypte le sait. Non, les Algériens désirent cette qualification plus que les Egyptiens et cela se sent depuis le début de ces éliminatoires, mais aussi sur le terrain. Ils se battent, se battent et n'arrêtent pas de se battre sans relâche sur le terrain (sic). * La qualification relève donc du rêve pour les Egyptiens, c'est ça ? Oui, vous pouvez le dire. Ça relève du rêve en effet. * On dit que vous avez quitté l'Egypte par la petite porte. Certains vont croire en lisant cette interview que vous êtes en train de prendre une revanche sur ceux qui vous ont viré d'Al Ahly ? Comment ? Moi, viré par la petite porte ? Qui a dit cela ? C'est vraiment du n'importe quoi ! Je garde à ce jour d'excellents rapports avec mes amis égyptiens. Que ce soit avec les dirigeants d'Al Ahly ou alors avec la Fédération. Samir Zaher est un très bon ami. Nos relations sont fantastiques. Je n'ai aucun problème avec quiconque là-bas. Je vous dis que l'Egypte est mon deuxième pays. * Certains disent que Shehata est en train de profiter de votre travail à Al Ahly. Qu'en pensez-vous ? Ah, c'est un bon point pour moi si ce que vous rapportez est vrai. Non, je pense n'avoir fait que mon travail à Al Ahly. Les gens parlent beaucoup et il ne faut pas donner plus d'importance qu'il n'en faut à ce genre d'imbécilités. Vous savez, c'est le devoir de tous les entraîneurs de club que de préparer les joueurs internationaux pour le sélectionneur. Je ne vois pas où réside le problème. * Ici en Algérie, on nous dit que les supporteurs égyptiens s'organisent pour empêcher les joueurs algériens de dormir en faisant beaucoup de bruit autour de l'hôtel. Qu'en pensez-vous ? C'est tout ce qu'il y a de normal. Les supporteurs agissent souvent de la sorte. Ce sont des débordements engendrés pas la passion qui règne autour d'un derby aussi important. Mais je ne pense pas que ça va empêcher les joueurs algériens de dormir. Lorsqu'on est fatigué, les yeux se ferment tous seuls. Lorsqu'on avait joué contre l'USMA à Alger, le public nous avait conspués tout au long du match. Mais dès le coup de sifflet final, ils nous ont applaudis en reconnaissant notre supériorité après notre victoire. Ça, c'est du fair-play et je dois dire mabrouk aux Algériens qui nous ont applaudis pour cette grande sportivité. J'espère que c'est cela qui va régner entre l'Egypte et l'Algérie le 14 novembre. * Pourrait-on vous arracher un pronostic pour ce match ? Franchement, je ne vois pas l'Egypte gagner par 3 à 0, bien que je le souhaite vivement. Car ça fera beaucoup plaisir à mes amis égyptiens qui en rêvent. Mais au fond de moi, je reste persuadé que ce sera l'Algérie qui ira en Afrique du Sud. Je ne crois pas que l'Egypte pourrait marquer trois buts entiers à cette défense algérienne. Ce sera très difficile pour les Egyptiens, ça c'est sûr. Entretien réalisé par Nacym Djender