«En pleine guerre de Libération, l'Egypte a refusé d'affronter l'équipe du FLN» L'ancien maître à jouer de l'AS Saint-Etienne dans les années 1950 et de l'équipe du FLN à partir de 1956, Rachid Mekhloufi bien sûr, espère que la très probable qualification de l'équipe nationale amènera les responsables de la balle ronde chez nous à s'occuper réellement du football en se penchant notamment vers la formation. Rachid Mekhloufi se dit par ailleurs touché dans son amour-propre par les déclarations égyptiennes arguant que sans l'apport de ce pays, l'Algérie n'aurait jamais eu son indépendance. Il rappelle que la sélection égyptienne de son époque avait refusé de jouer contre le FLN durant sa célèbre tournée mondiale. * Nous ne sommes plus qu'à quelques encablures de cet Egypte-Algérie qui retient toutes les attentions ; comment voyez-vous cette confrontation à votre niveau ? Personnellement, je suis optimiste comme n'importe quel Algérien car je pense que l'Algérie a toutes les chances du monde pour aller à ce Mondial sud-africain. Les Egyptiens sont en train de faire croire à travers leurs médias que la pression va être sur les Algériens, alors que c'est complètement faux et ils le savent très bien. Si on y réfléchit bien, on verra que cet ultime round s'annonce incontestablement à notre avantage. Avec trois points d'avance, un meilleur goal-average et une bonne équipe, rien ne pourra nous faire douter. Je pense que nos joueurs devront être décontractés à leur arrivée en Egypte que ce soit durant les entraînements ou chez eux à l'hôtel. Au coup d'envoi, nous serons déjà plus à l'aise que les Egyptiens car c'est eux qui vont devoir courir derrière le score. On n'aura qu'à gérer la rencontre avec un bon schéma tactique, tout en prenant des précautions en défense et en se mettant en tête que ces Egyptiens ne sont pas une forteresse en béton armé. Bon, tout cela relève du sélectionneur et de son rôle de technicien. * D'aucuns estiment que l'avantage de nos joueurs réside dans le fait qu'ils se trouvent loin de la pression qu'il y a autour de ce match... Même un joueur professionnel connaît la pression. Cela dépendra de son environnement. Soit on continue à lui faire la pression, soit on fait en sorte qu'il se décontracte, mais sans qu'il le soit trop. On doit penser à le motiver avec une certaine pression. Il ne faut pas jouer un match pareil trop détendu. * Mais une équipe composée de professionnels demeure un avantage en soi, non ? Notre avantage est d'avoir une bonne équipe nationale. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas eu d'excellentes sélections composées de joueurs locaux. Pour le moment, ce sont les professionnels qui sont en train de donner ce plus grâce à leur expérience. Le plus important dans cette équipe nationale est qu'elle est axée sur le bloc et non pas sur les individualités. Ce que je peux vous dire, c'est que nos joueurs émigrés sont à 100% des Algériens. Ils sont bien considérés et très respectés chez eux en Algérie, mais aussi dans leurs clubs grâce à l'équipe nationale. Avant, ce n'était pas le cas. On m'a dit pour l'anecdote que les joueurs ont demandé d'aller faire la prière du vendredi à la mosquée, ce n'est pas magnifique tout ça ! * Vous avez parlé du rôle important de l'entraîneur. Pouvez-vous être plus explicite ? En plus du fait qu'il doit adopter une tactique adéquate, Saâdane devra axer son travail sur le plan psychologique car tout se joue dans la tête. Maintenant, nous les Algériens, on ne cherchera qu'une chose à la fin de ces quatre-vingt-dix minutes : voir l'Algérie au Mondial. Je suis sûr que Saâdane, qui a réussi à nous faire rêver jusqu'à présent, a les moyens d'achever son travail comme il se doit et de nous faire qualifier à cette Coupe du monde. * Ne redoutez-vous pas que la pression d'avant-match et même pendant ne déteigne sur le rendement de l'EN ? S'il y a contact physique ou atteinte morale, cela peut jouer contre nous, nous faire perdre la boule en quelque sorte. Par exemple si un garçon d'hôtel ou d'un restaurant essaye de vous narguer par quelques mots ou vous fait une réflexion déplacée, on ne peut pas appeler cela une pression. * Vous avez toujours prôné le travail à long terme en donnant la priorité à la formation pour ne pas compter sur les professionnels, du moins eux seuls. Vous le pensez toujours ? Ecoutez, je ne change jamais d'avis. Nous avons une bonne équipe nationale et le fait d'être aux portes du Mondial représente un acquis non négligeable. Maintenant, la question qu'on doit se poser est la suivante : est-ce que notre football est crédible pour autant si on évoque les clubs, les jeunes catégories, la situation des infrastructures ? La réponse est toujours non. Je crains sincèrement si on se qualifie en Coupe du monde, on croira que notre football est au top niveau. Si on ne suit pas une réelle politique de formation de jeunes, de prospection, d'encadrement, notre football retournera à la case départ. Pour le moment, on doit encourager cette équipe nationale jusqu'à cette qualification au Mondial. Malheureusement, au niveau des clubs, c'est la ruine. Ce sont des milliards et des milliards qui partent en fumée. * Justement, ne pensez-vous pas qu'une qualification en Coupe du monde aura un impact positif sur le championnat algérien par la suite ? Non, je pense plutôt que cette qualification risque de nous éloigner encore de la triste réalité du football algérien. A ce que je sache, personne ne nous a parlé de cet épineux problème mis à part moi. Nous les membres de la Fondation de l'équipe du FLN, puisque je vous parle en son nom, nous soutenons ces projets de formation et les écoles de football. Il y a deux semaines, on s'est rendus à Bel-Abbès juste pour voir une école de football avec deux entraîneurs à sa tête. Eh bien, nous avons découvert un joueur qui a le profil de Draoui. Il y a des centaines des joueurs qu'on doit encore détecter. * Finalement, que pensez-vous de cette guerre médiatique déclenchée par les Egyptiens à la veille de ce match ? C'est de bonne guerre ! Cela fait partie des traditions des Egyptiens. Cela ne m'a pas trop surpris. Je pense toutefois que cela est allé un peu trop loin car nous on est incapables de faire ça. Mais ce qui m'a irrité le plus, c'est le fait que certains Egyptiens ont dit que n'était leur soi-disant apport, l'Algérie n'aurait jamais eu son indépendance. C'est complètement faux et la meilleure preuve est donnée par leur refus de voulu jouer contre l'équipe du FLN. Alors, comment auraient-ils pu nous aider pour faire la guerre ? Ils avaient peur de la FIFA. Mais dans l'ensemble, je pense que notre peuple doit être majeur et ne pas tomber dans l'erreur et répondre à leurs provocations. Je n'ai pas bien suivi cette polémique, mais il me semble que nous, on est moins agressifs et moins virulents. Entretien réalisé par Amine L