«A Khartoum, Lemmouchia m'a dit : ‘‘C'est dur de rater ça !'' » Il avait raté le match, mais pas le coche ! Cette qualification au Mondial, Lounès Gaouaoui peut la savourer comme il se doit, lui dont l'apport personnel reste indéniable. C'est avec le sentiment du devoir accompli que Lounès nous raconte ici avec constance et bon esprit. D'une voix enrouée bien timbrée par des cris de joie que l'on imagine intense, il revient à tête reposée sur cette qualification et ce qui s'en est suivi. C'était sincère et bien réfléchi… Entretien. * L'euphorie de la qualification au Mondial commence-t-elle à se dissiper ou bien êtes-vous toujours sur votre petit nuage ? J'en profite à fond ! J'essaye de savourer chaque instant. Ce n'est quand même pas tous les jours qu'on vit des moments pareils. Du coup, j'extériorise toute cette joie qui me remplit de l'intérieur. Je me fais plaisir, quoi… * Ça a été, en effet, l'hystérie ; comment avez-vous vécu les heures ayant suivi la qualification ? C'était la fiesta ! On s'est lâchés. On a fait la fête toute la nuit. Vous imaginez un peu toute cette frustration accumulée près d'une semaine durant qui sort d'un seul coup. C'était grandiose ! Voilà, c'est le mot. Tout le monde a refusé de céder à la fatigue. On a fêté ça comme il se doit. On était aux anges quoi… On voulait rentrer le plus tôt possible afin de partager la joie de cette qualification avec le peuple. * L'accueil qui vous a été réservé a été à la hauteur de l'événement ; vous attendiez-vous à faire sortir autant de monde dans la rue ? On savait qu'on trouverait du monde à notre arrivée, mais sincèrement, on était loin d'imaginer autant de monde dans les rues ! C'était extraordinaire. Je ne me souviens pas avoir vécu de tels moments. C'était du jamais vu ! * Des émotions, vous en avez connues certainement, y a-t-il cependant un souvenir qui vous est resté ancré dans un coin de votre tête ? Il y avait des moments très intenses, en effet. Seulement, je n'oublierai jamais les larmes du coach à la fin du match. C'était sincère et émouvant à la fois. * On imagine que vous avez reçu beaucoup de messages de sympathie et de félicitations ; y a-t-il un qui vous a marqué en particulier ? Non ! Non ! Pas spécialement. J'en ai reçu, en effet, mais ce qui me fait plaisir à chaque fois c'est que tous les messages sont conclus par One, two, three, viva l'Algérie ! Cela prouve tout l'attachement du peuple à cette équipe… A l'Algérie de manière générale. * Si l'on revenait un peu à cet Egypte-Algérie. Près de cinq jours après, ce match fait encore parler de lui ; vous attendiez-vous à ce que cette rencontre prenne des proportions politiques ? Sincèrement, non. Ce match n'aurait jamais dû sortir de son cadre sportif. Je ne comprends toujours pas toute cette polémique autour. Je sais, cependant, que les responsables égyptiens sont capables de mettre le holà s'ils le souhaitaient. Ce serait bien pour tout le monde. * Quel effet ou impact a eu sur vous l'agression perpétrée sur le bus de l'équipe à votre arrivée au Caire ? J'avais la rage comme tout le monde. On avait quand même porté atteinte à l'Algérie en caillassant le bus de l'équipe. Seulement, j'ai essayé de rester dans mon match. Il fallait rester concentrés, dès lors que leur objectif était de nous déstabiliser. * Ceci s'est-il répercuté sur vous lors du match ? Non, aucunement. Personnellement, j'ai fait fi de tous ces à-côtés. Je pense avoir acquis assez d'expérience pour gérer de tels matches. Déjà à l'aller, on s'était acharnés sur moi. Leurs médias m'étaient tombés dessus, mais je n'ai pas bronché. Le football se joue sur le terrain ! * N'était-ce pas dur pour vous de rater le match d'appui à Khartoum ? Je ne vous le fais pas dire ! C'était une torture. Surtout que je me suis fais avertir gratuitement. A ce que je sache, je n'ai rien fait pour mériter ce carton. Aujourd'hui, j'ai la ferme conviction qu'on avait instruit l'arbitre contre moi. La preuve, sur la première opportunité, il a dégainé ! Seulement, sur le coup, je n'ai pas bronché. Tout ce qui m'importait, c'était la qualification. Ce n'est qu'une fois le match terminé que j'ai mesuré vraiment les conséquences de cet avertissement. A Khartoum, Lemmouchia, qui suivait le match avec moi sur le banc, m'avait dit : «C'est dur de rater ça !», il n'avait pas tort. J'avais joué les 12 matchs des qualifications et se voir contraint de ne pas jouer le match le plus important était une torture. * Chaouchi, qui vous a remplacé, a longtemps mis en avant vos encouragements et votre mérite dans sa prestation ; que lui avez-vous dit au juste ? Rien de spécial, en fait ! Je lui ai juste dit de jouer comme à son habitude. De ne rien changer, quoi. Garder son sang-froid dans de telles circonstances était la clé du match. Je lui ai donc dit : «Refais-nous un de tes matchs avec Sétif»… Il l'a fait. Je lui dis bravo ! * Ne craignez-vous pas aujourd'hui pour votre place ? Pas du tout. Je savais que tout le monde allait me poser cette question. La concurrence avec Chaouchi, je la prends du bon côté. C'est une bonne chose que l'Equipe nationale puisse compter sur nous. Je pense que c'est un gage d'assurance. Après, on laissera le soin au coach de décider qui sera le numéro 1 et qui sera la doublure. C'est le plus important. * Avant d'aller au Mondial, l'Algérie a une CAN à jouer ; peut-on parler d'objectif dès maintenant ? Tout à fait. Je ne pense pas que l'Algérie ira faire de la figuration en Angola. Nonobstant notre statut de Mondialiste, nous avons une équipe ambitieuse qui a de la qualité, du caractère aussi. Ce qui fait qu'on mettra les tripes pour jouer cette CAN. * Vous imaginez que l'effet surprise n'est plus valable pour l'Algérie, vos adversaires vous attendront de pied ferme ; ne craignez-vous pas que l'adversité soit plus rude ? On s'y attend. Le regard des autres a changé. J'imagine que c'est tout le monde qui voudrait nous mettre le feu ! (rires) Ceci nous fera que nous motiver davantage à réaliser le meilleur parcours possible. * Cette CAN, vous y pensez ? Non, pas pour le moment. Ça reste un objectif à court terme pour nous. Mais dans l'immédiat, je préfère encore savourer la joie de cette qualification. * Le regard des supporters aussi risque de changer, on attendra certainement beaucoup plus d'un Mondialiste lors de cette CAN ; ne craignez-vous pas que cela puisse faire augmenter la pression ? Le public sera exigeant, c'est clair. Mais on tâchera de répondre aux attentes. C'est promis. * L'Algérie connaît désormais ses adversaires pour cette CAN ; doit-on penser que c'est le meilleur tirage au sort dont on pouvait espérer ? Moi, je dis qu'on devrait garder les pieds sur terre. A ce niveau, toutes les équipes se valent, y compris le Malawi qui n'est pas là par hasard. Je pense qu'on devrait s'inspirer de l'exemple de l'Egypte que tout le monde donnait favorite pour le Mondial. * N'est-ce pas dur de retrouver le quotidien du club et du championnat national, après de telles émotions ? Maintenant, je peux mourir ! (rires) Sincèrement, ça va être difficile. Il faudra un peu plus de temps pour digérer tout ça. Ça prendra le temps que ça prendra. L'ambiance de l'Equipe nationale me manquera, les copains… J'ai hâte de remettre ça. Mais en attendant, je peux toujours me consoler d'avoir Zaoui à mes côtés…(rires). Entretien réalisé par Achour Aït Ali