En effectuant une visite de travail sur le chantier de la voie express Bou-Ismaïl/Cherchell, le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, n'a pas caché sa colère, contre l'énorme retard pris par l'entreprise chinoise dans la réalisation de cette route. Pourtant, le ministre n'est pas à son premier déplacement pour s'enquérir de l'état d'avancement de ce projet, mais cette fois-ci, la lenteur semble avoir atteint un tel niveau, qu'il ne s'est pas retenu de faire les remontrances nécessaires à l'opérateur. M. Ghoul ne s'est pas arrêté là, puisqu'il a carrément instruit le Directeur des Travaux publics de la Wilaya de mettre en demeure l'entreprise chinoise chargée de la réalisation. Sur les lieux, le ministre a même menacé de procéder à la résiliation du contrat et à l'attribution de ce projet à une autre entreprise, en cas de non respect du délai de réalisation, surtout que le 2ème tronçon de la voie express Cherchell-Damous, sera lancé incessamment. La phrase est lâchée : «le chantier sera attribué à une autre entreprise si… ». Irritées par ces énormes retards dans des chantiers attribués à des sociétés étrangères et qui sont pourtant à la portée des entreprises algériennes, les Autorités semblent avoir changé de fusil d'épaule dans leur vision de la présence des entreprises étrangères en Algérie. Mais, le Gouvernement qui avait déjà adressé par le passé des mises en demeure à des sociétés étrangères, lorsque le retard est important dans la conduite des chantiers, ira-t-il cette fois-ci jusqu'à mettre en exécution sa menace ? Certes, on ne sait pas de quoi sera fait demain, mais la déclaration du ministre des Travaux publics est, pourrait-on dire, très éloquente quant à cette nouvelle vision que veulent imprimer les Autorités à la politique des investissements dans le pays. Les amendements apportés au code des marchés publics et adopté tout récemment par le Conseil des ministres, avaient d'ailleurs donné le ton sur cette nouvelle orientation. Afin d'accroître encore la pression sur la société chinoise qui a eu à subir ses remontrances, le ministre des Travaux publics a assuré que le coût et les délais de réalisation de ce projet ne sauraient être révisés. Il a, en outre, appelé à une meilleure utilisation des compétences que recèle le pays, comme ingénieurs et techniciens dont le nombre dépasse les 10.000 et qui jouissent d'une grande expérience dans le domaine. Le message de Ghoul vient donc en droite ligne de la nouvelle stratégie d'investissement, qui fait la part belle aux entreprises nationales publiques et privées. Des propos du ministre, on peut comprendre en filigrane que pas seulement les entreprises nationales seront dorénavant privilégiées dans l'attribution des marchés publics, mais il est aussi question de la remise en cause des contrats déjà octroyés si des retards importants étaient enregistrés. La nouvelle réglementation pour la gestion des marchés publics est d'ailleurs très claire à ce propos. Ce nouveau texte en rupture sur bien des points par rapport à l'ancienne réglementation devrait constituer une belle aubaine pour les entreprises et les opérateurs locaux, qui bénéficient désormais d'une certaine préférence en matière d'octroi des marchés de l'Etat. «Il appartient également à nos entrepreneurs de saisir les opportunités offertes par le programme public d'investissements, ainsi que la préférence qui leur est aménagée, pour prendre part activement à sa réalisation, développer leurs propres capacités et la qualité de leurs prestations et offrir, en retour, des emplois à nos jeunes», avait d'ailleurs insisté le président Bouteflika dans son intervention, lors de la réunion du Conseil des ministres. Il faut dire qu'une telle démarche a toujours été revendiquée par les opérateurs nationaux qui se sont toujours plaints de n'avoir pas pu bénéficier des importants programmes d'investissement lancés par l'Etat et dont les grands bénéficiaires ont toujours été les grands groupes étrangers. Concrètement, ce nouveau texte vise, entre autre, au relèvement de 15% à 25% de la marge maximale de préférence reconnue à l'entreprise locale dont le capital est majoritairement national, ainsi qu'aux produits et services locaux, lors des soumissions aux marchés publics. Le texte prévoit, par ailleurs, l'obligation de recours à l'appel d'offres national exclusivement, lorsque la production nationale ou l'outil local de production est en mesure de satisfaire le besoin du service contractant. Il est vrai que la taille de l'entreprise algérienne ne lui permet pas, en effet de faire face à des projets de l'envergure de l'autoroute Est-Ouest, du métro ou du tramway par exemple. C'est pour cette raison que le nouveau code des marchés publics ne ferme pas complètement la porte devant les entreprises étrangères, mais le chef de l'Etat les a appelés à associer dans leurs démarches les entreprises locales, afin de faire bénéficier celles-ci du savoir-faire et du transfert de technologie, qui fait défaut à nos entreprises.