C'est l'histoire d'un oranais qui voulait constituer un dossier administratif des plus courants. Pour qu'il soit complet et sans risque de rejet au quart de tour, il fallait un extrait d'acte de naissance, un extrait de rôle, la photocopie de la carte d'électeur, un extrait d'acte de naissance de son père, un certificat de nationalité, un extrait du casier judiciaire, une quittance de la Sonelgaz, un specimen de chèque barré, la photocopie légalisée du permis de conduire, la photocopie légalisée de sa carte nationale d'identité, un certificat de bonne santé, la photocopie légalisée du dernier diplôme d'études obtenu. Et enfin, la photocopie du sursis militaire. Mais comme le logement où il réside n'est pas à son nom, il lui fallait ajouter une attestation d'hébergement, même s'il habite chez ses parents. Abdelkader, muni de sa liste, commence par les documents les plus simples à obtenir. Les photocopies. Qu'à cela ne tienne. Il se présente ensuite à une antenne communale pour les faire légaliser. Huit heures du matin, il se pointe au bureau le plus proche de chez lui. Il pensait être parmi les premiers, comme tous les autres qui formaient la longue file devant les portes encore closes. Onze heures trente. Ouf ! Il vient de gagner une partie de la première épreuve du marathon. Il n'avait pas la carte d'électeur dont l'obtention est sujette à la constitution d'un autre dossier dont l'extrait d'acte de naissance et un certificat de résidence. L'après midi est consacré à établir les prioritaires et un cheminement précis pour gagner du temps. La pièce maîtresse semble être son extrait d'acte de naissance et celui de son père ainsi que la preuve de résidence soumise elle aussi à la fameuse attestation d'hébergement. Car pour obtenir ceci, il faut d'abord avoir cela. L'inverse n'est pas tout aussi vrai. Tout au moins, officiellement. Côté casier judiciaire et certificat de nationalité, c'est une toute autre histoire. Là, il faut participer au parcours du parcours pour ne pas rater la date limite du dépôt des dossiers. Comme il ne faut pas trop traîner. Car on risque de tout recommencer si les premiers documents obtenus venaient à être dépassés. Donc « périmés ». Et arrive le tour de l'extrait de rôle ou le certificat de non imposition. Là aussi, il faut passer par diverses étapes de « qualification ». Et si on ajoute à cette odyssée la période du Ramadhan, alors « là, précise Abdelkader, y a de quoi se tirer une balle dans le cran. Pourtant, dit-il, le président de la République a été très clair lors de sa rencontre, la semaine dernière, avec le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales ». Oui, c'est vrai. Le président de la République n'a pas mâché ses mots. Il a instruit le gouvernement de «veiller à l'émergence d'un service public de qualité soucieux du respect et de la considération des citoyens et des usagers», Le président a par ailleurs instruit le gouvernement de réaliser dans les plus brefs délais l'informatisation totale de l'état civil, et demandé aussi un réexamen des listes des documents et pièces exigibles au niveau des différentes administrations, pour éliminer tout excès dans ce domaine. Les directives sont claires. Les orientations sont nettes. Aucun flou. Reste à savoir comment concrétiser les instructions pour que le citoyen se retrouve dans les labyrinthes de la bureaucratie. Comment combattre les enveloppes brunes. Comment assurer les droits du citoyen astreint le plus souvent juste à des devoirs non règlementaires… Une valise de documents pour obtenir une pièce d'identité, par exemple. Mais heureux sont les Algériens résidant à l'étranger, notamment au Canada. Ils sont chanceux aussi, car la délivrance d'un passeport est réduite à sa plus simple expression. Grand maximum deux jours avec deux documents, le formulaire blanc, photos et quelque 80 dollars pour le timbre.